Une télécommande flippante
C'est en 2008 que j'ai entendu parler de la première fois de l'électrohypersensibilité, cette maladie des ondes dont certains souffrent tellement que leur vie en est gâchée. C'est donc avec sérieux que j'ai testé cette télécommande que l'on m'a prêtée afin de visualiser le grille-pain dans lequel je vis. Que n'avais-je pas fait ?
Mon bureau, d'où je travaille quotidiennement depuis cinq ans, est en zone rouge. C'est bien simple, l'Esi 24 distribué par EPE Conseil s'affole, émet un bruit stressant que seuls la box, le téléphone mobile, le téléphone sans fil et les divers branchements électriques qui m'entourent (ordinateur, imprimante, lampes, etc.) semblent expliquer - il n'y a ni ligne à haute tension ni antenne relais dans mon quartier.
Dans la chambre de ma fille, ouf, c'est vert. Mais à côté de mon lit c'est pas jojo et le reste de l'appart est une orange. Mon papa, à qui j'ai prêté le révélateur d'ondes, m'explique que deux coins seulement dans son logement restent "sains". Autre part, ça oscille dans les valeurs les plus élevées.
Pour Vincent Joly, fondateur d'EPE conseil société spécialisée dans la détection des ondes qui vend cette télécommande, "on est aux prémisses d'une pollution récente qui n'est pas réglementée. Et dire cela à un industriel, c'est créer des soubresauts." Sensible à l'environnement et professionnel de l'hôtellerie, Vincent Joly s'est avant tout interrogé sur l'impact du wi-fi dans les hôtels : cela ne gênerait-il pas le sommeil des clients ? C'est alors qu'il a creusé la question et décidé de s'y consacrer à temps plein.
Les boîtiers qu'il propose sont chers : entre 169 et 238 euros pièce, ils sont fabriqués en Europe et permettent de détecter pollutions filaires et sans fil. L'appareil étant réglé sur les normes suédoises de détection de rayonnements, il est plus sensible que d'autres outils du même type. "Mais doit-on s'aligner sur un seuil de détection moins stricte et être laxiste ? Il ne s'agit pas de faire peur, mais de proposer une prévention face à une pollution abstraite et invisible" rappelle Vincent Joly.
Dans le brouillard
Se prémunir oui, mais pourquoi exactement ? Alors que l'électrosensibilité est reconnue comme maladie par l'OMS et que le portable fait partie des facteurs cancérogènes pour l'homme (au même niveau que les vapeurs d'essence), on parle peu des allergies aux ondes en France. Les effets sont pourtant là : dégradation des défenses immunitaires, déréglements hormonaux, cas de cancers, comme le rappelle ce reportage d'Euronews en décembre 2011.
Maxence Layet, journaliste scientifique passionné par ces questions et membre fondateur du Criirem, vient de signer une nouvelle enquête, Sacrifiés des Ondes, un documentaire au sujet de l'électrosensibilité (il a déjà écrit plusieurs ouvrages dont Survivre au téléphone mobile et aux réseaux sans fil et co-signé Sous le feu des Ondes diffusé en juillet 2009 sur ARTE). D'après lui, "les victimes de ce syndrome sont évaluées de 3 à 6% de la population. Leur nombre est sans doute bien plus élevé, tant ses manifestations peuvent varier. Chaleur dans l'oreille, maux de tête, problème de sommeil, fatigue inexpliquée..."
Les personnes plus atteintes sont contraintes à s'éloigner des lieux d'exposition, se retrouvant fortement handicapée professionnellement et personnellement, comme l'expriment les témoignages recueillis dans cet extrait :
Si les études scientifiques sur le sujet sont partagées, le journaliste estime qu'il y a suffisamment de signaux aujourd'hui: "à partir de quel moment considère-t-on qu’il y a alerte ? Avec l’historique scientifique sur le sujet, il y a une cohérence entre toute les approches, on confirme ce qui a déjà été mis en évidence, il faut se protéger".
Conseils anti-coups de gril
Se prémunir activement des effets néfastes des ondes est possible. Il faut avant tout cibler les zones d'exposition longues (votre lit, votre bureau, le coin TV, etc.) m'ont conseillé les deux experts du sujet. "L’équipement dont on dispose est la source principale de pollution électromagnétique, et de 30 à 40% sont liés aux antenne relais" rappelle Maxence Layet.
On reprend le fil : utiliser une oreillette filaire avec son portable et choisir des téléphones dont la valeur d’absorption spécifique (DAS) soit la plus basse possible (de préférence toujours inférieure à 0,7 W/kg, cf. le guide Top Das et la liste des bons réflexes en matière de téléphonie mobile). Privilégier un téléphone fixe filaire (la borne du sans fil est une vraie station de rayonnement à elle seule !) et revenir à une connexion internet filaire - ou à défaut couper le wifi la nuit.
Dans votre lit, pas de téléphone portable ou de lampe de chevets à moins de 50 cm de votre tête : "les ampoules basses consommation émettent de champs électromagnétiques basse fréquence (50 Hz) et radiofréquences, jusqu'à 10 MHz et au-delà" souligne le journaliste qui met aussi en garde contre les écoute bébés (babyphones) aussi :
Il existe aussi des solutions fiables pour les particuliers: des peintures, des textiles, des mises à la terre, des rallonges et alimentations blindées : "en Finlande, la pollution électromagnétique est anticipée dès la conception d'un logement ou d'un bureau" rappelle Vincent Joly, "dans ce pays, les antennes relais sont certes plus nombreuses, mais elles rayonnent moins et sont également moins dangeureuses !"
Si ces gestes préventifs aident, il faudrait que tout le monde agisse de la même manière : quand je vois le nombre de réseaux Wi-Fi autour de moi, même s'ils m'atteignent moins que celui que j'utilise, je me sens bien démunie ! Sans parler de la multiplication des réseaux dans les lieux publics : même si ça n'est pas pour demain dans le métro, je me sens un peu cuite là !
Ainsi soit gril ?
Pour aller plus loin
- Téléphonie mobile : l'AFSSET recommande de réduire les expositions du public, Octobre 2009
- Ondes électromagnétiques : un état des lieux des risques, Juillet 2009
- Grenelle des antennes : une ouverture sous tension, Avril 2009
- Wi-Fi : les électrosensibles écartés du débat, Janvier 2009
- Lignes à très haute tension : attention riverains, Mars 2008
- A écouter : émission Les Pieds sur Terre sur les électrosensibles, France Culture, février 2012