Un groupe de 31 chercheurs de 14 pays a analysé toutes les études déjà conduites sur le sujet (aussi bien celles financées par les industriels que les études indépendantes). Le classement retenu est fondé "sur des études épidémiologiques montrant un risque accru de gliome, un type de cancer du cerveau associé avec l'usage du téléphone portable", a-t-il indiqué. Selon la classification officielle de l'OMS, les mobiles sont classé 2B, une catégorie qui regroupe 266 agents (dont les gaz d'échappement des moteurs à essence, le chloroforme, le cobalt, certains contraceptifs, ou encore les fougères arborescentes). Auparavant, ils étaient classés dans la catégorie inférieure, soit "inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'homme".
"Peut-être cancérigène pour l'homme", ça veut dire quoi ?
Cela signifie que le risque n'est pas démontré : les preuves sont "limitées" et "insuffisantes", ou bien elles sont suffisantes seulement sur les animaux. Les preuves en question font notamment état d'une augmentation de 40% du risque de tumeur du cerveau chez les utilisateurs téléphonant en moyenne 30 minutes par jour pendant 10 ans. Une utilisation largement supérieure à la moyenne, puisque selon l'Arcep le trafic mensuel moyen voix des clients mobiles était de 2h20 au quatrième trimestre 2010 (ce chiffre ne prend cependant pas en compte l'utilisation d'un mobile professionnel).
Cela signifie quand même qu'il y a suffisamment de signaux pour que le doute soit permis. D'où un besoin de surveillance accrue. Des recherches complémentaires, guidées par le CIRC, vont donc maintenant être menées sur l'impact à long terme d'une utilisation intensive du téléphone portable sur l'homme. Ce qui ne peut être que positif, car jusqu'à présent on était dans le flou, bien que de nombreux rapports aient alerté sur les risques sous-estimés du portable, et recommandé d'appliquer le principe de précaution.
Comment se protéger ?
La bonne nouvelle, c'est que contrairement à d'autres agents de la même catégorie auxquels nous sommes tous exposés (comme les gaz d'échappement), l'utilisation du portable est un comportement actif et non passif. A chacun de voir comment il gère le principe de précaution. Les conseils donnés sont de limiter l'utilisation du téléphone pour la voix (privilégier les SMS), de ne pas téléphoner dans les zones où la réception est mauvaise, et d'utiliser un kit mains libre, qui réduit de 10 fois l'exposition aux ondes et que l'on peut aussi utiliser au volant pour faire d'une pierre deux coups. Il est également recommandé de limiter l'usage du portable par les enfants, plus fragiles. Enfin, depuis le 15 avril, l'affichage du "DAS" (débit d'absorption spécifique), correspondant aux ondes émises, est obligatoire en magasin pour tous les téléphones. On peut donc choisir son modèle en fonction de son niveau d'émissions. Un guide de l'INPES est disponible sur internet, pour tout savoir sur l'usage "safe" du téléphone.
Comment les ondes radio agissent sur le cerveau ?
Ce qui se passe quand on téléphone, c'est que l'activité des zones du cerveau proches de l'antenne est augmentée, et les cellules s'échauffent. Cela peut altérer les neurotransmetteurs et modifier le débit sanguin cérébral. Au-delà de ces constatations, les mécanismes qui pourraient être nocifs ne sont pas démontrés.
Plus le téléphone est proche de la tête, plus le risque est important (d'où la recommandation de privilégier les oreillettes). En revanche, il diminue très vite si on l'éloigne du corps. Les ondes sont émises lorsque le téléphone se connecte à l'antenne relais, ce qui survient régulièrement pendant un appel, surtout en situation de déplacement. L'émission la plus importante a lieu dans les premières secondes de la communication. En outre, plus la couverture réseau est mauvaise, plus le téléphone émet des ondes.
2G, 3G, 4G, WiFi, Bluetooth... ça change quelque chose?
"Les téléphones modernes ont une émission beaucoup plus basse que les anciens", a souligné un chercheur du CIRC. Pour ce qui est des "expositions environnementales" (WiFi, antennes relais...), elles n'ont pas fait l'objet de conclusions de la part du CIRC. Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire), explique que l'exposition aux ondes électromagnétiques est plus faible dans le cas du WiFi et des antennes relais, mais qu'elle a lieu sur des durées beaucoup plus longues. Par principe de précaution, le Conseil de l'Europe a quand même proposé d'interdire le WiFi dans les écoles.
Quelle est la position des opérateurs ?
Ils se retranchent derrière l'absence de preuve formelle pour minimiser les risques, et sont souvent accusés de brider la recherche en ne finançant que les études qui leur sont favorables. Interrogé par un blog de France Télévisions sur la question de la dangerosité du portable, le patron de France Télécom Stéphane Richard expliquait récemment qu'il ne fallait pas "fuir le débat". "La grande difficulté, dit-il, c'est qu'il faut arriver à faire la part de ce qui est quand même assez irrationnel, et resituer sur un plan scientifique ce qui est la réalité de ces sujets. A ce jour, les études qui ont été faites n'ont jamais été en mesure de conclure à l'existence d'un risque avéré, en tout cas certainement pas à un risque lié à l'antenne".
Les travaux de recherche vont de toute façon continuer. En France, l'Anses dispose d'un crédit de 2 millions d'euros par an pour la recherche sur les effets des ondes électromagnétiques sur la santé.