EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette dernière décennie s'est vue marquée par un essor indubitable de la téléphonie mobile et en conséquence des antennes relais et des stations de base qui lui sont liées. Définie comme un émetteur-récepteur d'ondes radio, une antenne relais, au cœur du réseau de téléphonie mobile, permet de couvrir un territoire donné et de téléphoner sans coupure.
Aujourd'hui, près d'un Français sur deux possède un téléphone mobile (36 millions de portables en circulation). La population concernée par ces antennes est de plus en plus importante et de plus en plus jeune. Lors d'un comptage publié par l'Agence nationale des fréquences, en 2006, 54 000 stations de radiotéléphonie parsemaient le territoire, et parmi elles, 35 000 stations de bases. Plusieurs milliers de nouvelles stations sont implantées chaque année, alors qu'est prévu un futur passage de 35 000 antennes relais GSM (Global System for Mobile communications, réseau standard) à 100 000 antennes UMTS (Universal Mobile Telecommunication System, dites de troisième génération).
Les effets des ondes électromagnétiques de type micro-ondes émises en permanence par les antennes relais sont de deux ordres : les effets thermiques, qui produisent une élévation de température de la matière vivante exposée, et les effets athermiques, qui se produisent à de très faibles intensités du champ électromagnétique. Ces sont ces expositions qui intéressent les populations concernées par les antennes relais. Elles pourraient produire des effets sur la santé, comme, entre autres, l'affectation du système nerveux (troubles du sommeil, perte de mémoire…), du système immunitaire, ou une augmentation des risques de cancer.
Les rapports officiels ont conclu que « compte tenu des très faibles niveaux d'exposition et des résultats des travaux de recherche obtenus à ce jour, il n'existe aucun élément scientifique probant confirmant d'éventuels effets nocifs des stations de base et des réseaux sans fil pour la santé ». (OMS). À côté, de nombreux rapports délivrent de toutes autres conclusions. À titre d'exemples, le programme de recherche européen REFLEX a montré le risque d'incidence des ondes sur l'ADN, tandis qu'une équipe de scientifiques américains, à Chicago, a publié en août 2005 des résultats suspectant que l'exposition de cellules humaines aux micro-ondes de téléphonie mobile induisait une modification dans l'expression de nombreux gènes et le cycle cellulaire.
Face à ces contradictions persistantes au sein du monde scientifique, et à l'inquiétude des populations, il est de la responsabilité de l'élu de la nation d'agir dans l'intérêt général de ses concitoyens. Ne pouvant attendre la délivrance de certitudes scientifiques, il est nécessaire de prendre certaines mesures inscrites directement dans le cadre du principe de précaution.
Un certain consensus s'est établi au nom du principe de précaution, à valeur désormais constitutionnelle, introduit par la loi du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement, qui stipule qu'« en l'absence de certitude, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et techniques du moment, la menace d'atteintes graves et irréversibles doit conduire à l'adoption de mesures proportionnées à un coût économiquement supportable ». Dans leur rapport au Premier ministre, publié en 2000, Philippe Kourilsky et Geneviève Viney précisent que « la précaution vise à limiter les risques encore hypothétiques ou potentiels », et que, « même si, dans certains cas, il peut conduire au moratoire, le principe de précaution est tout le contraire d'une inaction ou d'une abstention systématique ».
Face à l'inquiétude de plus en plus forte vis-à-vis de l'implantation des antennes relais près des écoles (surtout maternelles), des crèches, des hôpitaux et des maisons de retraite, autrement dit des établissements où siègent des personnes dites « sensibles », il est nécessaire de prendre en compte un principe d'attention relatif aux préoccupations des citoyens.
Le développement de la gouvernance et de la transparence s'impose de surcroît. L'organisation de consultations préalables à l'implantation d'antennes relais avec les riverains pour développer la démocratie citoyenne s'avère fondamentale.
La réglementation sur les antennes relais repose sur la directive européenne dite « RTTE » du 9 mars 1999, et le décret du 3 mai 2002 qui définit également les valeurs limites à respecter dans les sites comprenant des antennes appartenant à plusieurs opérateurs. À ce jour, elle ne s'avère à ce jour pas assez contraignante, et mène trop souvent à des interprétations permissives. Il s'avère impératif d'encadrer de façon plus stricte l'implantation des antennes relais, tout en se concentrant sur le suivi de leur activité. Pour cela est proposée la mise en place de commissions de suivi de la réglementation regroupant des membres aux horizons divers.
