Plusieurs membres du Conseil d'Etat présentent des liens avec les opérateurs de téléphonie mobile. Une sénatrice et l'association Robin des Toits dénoncent ce « noyautage » de l'instance suprême de la justice administrative, qui a exclu l'idée qu'un maire puisse s'opposer à l'implantation d'antennes-relais sur sa commune. Sur le terrain, un nombre croissant de maires réclament la baisse des normes d'exposition. L'Association des Maires des Grandes Villes de France préparent début avril 2012 une journée nationale : « les antennes relais dans la ville » .
Le Conseil d’Etat, dans son avis du 26 octobre 2011, a exclu l’idée qu’un maire puisse user de son pouvoir de police générale pour réglementer par arrêté l’implantation des antennes relais sur le territoire de sa commune. « Seules les autorités étatiques (ministres, ARCEP, ANFR) sont désormais habilitées à le faire, » analyse la sénatrice Leila Aïchi (EELV), également avocate au barreau de Paris. Elle poursuit en soulignant l’existence de « conflits d’intérêts différés » au sein du Conseil d’Etat.
Conflits d’intérêts ?
Le cas le plus notable selon elle est d’abord celui de Xavier de Lesquen, rapporteur au Conseil d’Etat de l’examen, le 30 septembre 2011, de la décision opposant des maires à des opérateurs de téléphonie mobile. Ses recommandations sont l’origine de l’avis rendu le 26 octobre 2011. Xavier de Lesquen est également l’ancien directeur administratif et financier du Défi Bouygues Telecom Transciel qui a participé à la Coupe de l’America en 2000 et 2003. Son bateau a été financé à hauteur de 6 millions d’euros (40 millions de francs) par l’opérateur de téléphonie mobile, signale Leila Aïchi.
Un antécédent suffisant selon la sénatrice pour « encourager une obligeance à l’égard de l’opérateur » et « légitimement permettre de reconsidérer la position du rapporteur » relative au pouvoir du maire dans l’application du principe de précaution au sujet des antennes-relais de téléphonie mobile.
Leila Aïchi et l’association Robin des Toits relèvent « trois autres situations de conflits d’intérêt différés »: Patrick Logak, maître des requêtes au Conseil d’état et détaché en tant que secrétaire général de SFR depuis le 13 mars 2011 ; Didier Casas, également maître des requêtes, a lui été nommé secrétaire général de Bouygues Telecom le 17 mars 2011 ; enfin, le conseiller d’Etat Jean-Ludovic Silicani est depuis mai 2009 président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), supervisant ainsi le déploiement de l’ensemble des réseaux de téléphonie mobile sur l’ensemble du territoire.
Les fonctionnaires mis en cause lors de cette conférence de presse « n’ont été et ne sont en aucun cas dans une situation de conflits d’intérêts » répond le Conseil d’Etat, contacté par Novethic. Au sujet de Xavier de Lesquen, « eu égard à leur ancienneté, ces faits ne peuvent faire apparaître en 2012 un quelconque conflit d’intérêts ». D’ailleurs, rappelle l’institution, aucune législation, dans aucun pays, ne prévoit l’obligation pour une personne chargée d’une mission publique de déclarer ses intérêts ou ses liens professionnels au-delà d’une période de cinq années maximum. Les deux maitres de requêtes évoqués ont eux quitté le Conseil d’Etat depuis respectivement 4 et 2 ans. Leur disponibilité implique ainsi une rupture temporaire de tout lien avec leur corps d’origine. Aucun des deux n’exerce ou ne peut exercer de « fonction, consultative ou contentieuse, » au Conseil d’Etat.
