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Dr Roger Santini : 'Arguments en faveur de l'application du principe de précaution à l'encontre des stations relais de téléphonie mobile' - audition au Sénat - 06/03/2002

OFFICE PARLEMENTAIRE D'EVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

Audition du 6 Mars 2002 à la demande de Messieurs les Sénateurs Jean-Louis LORRAIN et Daniel RAOUL. Par Roger SANTINI - Docteur ès-sciences - Maître de Conférences



I - INTRODUCTION.

Pour permettre aux millions de téléphones mobiles cellulaires de fonctionner correctement, des milliers de stations relais de téléphonie mobile ont été implantées en Europe et dans le monde entier. Dans la technologie digitale actuellement prépondérante sur le marché, des hyperfréquences (ou micro-ondes) pulsées en extrêmement basses fréquences sont utilisées. Ces hyperfréquences ont une fréquence de 900 MégaHertz (MHz) pour le système GSM (Global System for Mobil Communication) et une fréquence de 1800 MHz pour le système DCS (Digital Cellular System) (1). Notons ici que ces 2 fréquences sont très proches de celle du four domestique à micro-ondes qui fonctionne en 2450 MHz.

NB. : Le texte qui suit n'a pas la prétention d'être exhaustif en ce qui concerne les nombreux travaux scientifiques qui rapportent l'existence d'effets biologiques liés à l'exposition aux micro-ondes.

Il n'aborde pas non plus le problème des effets biologiques des extrêmement basses fréquences qui sont présentes dans le signal de la téléphonie mobile.

Alors que pour les utilisateurs de téléphones mobiles cellulaires l'exposition est en « champ proche », pour les populations riveraines de stations relais cette exposition est en « champ lointain » (2).

Lors de l'exposition en « champ lointain », différents facteurs sont susceptibles de modifier le niveau d'exposition des populations riveraines et en particulier :

La distance de la source émettrice : à quelques mètres d'une station relais, on peut mesurer des densités de puissance hyperfréquences de plusieurs dizaines de microWatts par centimètre carré (µW/cm2) et de 10 µW/cm2 (6,1 Volts par mètre - V/m) à 50 mètres (3).

Le fait d'être ou non placé dans le lobe principal d'hyperfréquences situé en avant des antennes émettrices : ce lobe principal véhicule une énergie électromagnétique supérieure à celle des lobes secondaires présents en particulier sur le côté et l'arrière des antennes.

La présence de « réémetteurs passifs » constitués de structures métalliques (volets de fenêtres, portes de garages, rampes d'escaliers, ...) susceptibles d'amplifier les hyperfréquences (4).

Les fluctuations dans les puissances émises par les stations relais en fonction du nombre de communications téléphoniques traitées par celles-ci.

La présence d'autres sources électromagnétiques dans l'environnement (lignes électriques, transformateurs électriques, appareils électroménagers, ...) qui peuvent interférer avec les hyperfréquences des stations relais (5).

Une mesure ponctuelle des champs électromagnétiques dans l'environnement des stations relais paraît alors insuffisante pour connaître avec certitude le niveau de l'exposition chronique des riverains aux hyperfréquences et cela d'autant plus que le nombre d'antennes présentes sur un site varie au cours du temps, selon les besoins des différents opérateurs.



II - POURQUOI FAUT-IL APPLIQUER LE PRINCIPE DE PRECAUTION A L'ENCONTRE DES STATIONS RELAIS.

Plusieurs arguments peuvent être avancés et sont développés ci-après :

- Les effets des micro-ondes sont connus et référencés depuis plus de 40 ans.
- L'exposition à un téléphone mobile cellulaire génère des effets biologiques.
- Des effets biologiques sont rapportés chez les riverains de stations relais et d'émetteurs de radiotélévision.

- Certains pays ont déjà adopté pour leur population des limites d'exposition inférieures à celles actuellement admises.
- La sensibilité aux hyperfréquences n'est pas la même pour tous.

1- Les effets des micro-ondes sont connus et référencés depuis plus de 40 ans.

L'exposition chronique aux micro-ondes est responsable, entre autres, de l'apparition du « syndrome des micro-ondes » et augmenterait le risque cancérigène.

1.1) « Le syndrome des micro-ondes », également appelé maladie des radiofréquences, a été décrit dès les années 1960 par des chercheurs de pays de l'Est (6). Une publication récente (7) précise que cette pathologie est liée à l'exposition chronique à des hyperfréquences pulsées, semblables à celles générées par la technologie des téléphones mobiles cellulaires.