Rappelons qu'à ce jour, les normes d'exposition tolérées diffèrent d'un pays à l'autre ; ainsi, le périmètre de sécurité à respecter pour implanter des antennes est presque dix fois plus grand en Italie ou en Belgique qu'en France où les règles qui régissent ce domaine sont très peu strictes, permettant aux opérateurs de planter une antenne sans contrainte majeure. Certains pays européens ont considérablement baissé leurs taux d'exposition. En Autriche par exemple, la valeur de référence est désormais de 0,006 V/m, soit 1 000 fois moins qu'en France.
La même nécessité s'impose quant aux règles d'urbanisme. Le retour à la procédure administrative normale du permis de construire prend tout son sens. Aujourd'hui, une seule déclaration de travaux suffit pour une antenne de moins de 12 mètres, voire aucune obligation si l'antenne mesure moins de 4 mètres. Il faut mettre fin aux incertitudes juridiques quant à la réglementation concernant les antennes relais.
Il ne s'agit pas de renoncer à la téléphonie mobile et aux antennes relais, mais d'encadrer leur essor, en informant quant à leurs effets nocifs éventuels, et en développant ainsi la transparence. Celle-ci se manifeste par une information accrue des riverains, par la mise en place de procédures de déclarations préalables en mairie, et par un rôle plus conséquent des collectivités locales d'implantation.
Il est alors de la responsabilité des opérateurs d'informer les riverains directement concernés par la pose d'antennes relais, au travers du développement d'instances de dialogue et de concertation ; ceci se faisant sous le prisme de la volonté de protéger les particuliers et les consommateurs en encadrant les baux, dont il faut impérativement abaisser la durée à trois ans (et cesser les durées aux longueurs inimaginables d'une trentaine d'années).
Pour développer la transparence, il est par ailleurs crucial que les études menées sur les effets biologiques des ondes émises par les téléphones portables soient réalisées par des experts indépendants, détachés des opérateurs intéressés à la mise en œuvre des antennes relais ou de toute autre nouvelle technologie impliquant l'émission de rayonnements non ionisants.
Enfin, le sujet des antennes relais doit être appréhendé sous le prisme d'une problématique liée à l'urbanisme et au paysage, en tant qu'il relève d'une réelle préoccupation esthétique, d'une pollution visuelle et d'une dégradation du milieu qui touchent directement à la qualité de vie des citoyens.
N'oublions pas que la France est signataire de la Convention européenne du paysage. Signée à Florence, le 20 octobre 2000 par 18 états membres du Conseil de l'Europe, (elle) stipule que « le paysage participe de manière importante à l'intérêt général sur les plans culturel, écologique, environnemental et social... Il est un élément important de la qualité de vie des populations dans les milieux urbains et dans les campagnes, dans les territoires urbains comme dans ceux de grande qualité, dans les espaces remarquables comme dans ceux du quotidien. » Le même texte ajoute que, « élément essentiel du bien être individuel et social, sa protection, sa gestion et son aménagement impliquent des droits et des responsabilités pour chacun ». Ainsi, « le paysage doit devenir un sujet politique d'intérêt général parce qu'il contribue de façon très importante au bien-être des citoyens européens. (…) [Il] est l'affaire de tous les citoyens et doit être traité de manière démocratique, notamment aux niveaux local et régional. »
Un réel enjeu paysager doit être considéré, tant les antennes sont proches des utilisateurs de portables, donc le plus souvent dans leur environnement immédiat, ce qui constitue une atteinte directe à leur qualité de vie et à leur bien-être. La France est actuellement « hérissée » d'antennes relais de téléphonie mobile. 90 % du territoire en est couvert (98 % de la population) mais des zones blanches persistent. Les implantations d'antennes s'effectuent souvent sur des structures déjà existantes : bâtiments (à 40 %), châteaux d'eau (15 %), 5 % en structures diverses (églises, silos, phares…). Il faut souligner que les antennes rurales impactent beaucoup sur les paysages car elles émergent de la ligne d'horizon, en rayonnant de façon conséquente.