Tribunal des conflits
Pour l’avocat parisien Richard Forget, « les membres du Conseil d’Etat sont avant tout des hauts fonctionnaires, faisant carrière et peu enclins à remettre en cause la parole de l’Etat. C’est pourquoi ce mélange des genres du Conseil d’Etat est dangereux et doit être pris au sérieux. Même si les gens sont de bonne foi, cela jette une suspicion insupportable. »
Le faisceau de présomptions exprimées sur l’indépendance de l’avis du Conseil d’Etat en matière d’antenne relais est d’autant plus gênant que le climat est devenu particulièrement tendu. D’ici quelques semaines en effet, le 14 mai 2012, une importante audience va se dérouler au Tribunal des conflits, dont les membres sont issus pour moitié du Conseil d’Etat et pour moitié de la Cour de Cassation. Le Tribunal des conflits doit déterminer si un juge judiciaire en ordonnant le démontage ou en interdisant l’installation d’une antenne porte atteinte ou non aux autorisations administratives dont bénéficient les opérateurs de téléphonie mobile. « C’est ainsi qu’un litige entre personnes privées, portant sur un bien privé, en l’espèce une antenne-relais, pourrait être porté devant le juge administratif, » avance Richard Forget.
Journée nationale des maires
Sur le terrain, les maires - privés de tout pouvoir de réglementation sur les antennes-relais depuis l’avis du Conseil d’Etat d’octobre 2011 - sont toutefois de plus en plus nombreux à s’exprimer en faveur du seuil de 0,6 Volt/mètre ; considéré par les associations comme le mieux disant en matière de prévention du risque sanitaire.
Outre les communes des Pennes-Mirabeau (Bouches du Rhône), de Saint-Denis (Seine-St-Denis) et de Bordeaux, à l’origine de l’avis du Conseil d’Etat, les communes de Varades (Loire Atlantique) et Rivières (Tarn) ont voté en septembre 2011 en faveur du 0,6 V/m. Le 16 décembre 2011, une résolution de la Ville de Toulouse appelle à une révision de la réglementation nationale fixant la valeur limite à 0,6 V/m. Près de 240 communes s’étaient portée volontaires en novembre 2009 pour tester ce seuil d’exposition. Contrairement aux engagements pris, des 16 villes initialement retenues dans le dispositif du gouvernement, une seule expérimentation des 0,6 volts/m est en cours aujourd’hui, dans un arrondissement de Paris.
La situation est devenue à ce point intenable que l’Association des Maires des Grandes Villes de France organise à Valence, le 4 avril prochain, avec l’eurodéputée Michele Rivasi, une journée nationale sur « les antennes relais dans la ville ». Débats houleux en perspective.
Maxence Layet
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Source : http://www.novethic.fr/novethic/ecologie,institutions,reglementation,antennes_relais_conseil_etat_influence,136835.jsp
Le Conseil d’Etat, dans son avis du 26 octobre 2011, a exclu l’idée qu’un maire puisse user de son pouvoir de police générale pour réglementer par arrêté l’implantation des antennes relais sur le territoire de sa commune. « Seules les autorités étatiques (ministres, ARCEP, ANFR) sont désormais habilitées à le faire, » analyse la sénatrice Leila Aïchi (EELV), également avocate au barreau de Paris. Elle poursuit en soulignant l’existence de « conflits d’intérêts différés » au sein du Conseil d’Etat.
Conflits d’intérêts ?
Le cas le plus notable selon elle est d’abord celui de Xavier de Lesquen, rapporteur au Conseil d’Etat de l’examen, le 30 septembre 2011, de la décision opposant des maires à des opérateurs de téléphonie mobile. Ses recommandations sont l’origine de l’avis rendu le 26 octobre 2011. Xavier de Lesquen est également l’ancien directeur administratif et financier du Défi Bouygues Telecom Transciel qui a participé à la Coupe de l’America en 2000 et 2003. Son bateau a été financé à hauteur de 6 millions d’euros (40 millions de francs) par l’opérateur de téléphonie mobile, signale Leila Aïchi.
Un antécédent suffisant selon la sénatrice pour « encourager une obligeance à l’égard de l’opérateur » et « légitimement permettre de reconsidérer la position du rapporteur » relative au pouvoir du maire dans l’application du principe de précaution au sujet des antennes-relais de téléphonie mobile.
