Quels sont les risques sanitaires liés à la téléphonie mobile ? Face à un foisonnement d'études, le débat porte aujourd'hui sur la validité des normes actuelles et sur la place à accorder à l'exposition des populations à risques.
Dans le cadre de la rédaction d'un rapport, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui réunit les 27 Etats membres de l'Union européenne et 20 autres Etats européens, organisait vendredi 25 février 2011 un débat contradictoire sur les risques sanitaires potentiels des ondes électromagnétiques de la téléphonie mobile.
"Qu'on arrête les caricatures", demande Jean-Marie Danjou, directeur général délégué Collège mobile de la Fédération française des télécoms (FFT), appelant à ne "pas mettre en scène l'affrontement entre les industriels et les ONG." En effet, avec environ 1.500 études dédiées aux impacts sanitaires potentiels de la téléphonie mobile, force est de constater que chacune des deux parties trouve de quoi alimenter la polémique.
Respect de normes contestées
Côté opérateurs de téléphonie, on insiste en particulier sur le respect des normes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et des agences nationales. Ainsi, Jack Rowley, directeur de la GSM association (GSMA), qui représente les opérateurs de téléphonie mobile au niveau mondial, évoque une exposition aux ondes électromagnétiques à un "niveau très largement inférieur au seuil maximum établi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS)." Même constat pour Jean-Marie Danjou qui considère que "les opérateurs ne peuvent qu'appliquer les lois adoptées par les autorités publiques" et rappelle que l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) estime qu'il n'y a pas de risque associé aux ondes des antennes et des téléphones portables.
Cependant, ce n'est pas tant le respect des normes que leur validité qui est contestée. Ainsi, David Gee, secrétaire du Comité du conseil scientifique de l'Agence européenne de l'environnement (AEE), estime que "les seuils OMS ne sont pas suffisamment sûrs" car des effets peuvent apparaître en deçà et ils ne tiennent pas compte des populations à risque, tels que les enfants. Un point de vue partagé par Etienne Cendrier, porte-parole de l'Association Robin des toits, qui renchérit : "les normes actuelles défendent les industriels, c'est comme si on recommandait de ne pas rouler à 1.000 km/h sur l'autoroute." Afin d'expliquer de telles normes, le représentant des Robins des toits estime que certains membres de l'OMS sont en situation de conflit d'intérêts. Il cite notamment en exemple Mike Repacholi qui a coordonné le Projet international sur les champs électromagnétiques de l'OMS, alors même qu'il était auparavant consultant pour les industriels de la téléphonie mobile.
Considérer l'ensemble de la population ou la population à risque ?
Quant à la réalité du danger, Jack Rowley rappelle que "selon l'OMS, il n'y a pas de données convaincantes pour affirmer que les ondes sont dangereuses pour la santé." Cependant, il concède que "s'il n'y a pas de lien entre maladies et exposition aux antennes de téléphonie mobile, le vrai débat concerne l'utilisation des téléphones portables." Un point de vue que partage son homologue français qui rappelle qu'en France les opérateurs vendent leurs produits avec un kit oreillette qu'ils conseillent d'utiliser lors des appels prolongés. De même, "l'étude Interphone a établi qu'il n'y a pas de lien entre l'usage des téléphones portables et les cancers du cerveau", rappelle Jack Rowley, ajoutant que "les données qui disent le contraire ne sont ni globales et ni systématiques." Un argument qui n'est pas remis en cause par les partisans d'une limitation des ondes électromagnétiques des technologies sans fil.
Ce qui est contesté, par contre, c'est l'importance donnée, ou non, aux études relatives aux populations à risque. "Il y a des preuves suffisamment inquiétantes", explique le représentant de l'AEE ajoutant qu'"il y a un léger risque mais sur une population très large." Ainsi, il considère qu'il est important d'étudier les populations à risque, les enfants notamment, pour ne pas diluer les résultats dans l'ensemble de la population. En effet, c'est en tenant compte de ces populations que l'on peut avoir une idée de ce qui pourrait subvenir pour l'ensemble de la population d'ici quelques décennies compte tenu de la lenteur de l'apparition d'une éventuelle épidémie de cancer. Afin d'illustrer ce point il rapporte qu'au Japon le lien entre la bombe atomique et la hausse des cancers n'est devenu évident et incontestable que 40 ans après les bombardements. Or, selon le représentant de l'AEE, il y aurait cinq fois plus de cancers chez les utilisateurs de téléphone portable de moins de 20 ans. Si on n'en connaît pas les raisons scientifiques, on ne peut pas pour autant ignorer le lien que les études mettent en avant, explique David Gee.