Face à une contestation de plus en plus forte des antennes relais en raison de l'impact paysager sur l'environnement local, sécuriser des procédures d'installation aux enjeux financiers importants est une exigence.
La première « charte internationale de recommandations environnementales » fut signée entre l'État et l'AFOM (Association française des opérateurs mobiles) en 1999 (avec un guide méthodologique pour une bonne insertion dans les paysages). Par la suite, une cinquantaine de chartes locales furent signées au début des années 2000 entre certains opérateurs et des collectivités (grandes villes) et parfois renouvelées récemment. Le guide des bonnes pratiques, adopté en 2004, « régit l'installation de toutes les nouvelles antennes ». Toutefois, entre chartes locales et guide de bonnes pratiques persiste un consensus peu réglementarisé. La valeur du guide de bonnes pratiques étant purement indicative, quelques maires s'en sont aussitôt démarqués, en estimant le guide trop peu contraignant. Force est de constater que si le guide des bonnes pratiques organise les modalités de concertation pour les maires et celles d'information des habitants, sur le terrain, visiblement, perdurent un certain nombre d'implantations surprises. C'est dans ce cadre que le renforcement de la réglementation s'impose. Ceci rendrait obligatoire par la loi les principes de bonnes conduites que les opérateurs se doivent de respecter. En ce sens, l'intégration paysagère doit être imposée comme une obligation à tous les opérateurs.
Face à toutes ces considérations, il apparaît comme un besoin urgent d'encadrer l'implantation des antennes relais, en renforçant une réglementation trop peu contraignante, et en définissant des nouvelles règles destinées à améliorer le cadre et la qualité de vie des citoyens.
Tel est, Mesdames, Messieurs, l'objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
TITRE IER
DE LA PRISE EN COMPTE DES RISQUES SUR LA SANTÉ HUMAINE
Article 1er
Après l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 33-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 33-1-1. – La valeur limite d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de radiotéléphonie mobile, utilisées dans les réseaux de télécommunication, est fixée à 0,6 volt par mètre et les équipements sont obligatoirement implantés à une distance d'au moins 300 mètres d'un bâtiment d'habitation ou d'un établissement dit sensible. Les bâtiments visés sont tous les lieux publics. Par dérogation et en zone urbaine, il est interdit d'installer des antennes relais à moins de 100 mètres d'un établissement sensible. »
Article 2
Après l'article L. 1333-21 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1333-22 ainsi rédigé :
« Art. L. 1333-22. – Une étude d'impact sur la santé humaine s'impose pour toute nouvelle réalisation technologique impliquant l'émission de rayonnements non ionisants, préalablement à sa mise en œuvre. De même, l'impact sur la santé humaine des antennes relais “Universal Mobile Telecommunication System”, dites de troisième génération (UMTS), fera l'objet d'un rapport remis au Parlement après trois années d'exploitation. ».
Article 3
Des équipes scientifiques et des experts indépendants des entreprises intéressées à la mise en œuvre de ces nouvelles technologies sont chargés de réaliser les études mentionnées à l'article L. 1333-22 du code de la santé publique. Ceci leur impose l'interdiction de participer à toute étude, mission ou opération de communication dans le cadre d'un financement total ou partiel par les entreprises concernées.
Article 4
Lorsque des pathologies, susceptibles d'être liées au fonctionnement des équipements mentionnés à l'article 1er, sont constatées, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement est saisie par le maire ou un professionnel de santé, après avis des commissions compétentes mentionnées à l'article 10.
Article 5
Les maires et les représentants des collectivités territoriales d'implantation peuvent s'opposer à l'implantation d'une antenne relais si elle porte atteinte au principe de précaution.
TITRE II
DE LA GOUVERNANCE ET DE LA TRANSPARENCE
Article 6
L'organisation de consultations préalables à l'implantation d'antennes relais avec les riverains et à toute conclusion de bail est obligatoire. Le développement d'outils de dialogue au sujet des antennes relais, d'instances de concertation, de forums de formation et d'information, est imposé. Il doit être pris en charge par les opérateurs.
Article 7
Préalablement à la conclusion de tout bail et à l'implantation envisagée d'un équipement mentionné à l'article 1er, la transmission de dossiers d'information par les opérateurs aux riverains, relatifs aux modalités du bail (caractéristiques techniques et physiques de l'équipement, emplacement pour en faire une signalisation précise), et aux caractéristiques des ondes émises (puissance d'exposition des champs électromagnétiques, fréquence des ondes, orientation) est obligatoire.