ELLE SE CARACTÉRISE PAR :
Un syndrome asthénique (fatigabilité, irritabilité, nausées, céphalées, anorexie, dépression).
Un syndrome dystonique cardio-vasculaire (bradycardie, tachycardie, hyper ou hypotension).
Un syndrome diencéphalique (somnolence, insomnie, difficultés de concentration).
On lui associe également du dermographisme (allergies cutanées, eczéma, psoriasis), des modifications de la formule sanguine, des perturbations de l'électroencéphalogramme, de la reproduction, l'atteinte d'organes des sens et des tumeurs.

1.2) Le risque cancérigène :

De 1953 à 1976 le personnel de l'Ambassade américaine de Moscou a été soumis à une irradiation chronique par micro-ondes à une densité de puissance moyenne de 1 à 2,4 µW/cm2 (1,9 à 3 V/m), avec des maxima de courtes durées de 5 à 18 µW/cm2 (4,3 à 8,2 V/m) et avec des fréquences variant de 600 MHz à 9,5 GHz. Une étude de ce personnel met en évidence une augmentation du risque de leucémies et de cancers de l'utérus (8).

Une étude auprès de 9.590 TRAVAILLEURS DES TÉLÉCOMMUNICATIONS canadiennes souligne une augmentation significative du nombre de mélanomes cutanés par rapport à la population générale (9).

Une enquête conduite dans l'armée américaine sur 880.000 PERSONNES EXPOSÉES À DES MICRO-ONDES rapporte une augmentation significative du risque de tumeurs du cerveau (10).

Les effets de l'exposition chronique de militaires polonais à des ondes ultra courtes associées à des micro-ondes (fréquences de 150 à 3.500 MHz) sont étudiés depuis 20 ans sur 120.000 PERSONNES ENVIRON.

Les résultats obtenus montrent des augmentations significatives du risque pour les cancers du sang, de l'œsophage, de l'estomac, du colon, de la peau (mélanome) et du cerveau, pour une exposition micro-ondes n'excédant pas 200 µW/cm2 (27,4 V/m) (11).


2- L'exposition à un téléphone mobile cellulaire génère des effets biologiques.

2.1) Une enquête épidémiologique suédo-norvégienne portant sur 11.000 utilisateurs de téléphones mobiles cellulaires met en évidence une relation entre l'exposition (nombre et durée des appels téléphoniques) et l'augmentation des plaintes telles que céphalées, fatigue, sensation de chaleur sur l'oreille (12), ...

2.2) Une enquête française auprès d'utilisateurs de téléphones mobiles cellulaires rapporte une augmentation significative de la fréquence des plaintes exprimées lors de la communication telles que picotements à l'oreille, sentiment d'inconfort, chaleur sur l'oreille. Ces symptômes sont en relation avec la durée (> 2 min) et le nombre d'appels par jour (> 2). Cette étude fait également apparaître une plus grande sensibilité des femmes par rapport aux hommes pour ce qui est des perturbations du sommeil. La sensation de chaleur sur l'oreille représente, pour les auteurs, un signal d'alerte qui doit inciter à l'arrêt de la communication en cours (13-14-15).

2.3) D'autres effets significatifs ont été observés lors d'expériences conduites sur des volontaires humains et en particulier :

- Des perturbations de l'activité électrique cérébrale (16).
- Des modifications du sommeil (17).
- Des effets sur la pression artérielle (18).
- Une augmentation des céphalées (19), ...

2.4) Risques de cancer.

Chez l'animal : Une augmentation significative du risque de lymphome faisant suite à l'exposition à un signal de type GSM a été observée chez la souris (20).

Chez l'homme : Différentes publications ne trouvent pas d'association entre l'usage d'un téléphone mobile et le risque de tumeurs cérébrales (21-22-23).

Au contraire, une étude met en évidence une augmentation significative du risque de tumeur cérébrale lié à l'usage d'un portable (Risque relatif = 2,6 - Intervalle de confiance = 1,02 - 6,71) (24).

En ce qui concerne l'œil, une étude fait apparaître une augmentation significative (Risque relatif = 4,2 - Intervalle de confiance = 1,2 - 14,5) du risque de mélanome de l'uvée en relation avec l'utilisation « probable/certaine » d'un téléphone mobile cellulaire (25).

N.B. L'utilisation de plus en plus fréquente du téléphone portable pour la lecture de messages et bientôt pour visionner des films, risque d'entraîner chez les utilisateurs, des problèmes oculaires en relation avec les effets cataractogènes des micro-ondes.

2.5) Rapport COMOBIO (Communications Mobiles et Biologie : Programme financé par les MINISTÈRES DE LA RECHERCHE ET DE L'INDUSTRIE).