Prévenir plutôt que guérir
Quant au cancérologue Dominique Belpomme, président de l'Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (ARTAC), connu pour avoir travaillé sur de possibles causes controversées de cancers comme le chlordécone aux Antilles, l'incinération des déchets et plus récemment les ondes éléctromagnétiques, il estime qu'il faut distinguer les données théoriques et la réalité vécue par les patients, c'est-à-dire les données pratiques.
Il se base en particulier sur une étude qu'il a mené auprès de personnes déclarant une hypersensibilté aux ondes électromagnétiques. "On ne peut les ignorer", explique-t-il car "on ne peut pas dire que ce sont des simulateurs." Trois éléments tendent à démontrer la réalité des troubles : les dire des malades (qu'on ne peut en aucun cas ignorer selon le cancérologue), des tests sur les animaux, et les encéphaloscans qui mesurent les troubles décrits par les patients. Finalement, selon l'étude qu'il a menée, et dont les conclusions seront prochainement publiées, des signes cliniques confirment le ressenti des patients, tels qu'un effondrement du taux de vitamine D, une hausse du niveau des protéines associées au stress et une hausse de certains anticorps.
"Nous sommes en face d'un possible problème de santé publique plus grave que les précédents", estime en conclusion Dominique Belpomme faisant référence aux crises sanitaires liées à l'amiante et au tabac. Un point de vue proche de celui du représentant de l'AEE qui juge que "si l'on veut prévenir les cancers, c'est maintenant qu'il faut agir, plutôt que d'attendre de les dénombrer dans quelques décennies." Une vision que rejette le représentant des opérateurs français de téléphonie mobile qui estime pour sa part qu'"il n'y a aucun rapport entre les ondes et le tabac ou l'amiante."
Philippe Collet
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Source : http://www.actu-environnement.com/ae/news/ondes-telephone-portable-risque-debat-OMS-12059.php4
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Voir également :
- Téléphonie mobile: trafic d’influence à l’OMS ?
- A propos du discrédit public de l'OMS - JT France 3 et Magazine de la Santé - France 5 - 29/01/2010
- DISCREDIT PUBLIC DE L’OMS - 2007
- L'OMS se penche sur les impacts de l'électromagnétisme - Le Journal de l'Habitation - 30/01/2008
Dans le cadre de la rédaction d'un rapport, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui réunit les 27 Etats membres de l'Union européenne et 20 autres Etats européens, organisait vendredi 25 février 2011 un débat contradictoire sur les risques sanitaires potentiels des ondes électromagnétiques de la téléphonie mobile.
"Qu'on arrête les caricatures", demande Jean-Marie Danjou, directeur général délégué Collège mobile de la Fédération française des télécoms (FFT), appelant à ne "pas mettre en scène l'affrontement entre les industriels et les ONG." En effet, avec environ 1.500 études dédiées aux impacts sanitaires potentiels de la téléphonie mobile, force est de constater que chacune des deux parties trouve de quoi alimenter la polémique.
Respect de normes contestées
Côté opérateurs de téléphonie, on insiste en particulier sur le respect des normes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et des agences nationales. Ainsi, Jack Rowley, directeur de la GSM association (GSMA), qui représente les opérateurs de téléphonie mobile au niveau mondial, évoque une exposition aux ondes électromagnétiques à un "niveau très largement inférieur au seuil maximum établi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS)." Même constat pour Jean-Marie Danjou qui considère que "les opérateurs ne peuvent qu'appliquer les lois adoptées par les autorités publiques" et rappelle que l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) estime qu'il n'y a pas de risque associé aux ondes des antennes et des téléphones portables.
Cependant, ce n'est pas tant le respect des normes que leur validité qui est contestée. Ainsi, David Gee, secrétaire du Comité du conseil scientifique de l'Agence européenne de l'environnement (AEE), estime que "les seuils OMS ne sont pas suffisamment sûrs" car des effets peuvent apparaître en deçà et ils ne tiennent pas compte des populations à risque, tels que les enfants. Un point de vue partagé par Etienne Cendrier, porte-parole de l'Association Robin des toits, qui renchérit : "les normes actuelles défendent les industriels, c'est comme si on recommandait de ne pas rouler à 1.000 km/h sur l'autoroute." Afin d'expliquer de telles normes, le représentant des Robins des toits estime que certains membres de l'OMS sont en situation de conflit d'intérêts. Il cite notamment en exemple Mike Repacholi qui a coordonné le Projet international sur les champs électromagnétiques de l'OMS, alors même qu'il était auparavant consultant pour les industriels de la téléphonie mobile.