Article 8
L'Agence nationale des fréquences fournit annuellement à chaque maire une carte de sa commune faisant référence aux emplacements et aux valeurs des champs d'émission des antennes relais implantées. Cette carte, rendue publique, est accompagnée d'une annexe rappelant la date d'installation, les caractéristiques techniques et physiques de l'équipement, ainsi que la date du plus récent contrôle technique opéré.
Article 9
Les communes, ou le cas échéant leurs groupements, définissent le ou les périmètres dans lesquels l'installation des équipements mentionnés à l'article 1er est autorisée. Cette définition est précédée d'une consultation de la population, des associations de protection de l'environnement et des commissions mentionnées à l'article 10. Cette définition fait l'objet d'une révision, selon les mêmes modalités, au minimum tous les trois ans.
Article 10
Les commissions de suivi de la réglementation relative à l'implantation des antennes relais sont mises en place. Elles regroupent des élus des collectivités concernées, des représentants des exploitants des réseaux, des représentants des administrations concernées, des représentants des associations de protection de l'environnement ou de la santé. Leur rôle est de l'ordre du suivi et de l'évaluation de la réglementation relative aux antennes relais, et de la publication du bilan des campagnes annuelles de mesures de l'intensité des ondes électromagnétiques dans les locaux réputés sensibles, mentionnés à l'article L. 33-1-1 du code des postes et des communications électroniques. Leurs rapports et avis sont présentés aux assemblées délibérantes de la collectivité ou du groupement de communes dont elles relèvent.
Article 11
L'obtention d'un permis de construire est obligatoire pour l'implantation de toute antenne relais. La durée du bail conclu ne peut dépasser trois années consécutives.
Article 12
Les locataires sont consultés par écrit sur tout projet visant à installer ou modifier un équipement mentionné à l'article 1er sur un immeuble d'habitation à usage locatif. Si cet impératif n'est pas respecté, le bail conclu entre le ou les propriétaires de l'immeuble et l'opérateur concerné est considéré comme nul.
Article 13
Dans un immeuble soumis au régime de la copropriété, l'adoption de la règle de l'unanimité en cas de conclusion, modification ou renouvellement d'un bail est obligatoire.
Article 14
La présence d'un équipement mentionné à l'article 1er sur un immeuble doit être indiquée, à l'initiative du propriétaire, en cas de vente ou de location de tout ou partie de l'immeuble.
TITRE III
DE LA PROTECTION DU PAYSAGE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA QUALITÉ DE VIE
Article 15
L'article L. 45-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque commune adopte, avec les opérateurs concernés, une charte type qui régit l'installation de toute nouvelle antenne. Chaque principe énoncé prend valeur de règle de droit. Les opérateurs appliquent partout en France les mêmes règles d'intégration paysagère. »
Article 16
Tout équipement mentionné à l'article 1er doit être installé et implanté dans un souci d'intégration paysagère. Pour chaque nouvelle antenne relais, une solution d'intégration au paysage est conçue dans le respect de l'intégrité visuelle des bâtiments, infrastructures et paysages alentours. La perception visuelle des nouvelles antennes relais est simplifiée et allégée par les opérateurs.
Article 17
Tout équipement mentionné à l'article 1er doit s'inscrire dans la continuité des bâtiments sur lesquels il est installé. Il doit s'intégrer aux toits et terrasses qui le portent et ne doit pas porter atteinte à l'intégrité visuelle des façades sur lesquelles il est mis en place. Les opérateurs tiennent compte des antennes déjà posées pour l'intégration paysagère des nouvelles antennes dans un lieu considéré.
Article 18
Les pylônes ne peuvent être construits qu'en dernier ressort. Les pieds et abords des nouveaux pylônes sont aménagés dans l'objectif de réduire leur perception visuelle.
Article 19
Est établi un schéma départemental ou communal d'implantation obligatoire et opposable aux opérateurs. Ce schéma tient compte des nécessités d'urbanisme, d'architecture et d'aménagement du territoire.
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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 novembre 2007.