Chez le rat exposé aux ondes électromagnétiques de type GSM générées par un téléphone mobile, le rapport COMOBIO (site Internet : http://www-sig.enst.fr/comobio  ) souligne :

Des perturbations de la barrière hémato-encéphalique (perméabilisation des vaisseaux sanguins intracrâniens) qui pourraient être, selon les auteurs, à l'origine de processus inflammatoires localisés responsables du développement de crises de migraines chez les personnes prédisposées.

Une augmentation du nombre d'astrocytes (cellules du cerveau) traduisant une INFLAMMATION qui pourrait être le signe, selon les auteurs, d'une souffrance des neurones.

Des modifications de la quantité et (ou) de l'affinité pour leurs récepteurs de neurotransmetteurs essentiels du cerveau (GABA, Dopamine, Glutamate).

N.B. : Les résultats de l'étude COMOBIO confirment les effets connus des micro-ondes sur la barrière hémato-encéphalique, les neurotransmetteurs et les récepteurs cérébraux chez différentes espèces animales (1).

Le GABA est le principal neurotransmetteur inhibiteur du cerveau. Sa diminution est à l'origine de maladies comme L'ÉPILEPSIE. Il est impliqué également dans des maladies neurologiques telles que les maladies de Parkinson et de Huntington.

Les variations de la concentration en Dopamine du cerveau sont responsables de pathologies telles que la maladie de Parkinson et la schizophrénie, ...

Le Glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du cerveau. Son augmentation peut conduire à des modifications du comportement (irritabilité, agressivité, ...). Il est également mis en cause dans des maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson.


3 - Des effets biologiques sont rapportés chez les riverains de stations relais et d'émetteurs de radiotélévision.

3.1) Riverains de stations relais.

Selon un rapport gouvernemental australien (26), des personnes exposées dans leur logement à 200 mètres d'une station relais se plaignent de symptômes qui rappellent ceux décrits dans la maladie des radiofréquences : fatigue chronique, allergies multiples, perturbations du sommeil, ménopause prématurée.

La seule étude qui existe actuellement est française et porte sur 530 riverains de stations relais (27-28). Elle met en évidence par rapport au groupe référent (personnes situées à > 300 m ou non exposées), une augmentation significative de la fréquence de certaines plaintes jusqu'à une distance pouvant atteindre :

- 100 m pour l'irritabilité, la tendance dépressive, la perte de mémoire, les difficultés de concentration, les vertiges.
- 200 m pour les maux de tête, les perturbations du sommeil, le sentiment d'inconfort, les problèmes cutanés.
- 300 m pour la fatigue.

Cette étude souligne également une plus grande sensibilité des femmes par rapport aux hommes pour 7 des 17 symptômes étudiés : maux de tête, nausées, perte d'appétit, perturbations du sommeil, tendance dépressive, sentiment d'inconfort et perturbations visuelles.

3.2) Riverains d'émetteurs de radiotélévision.

Les émetteurs de radiotélévision génèrent des ondes électromagnétiques essentiellement ultra courtes (VHF) et (ou) des hyperfréquences. Des études qui portent sur ces types d'émetteurs, mettent en évidence des effets biologiques à des densités de puissance faibles à très faibles :

Chez la souris, après 5 gestations successives, l'exposition à un émetteur d'ondes ultra courtes (80 MHz) et d'hyperfréquences (900 MHz) et à une densité de puissance de 168 à 1.053 nanoWatts par centimètre carré (nW/cm2 - 0,8 à 1,98 V/m) entraîne une baisse de la fertilité et une atteinte de l'état physiologique

général (29).

Chez des adultes exposés dans un rayon de 2 km à un émetteur de radio (30 MHz) - télévision (1 GHz) à des densités de puissance de 1,3 µW/cm2 (2,2 V/m) pour la télévision et 5,7 µW/cm2 (4,6 V/m) pour la radio, il est observé une augmentation significative du risque de leucémies et de cancers de la vessie (30).

Chez des enfants exposés à des ondes ultra courtes (63 à 215 MHz) de relais de télévision, à des densités de puissance de 0,02 à 8 µW/cm2 (0,07 à 5,4 V/m), il est rapporté une augmentation significative des cas de leucémies et du nombre de décès par leucémie dans un rayon de 12 km (31).

Chez l'enfant exposé à des ondes ultra courtes (154 à 162 MHz) pulsées à 24,4 Hertz, générées par un émetteur radio à des densités de puissance de 0,3 à 16,4 µW/cm2 (1,06 à 7,8 V/m), il est mis en évidence par rapport aux enfants non exposés ou vivant derrière l'émetteur :

- Une baisse de la mémoire et de l'attention.
- Une baisse des performances musculaires.
- Une diminution des réflexes (32).