Considérer l'ensemble de la population ou la population à risque ?
Quant à la réalité du danger, Jack Rowley rappelle que "selon l'OMS, il n'y a pas de données convaincantes pour affirmer que les ondes sont dangereuses pour la santé." Cependant, il concède que "s'il n'y a pas de lien entre maladies et exposition aux antennes de téléphonie mobile, le vrai débat concerne l'utilisation des téléphones portables." Un point de vue que partage son homologue français qui rappelle qu'en France les opérateurs vendent leurs produits avec un kit oreillette qu'ils conseillent d'utiliser lors des appels prolongés. De même, "l'étude Interphone a établi qu'il n'y a pas de lien entre l'usage des téléphones portables et les cancers du cerveau", rappelle Jack Rowley, ajoutant que "les données qui disent le contraire ne sont ni globales et ni systématiques." Un argument qui n'est pas remis en cause par les partisans d'une limitation des ondes électromagnétiques des technologies sans fil.
Ce qui est contesté, par contre, c'est l'importance donnée, ou non, aux études relatives aux populations à risque. "Il y a des preuves suffisamment inquiétantes", explique le représentant de l'AEE ajoutant qu'"il y a un léger risque mais sur une population très large." Ainsi, il considère qu'il est important d'étudier les populations à risque, les enfants notamment, pour ne pas diluer les résultats dans l'ensemble de la population. En effet, c'est en tenant compte de ces populations que l'on peut avoir une idée de ce qui pourrait subvenir pour l'ensemble de la population d'ici quelques décennies compte tenu de la lenteur de l'apparition d'une éventuelle épidémie de cancer. Afin d'illustrer ce point il rapporte qu'au Japon le lien entre la bombe atomique et la hausse des cancers n'est devenu évident et incontestable que 40 ans après les bombardements. Or, selon le représentant de l'AEE, il y aurait cinq fois plus de cancers chez les utilisateurs de téléphone portable de moins de 20 ans. Si on n'en connaît pas les raisons scientifiques, on ne peut pas pour autant ignorer le lien que les études mettent en avant, explique David Gee.
Prévenir plutôt que guérir
Quant au cancérologue Dominique Belpomme, président de l'Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (ARTAC), connu pour avoir travaillé sur de possibles causes controversées de cancers comme le chlordécone aux Antilles, l'incinération des déchets et plus récemment les ondes éléctromagnétiques, il estime qu'il faut distinguer les données théoriques et la réalité vécue par les patients, c'est-à-dire les données pratiques.
Il se base en particulier sur une étude qu'il a mené auprès de personnes déclarant une hypersensibilté aux ondes électromagnétiques. "On ne peut les ignorer", explique-t-il car "on ne peut pas dire que ce sont des simulateurs." Trois éléments tendent à démontrer la réalité des troubles : les dire des malades (qu'on ne peut en aucun cas ignorer selon le cancérologue), des tests sur les animaux, et les encéphaloscans qui mesurent les troubles décrits par les patients. Finalement, selon l'étude qu'il a menée, et dont les conclusions seront prochainement publiées, des signes cliniques confirment le ressenti des patients, tels qu'un effondrement du taux de vitamine D, une hausse du niveau des protéines associées au stress et une hausse de certains anticorps.
"Nous sommes en face d'un possible problème de santé publique plus grave que les précédents", estime en conclusion Dominique Belpomme faisant référence aux crises sanitaires liées à l'amiante et au tabac. Un point de vue proche de celui du représentant de l'AEE qui juge que "si l'on veut prévenir les cancers, c'est maintenant qu'il faut agir, plutôt que d'attendre de les dénombrer dans quelques décennies." Une vision que rejette le représentant des opérateurs français de téléphonie mobile qui estime pour sa part qu'"il n'y a aucun rapport entre les ondes et le tabac ou l'amiante."
Philippe Collet
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Source : http://www.actu-environnement.com/ae/news/ondes-telephone-portable-risque-debat-OMS-12059.php4
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Voir également :
- Téléphonie mobile: trafic d’influence à l’OMS ?
- A propos du discrédit public de l'OMS - JT France 3 et Magazine de la Santé - France 5 - 29/01/2010
- DISCREDIT PUBLIC DE L’OMS - 2007
- L'OMS se penche sur les impacts de l'électromagnétisme - Le Journal de l'Habitation - 30/01/2008