Source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion0358.asp
Mesdames, Messieurs,
Cette dernière décennie s'est vue marquée par un essor indubitable de la téléphonie mobile et en conséquence des antennes relais et des stations de base qui lui sont liées. Définie comme un émetteur-récepteur d'ondes radio, une antenne relais, au cœur du réseau de téléphonie mobile, permet de couvrir un territoire donné et de téléphoner sans coupure.
Aujourd'hui, près d'un Français sur deux possède un téléphone mobile (36 millions de portables en circulation). La population concernée par ces antennes est de plus en plus importante et de plus en plus jeune. Lors d'un comptage publié par l'Agence nationale des fréquences, en 2006, 54 000 stations de radiotéléphonie parsemaient le territoire, et parmi elles, 35 000 stations de bases. Plusieurs milliers de nouvelles stations sont implantées chaque année, alors qu'est prévu un futur passage de 35 000 antennes relais GSM (Global System for Mobile communications, réseau standard) à 100 000 antennes UMTS (Universal Mobile Telecommunication System, dites de troisième génération).
Les effets des ondes électromagnétiques de type micro-ondes émises en permanence par les antennes relais sont de deux ordres : les effets thermiques, qui produisent une élévation de température de la matière vivante exposée, et les effets athermiques, qui se produisent à de très faibles intensités du champ électromagnétique. Ces sont ces expositions qui intéressent les populations concernées par les antennes relais. Elles pourraient produire des effets sur la santé, comme, entre autres, l'affectation du système nerveux (troubles du sommeil, perte de mémoire…), du système immunitaire, ou une augmentation des risques de cancer.
Les rapports officiels ont conclu que « compte tenu des très faibles niveaux d'exposition et des résultats des travaux de recherche obtenus à ce jour, il n'existe aucun élément scientifique probant confirmant d'éventuels effets nocifs des stations de base et des réseaux sans fil pour la santé ». (OMS). À côté, de nombreux rapports délivrent de toutes autres conclusions. À titre d'exemples, le programme de recherche européen REFLEX a montré le risque d'incidence des ondes sur l'ADN, tandis qu'une équipe de scientifiques américains, à Chicago, a publié en août 2005 des résultats suspectant que l'exposition de cellules humaines aux micro-ondes de téléphonie mobile induisait une modification dans l'expression de nombreux gènes et le cycle cellulaire.
Face à ces contradictions persistantes au sein du monde scientifique, et à l'inquiétude des populations, il est de la responsabilité de l'élu de la nation d'agir dans l'intérêt général de ses concitoyens. Ne pouvant attendre la délivrance de certitudes scientifiques, il est nécessaire de prendre certaines mesures inscrites directement dans le cadre du principe de précaution.
Un certain consensus s'est établi au nom du principe de précaution, à valeur désormais constitutionnelle, introduit par la loi du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement, qui stipule qu'« en l'absence de certitude, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et techniques du moment, la menace d'atteintes graves et irréversibles doit conduire à l'adoption de mesures proportionnées à un coût économiquement supportable ». Dans leur rapport au Premier ministre, publié en 2000, Philippe Kourilsky et Geneviève Viney précisent que « la précaution vise à limiter les risques encore hypothétiques ou potentiels », et que, « même si, dans certains cas, il peut conduire au moratoire, le principe de précaution est tout le contraire d'une inaction ou d'une abstention systématique ».
Face à l'inquiétude de plus en plus forte vis-à-vis de l'implantation des antennes relais près des écoles (surtout maternelles), des crèches, des hôpitaux et des maisons de retraite, autrement dit des établissements où siègent des personnes dites « sensibles », il est nécessaire de prendre en compte un principe d'attention relatif aux préoccupations des citoyens.
Le développement de la gouvernance et de la transparence s'impose de surcroît. L'organisation de consultations préalables à l'implantation d'antennes relais avec les riverains pour développer la démocratie citoyenne s'avère fondamentale.
La réglementation sur les antennes relais repose sur la directive européenne dite « RTTE » du 9 mars 1999, et le décret du 3 mai 2002 qui définit également les valeurs limites à respecter dans les sites comprenant des antennes appartenant à plusieurs opérateurs. À ce jour, elle ne s'avère à ce jour pas assez contraignante, et mène trop souvent à des interprétations permissives. Il s'avère impératif d'encadrer de façon plus stricte l'implantation des antennes relais, tout en se concentrant sur le suivi de leur activité. Pour cela est proposée la mise en place de commissions de suivi de la réglementation regroupant des membres aux horizons divers.