Une étude conduite autour d'un émetteur de radio à Rome, fait apparaître chez les riverains, une augmentation significative de la mortalité par leucémie dans un rayon de 3,5 km (Risque relatif = 2,5 - Intervalle de confiance = 1,07 - 4,83) et une diminution significative du risque avec l'éloignement de l'émetteur (33).


4 - Certains pays ont déjà adopté pour leur population des limites d'exposition inférieures à celles actuellement admises.

L'Italie dans un décret de 1998 a adopté un seuil d'exposition de 10 µW/cm2 (6,1 V/m) au lieu de 450 et 900 µW/cm2 (41 et 58 V/m) actuellement tolérés par les instances européennes pour les fréquences de 900 et 1800 MHz respectivement (34). Le Grand Duché de Luxembourg a adopté en décembre 2000 un seuil d'exposition de 3 V/m (35). En Autriche, la Résolution de Salzbourg recommande 0,6 V/m (36).

N.B. : Des Maires de communes françaises ont pris des arrêtés qui interdisent l'implantation de stations relais de téléphonies mobiles à moins de 300 m des habitations.

En Belgique, le Conseil d'Etat dans un jugement du 6 mars 2000 a interdit l'implantation d'une antenne de station relais en application du principe de précaution et en faisant mention de suspecter raisonnablement un risque pour la santé des riverains.


5 - La sensibilité aux hyperfréquences n'est pas la même pour tous.

Dans un rapport de 1995, l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) conclut suite à une étude épidémiologique réalisée au sein de l'armée de l'air française et dont 30 % des personnels présentaient un syndrome neurovégétatif non spécifique et 10 % des signes cliniques authentifiés : « Il existe indiscutablement une sensibilité individuelle à l'action des radiofréquences.

Soumises à une même exposition, certaines personnes peuvent présenter des troubles cliniques, d'autres non » (37).

Selon l'International Radiation Protection Association (IRPA), cette sensibilité individuelle aux radiofréquences serait d'ordre génétique (4).

Des résultats récents soulignent, par rapport aux hommes, une plus grande sensibilité des femmes aux ondes électromagnétiques générées par un portable (14-15) ou par une station relais de téléphonie mobile (28). Il apparaît également que les enfants sont plus vulnérables que les adultes, du fait de leur système nerveux en développement et d'une absorption plus intense de l'énergie électromagnétique par leurs tissus (2).



III - CONCLUSION.

Au regard de ce qui précède, il convient dès à présent d'appliquer le principe de précaution à l'encontre des stations relais de téléphonie mobile. Des mesures sont à mettre en œuvre rapidement afin de protéger les populations riveraines.

C'est ainsi qu'on évitera d'implanter des stations relais à moins de 300 mètres des lieux habités. On fera en sorte, par une orientation judicieuse des antennes, que le lobe principal d'hyperfréquences ne soit pas dirigé sur des lieux (crèches, écoles, hôpitaux, centres de gériatrie, ...) où vivent des personnes susceptibles d'être plus sensibles aux nuisances électromagnétiques.

Cette mesure d'évitement prudent doit également s'appliquer à l'ensemble des résidences touchées par le faisceau micro-ondes, certains de leurs occupants pouvant être « électrosensibles ».

Des mesures régulières des densités de puissance hyperfréquences doivent être faites à différents moments de la journée et à diverses époques de l'année. Dans l'environnement des stations relais, les riverains ne devraient pas être exposés à une densité de puissance moyenne annuelle supérieure à 0,1 µW/cm2 (0,61 V/m).

Les zones où l'exposition des riverains aux hyperfréquences dépasserait cette valeur, devraient être signalées (marquage au sol, panneaux de signalisation, ...) (1).

Un suivi médical des travailleurs assurant la maintenance des stations relais (analyses sanguines, contrôles EEG et ECG) est impératif, aucune intervention ne devant se faire sur site non désactivé. Pour les autres catégories de travailleurs ayant à intervenir à proximité de stations relais (maintenance des ascenseurs, de la ventilation, ...), il convient d'afficher de façon visible une information sur les risques biologiques et les distances de sécurité à respecter par rapport à la station relais.

De nouvelles fréquences micro-ondes commencent à se développer pour les téléphones mobiles. Certaines, très proches de la fréquence du four domestique à micro-ondes (système UMTS, dans la gamme des 2 à 3 GHz), vont contribuer, avec la mise en place de nouveaux réseaux de télécommunication (boucles locales de radios, ponts hertziens, ...), à accroître l'exposition des populations aux radiations non ionisantes.



IV - BIBLIOGRAPHIE.

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