Leila Aïchi et l’association Robin des Toits relèvent « trois autres situations de conflits d’intérêt différés »: Patrick Logak, maître des requêtes au Conseil d’état et détaché en tant que secrétaire général de SFR depuis le 13 mars 2011 ; Didier Casas, également maître des requêtes, a lui été nommé secrétaire général de Bouygues Telecom le 17 mars 2011 ; enfin, le conseiller d’Etat Jean-Ludovic Silicani est depuis mai 2009 président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), supervisant ainsi le déploiement de l’ensemble des réseaux de téléphonie mobile sur l’ensemble du territoire.
Les fonctionnaires mis en cause lors de cette conférence de presse « n’ont été et ne sont en aucun cas dans une situation de conflits d’intérêts » répond le Conseil d’Etat, contacté par Novethic. Au sujet de Xavier de Lesquen, « eu égard à leur ancienneté, ces faits ne peuvent faire apparaître en 2012 un quelconque conflit d’intérêts ». D’ailleurs, rappelle l’institution, aucune législation, dans aucun pays, ne prévoit l’obligation pour une personne chargée d’une mission publique de déclarer ses intérêts ou ses liens professionnels au-delà d’une période de cinq années maximum. Les deux maitres de requêtes évoqués ont eux quitté le Conseil d’Etat depuis respectivement 4 et 2 ans. Leur disponibilité implique ainsi une rupture temporaire de tout lien avec leur corps d’origine. Aucun des deux n’exerce ou ne peut exercer de « fonction, consultative ou contentieuse, » au Conseil d’Etat.
Tribunal des conflits
Pour l’avocat parisien Richard Forget, « les membres du Conseil d’Etat sont avant tout des hauts fonctionnaires, faisant carrière et peu enclins à remettre en cause la parole de l’Etat. C’est pourquoi ce mélange des genres du Conseil d’Etat est dangereux et doit être pris au sérieux. Même si les gens sont de bonne foi, cela jette une suspicion insupportable. »
Le faisceau de présomptions exprimées sur l’indépendance de l’avis du Conseil d’Etat en matière d’antenne relais est d’autant plus gênant que le climat est devenu particulièrement tendu. D’ici quelques semaines en effet, le 14 mai 2012, une importante audience va se dérouler au Tribunal des conflits, dont les membres sont issus pour moitié du Conseil d’Etat et pour moitié de la Cour de Cassation. Le Tribunal des conflits doit déterminer si un juge judiciaire en ordonnant le démontage ou en interdisant l’installation d’une antenne porte atteinte ou non aux autorisations administratives dont bénéficient les opérateurs de téléphonie mobile. « C’est ainsi qu’un litige entre personnes privées, portant sur un bien privé, en l’espèce une antenne-relais, pourrait être porté devant le juge administratif, » avance Richard Forget.
Journée nationale des maires
Sur le terrain, les maires - privés de tout pouvoir de réglementation sur les antennes-relais depuis l’avis du Conseil d’Etat d’octobre 2011 - sont toutefois de plus en plus nombreux à s’exprimer en faveur du seuil de 0,6 Volt/mètre ; considéré par les associations comme le mieux disant en matière de prévention du risque sanitaire.
Outre les communes des Pennes-Mirabeau (Bouches du Rhône), de Saint-Denis (Seine-St-Denis) et de Bordeaux, à l’origine de l’avis du Conseil d’Etat, les communes de Varades (Loire Atlantique) et Rivières (Tarn) ont voté en septembre 2011 en faveur du 0,6 V/m. Le 16 décembre 2011, une résolution de la Ville de Toulouse appelle à une révision de la réglementation nationale fixant la valeur limite à 0,6 V/m. Près de 240 communes s’étaient portée volontaires en novembre 2009 pour tester ce seuil d’exposition. Contrairement aux engagements pris, des 16 villes initialement retenues dans le dispositif du gouvernement, une seule expérimentation des 0,6 volts/m est en cours aujourd’hui, dans un arrondissement de Paris.
La situation est devenue à ce point intenable que l’Association des Maires des Grandes Villes de France organise à Valence, le 4 avril prochain, avec l’eurodéputée Michele Rivasi, une journée nationale sur « les antennes relais dans la ville ». Débats houleux en perspective.
Maxence Layet
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Source : http://www.novethic.fr/novethic/ecologie,institutions,reglementation,antennes_relais_conseil_etat_influence,136835.jsp