Rappelons qu'à ce jour, les normes d'exposition tolérées diffèrent d'un pays à l'autre ; ainsi, le périmètre de sécurité à respecter pour implanter des antennes est presque dix fois plus grand en Italie ou en Belgique qu'en France où les règles qui régissent ce domaine sont très peu strictes, permettant aux opérateurs de planter une antenne sans contrainte majeure. Certains pays européens ont considérablement baissé leurs taux d'exposition. En Autriche par exemple, la valeur de référence est désormais de 0,006 V/m, soit 1 000 fois moins qu'en France.
La même nécessité s'impose quant aux règles d'urbanisme. Le retour à la procédure administrative normale du permis de construire prend tout son sens. Aujourd'hui, une seule déclaration de travaux suffit pour une antenne de moins de 12 mètres, voire aucune obligation si l'antenne mesure moins de 4 mètres. Il faut mettre fin aux incertitudes juridiques quant à la réglementation concernant les antennes relais.
Il ne s'agit pas de renoncer à la téléphonie mobile et aux antennes relais, mais d'encadrer leur essor, en informant quant à leurs effets nocifs éventuels, et en développant ainsi la transparence. Celle-ci se manifeste par une information accrue des riverains, par la mise en place de procédures de déclarations préalables en mairie, et par un rôle plus conséquent des collectivités locales d'implantation.
Il est alors de la responsabilité des opérateurs d'informer les riverains directement concernés par la pose d'antennes relais, au travers du développement d'instances de dialogue et de concertation ; ceci se faisant sous le prisme de la volonté de protéger les particuliers et les consommateurs en encadrant les baux, dont il faut impérativement abaisser la durée à trois ans (et cesser les durées aux longueurs inimaginables d'une trentaine d'années).
Pour développer la transparence, il est par ailleurs crucial que les études menées sur les effets biologiques des ondes émises par les téléphones portables soient réalisées par des experts indépendants, détachés des opérateurs intéressés à la mise en œuvre des antennes relais ou de toute autre nouvelle technologie impliquant l'émission de rayonnements non ionisants.
Enfin, le sujet des antennes relais doit être appréhendé sous le prisme d'une problématique liée à l'urbanisme et au paysage, en tant qu'il relève d'une réelle préoccupation esthétique, d'une pollution visuelle et d'une dégradation du milieu qui touchent directement à la qualité de vie des citoyens.
N'oublions pas que la France est signataire de la Convention européenne du paysage. Signée à Florence, le 20 octobre 2000 par 18 états membres du Conseil de l'Europe, (elle) stipule que « le paysage participe de manière importante à l'intérêt général sur les plans culturel, écologique, environnemental et social... Il est un élément important de la qualité de vie des populations dans les milieux urbains et dans les campagnes, dans les territoires urbains comme dans ceux de grande qualité, dans les espaces remarquables comme dans ceux du quotidien. » Le même texte ajoute que, « élément essentiel du bien être individuel et social, sa protection, sa gestion et son aménagement impliquent des droits et des responsabilités pour chacun ». Ainsi, « le paysage doit devenir un sujet politique d'intérêt général parce qu'il contribue de façon très importante au bien-être des citoyens européens. (…) [Il] est l'affaire de tous les citoyens et doit être traité de manière démocratique, notamment aux niveaux local et régional. »
Un réel enjeu paysager doit être considéré, tant les antennes sont proches des utilisateurs de portables, donc le plus souvent dans leur environnement immédiat, ce qui constitue une atteinte directe à leur qualité de vie et à leur bien-être. La France est actuellement « hérissée » d'antennes relais de téléphonie mobile. 90 % du territoire en est couvert (98 % de la population) mais des zones blanches persistent. Les implantations d'antennes s'effectuent souvent sur des structures déjà existantes : bâtiments (à 40 %), châteaux d'eau (15 %), 5 % en structures diverses (églises, silos, phares…). Il faut souligner que les antennes rurales impactent beaucoup sur les paysages car elles émergent de la ligne d'horizon, en rayonnant de façon conséquente.
Face à une contestation de plus en plus forte des antennes relais en raison de l'impact paysager sur l'environnement local, sécuriser des procédures d'installation aux enjeux financiers importants est une exigence.
La première « charte internationale de recommandations environnementales » fut signée entre l'État et l'AFOM (Association française des opérateurs mobiles) en 1999 (avec un guide méthodologique pour une bonne insertion dans les paysages). Par la suite, une cinquantaine de chartes locales furent signées au début des années 2000 entre certains opérateurs et des collectivités (grandes villes) et parfois renouvelées récemment. Le guide des bonnes pratiques, adopté en 2004, « régit l'installation de toutes les nouvelles antennes ». Toutefois, entre chartes locales et guide de bonnes pratiques persiste un consensus peu réglementarisé. La valeur du guide de bonnes pratiques étant purement indicative, quelques maires s'en sont aussitôt démarqués, en estimant le guide trop peu contraignant. Force est de constater que si le guide des bonnes pratiques organise les modalités de concertation pour les maires et celles d'information des habitants, sur le terrain, visiblement, perdurent un certain nombre d'implantations surprises. C'est dans ce cadre que le renforcement de la réglementation s'impose. Ceci rendrait obligatoire par la loi les principes de bonnes conduites que les opérateurs se doivent de respecter. En ce sens, l'intégration paysagère doit être imposée comme une obligation à tous les opérateurs.
Face à toutes ces considérations, il apparaît comme un besoin urgent d'encadrer l'implantation des antennes relais, en renforçant une réglementation trop peu contraignante, et en définissant des nouvelles règles destinées à améliorer le cadre et la qualité de vie des citoyens.
Tel est, Mesdames, Messieurs, l'objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
TITRE IER
DE LA PRISE EN COMPTE DES RISQUES SUR LA SANTÉ HUMAINE
Article 1er
Après l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 33-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 33-1-1. – La valeur limite d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de radiotéléphonie mobile, utilisées dans les réseaux de télécommunication, est fixée à 0,6 volt par mètre et les équipements sont obligatoirement implantés à une distance d'au moins 300 mètres d'un bâtiment d'habitation ou d'un établissement dit sensible. Les bâtiments visés sont tous les lieux publics. Par dérogation et en zone urbaine, il est interdit d'installer des antennes relais à moins de 100 mètres d'un établissement sensible. »
Article 2
Après l'article L. 1333-21 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1333-22 ainsi rédigé :
« Art. L. 1333-22. – Une étude d'impact sur la santé humaine s'impose pour toute nouvelle réalisation technologique impliquant l'émission de rayonnements non ionisants, préalablement à sa mise en œuvre. De même, l'impact sur la santé humaine des antennes relais “Universal Mobile Telecommunication System”, dites de troisième génération (UMTS), fera l'objet d'un rapport remis au Parlement après trois années d'exploitation. ».
Article 3
Des équipes scientifiques et des experts indépendants des entreprises intéressées à la mise en œuvre de ces nouvelles technologies sont chargés de réaliser les études mentionnées à l'article L. 1333-22 du code de la santé publique. Ceci leur impose l'interdiction de participer à toute étude, mission ou opération de communication dans le cadre d'un financement total ou partiel par les entreprises concernées.
Article 4
Lorsque des pathologies, susceptibles d'être liées au fonctionnement des équipements mentionnés à l'article 1er, sont constatées, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement est saisie par le maire ou un professionnel de santé, après avis des commissions compétentes mentionnées à l'article 10.
Article 5
Les maires et les représentants des collectivités territoriales d'implantation peuvent s'opposer à l'implantation d'une antenne relais si elle porte atteinte au principe de précaution.
TITRE II
DE LA GOUVERNANCE ET DE LA TRANSPARENCE
Article 6
L'organisation de consultations préalables à l'implantation d'antennes relais avec les riverains et à toute conclusion de bail est obligatoire. Le développement d'outils de dialogue au sujet des antennes relais, d'instances de concertation, de forums de formation et d'information, est imposé. Il doit être pris en charge par les opérateurs.
Article 7
Préalablement à la conclusion de tout bail et à l'implantation envisagée d'un équipement mentionné à l'article 1er, la transmission de dossiers d'information par les opérateurs aux riverains, relatifs aux modalités du bail (caractéristiques techniques et physiques de l'équipement, emplacement pour en faire une signalisation précise), et aux caractéristiques des ondes émises (puissance d'exposition des champs électromagnétiques, fréquence des ondes, orientation) est obligatoire.
Article 8
L'Agence nationale des fréquences fournit annuellement à chaque maire une carte de sa commune faisant référence aux emplacements et aux valeurs des champs d'émission des antennes relais implantées. Cette carte, rendue publique, est accompagnée d'une annexe rappelant la date d'installation, les caractéristiques techniques et physiques de l'équipement, ainsi que la date du plus récent contrôle technique opéré.
Article 9
Les communes, ou le cas échéant leurs groupements, définissent le ou les périmètres dans lesquels l'installation des équipements mentionnés à l'article 1er est autorisée. Cette définition est précédée d'une consultation de la population, des associations de protection de l'environnement et des commissions mentionnées à l'article 10. Cette définition fait l'objet d'une révision, selon les mêmes modalités, au minimum tous les trois ans.
Article 10
Les commissions de suivi de la réglementation relative à l'implantation des antennes relais sont mises en place. Elles regroupent des élus des collectivités concernées, des représentants des exploitants des réseaux, des représentants des administrations concernées, des représentants des associations de protection de l'environnement ou de la santé. Leur rôle est de l'ordre du suivi et de l'évaluation de la réglementation relative aux antennes relais, et de la publication du bilan des campagnes annuelles de mesures de l'intensité des ondes électromagnétiques dans les locaux réputés sensibles, mentionnés à l'article L. 33-1-1 du code des postes et des communications électroniques. Leurs rapports et avis sont présentés aux assemblées délibérantes de la collectivité ou du groupement de communes dont elles relèvent.
Article 11
L'obtention d'un permis de construire est obligatoire pour l'implantation de toute antenne relais. La durée du bail conclu ne peut dépasser trois années consécutives.
Article 12
Les locataires sont consultés par écrit sur tout projet visant à installer ou modifier un équipement mentionné à l'article 1er sur un immeuble d'habitation à usage locatif. Si cet impératif n'est pas respecté, le bail conclu entre le ou les propriétaires de l'immeuble et l'opérateur concerné est considéré comme nul.
Article 13
Dans un immeuble soumis au régime de la copropriété, l'adoption de la règle de l'unanimité en cas de conclusion, modification ou renouvellement d'un bail est obligatoire.
Article 14
La présence d'un équipement mentionné à l'article 1er sur un immeuble doit être indiquée, à l'initiative du propriétaire, en cas de vente ou de location de tout ou partie de l'immeuble.
TITRE III
DE LA PROTECTION DU PAYSAGE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA QUALITÉ DE VIE
Article 15
L'article L. 45-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque commune adopte, avec les opérateurs concernés, une charte type qui régit l'installation de toute nouvelle antenne. Chaque principe énoncé prend valeur de règle de droit. Les opérateurs appliquent partout en France les mêmes règles d'intégration paysagère. »
Article 16
Tout équipement mentionné à l'article 1er doit être installé et implanté dans un souci d'intégration paysagère. Pour chaque nouvelle antenne relais, une solution d'intégration au paysage est conçue dans le respect de l'intégrité visuelle des bâtiments, infrastructures et paysages alentours. La perception visuelle des nouvelles antennes relais est simplifiée et allégée par les opérateurs.
Article 17
Tout équipement mentionné à l'article 1er doit s'inscrire dans la continuité des bâtiments sur lesquels il est installé. Il doit s'intégrer aux toits et terrasses qui le portent et ne doit pas porter atteinte à l'intégrité visuelle des façades sur lesquelles il est mis en place. Les opérateurs tiennent compte des antennes déjà posées pour l'intégration paysagère des nouvelles antennes dans un lieu considéré.
Article 18
Les pylônes ne peuvent être construits qu'en dernier ressort. Les pieds et abords des nouveaux pylônes sont aménagés dans l'objectif de réduire leur perception visuelle.
Article 19
Est établi un schéma départemental ou communal d'implantation obligatoire et opposable aux opérateurs. Ce schéma tient compte des nécessités d'urbanisme, d'architecture et d'aménagement du territoire.
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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 novembre 2007.
Source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion0358.asp