Le téléphone portable, qui devrait avoir séduit un demi-milliard d'individus en 2003, serait-il dangereux? Au point de lui accoler un jour - comme sur les paquets de cigarettes - la mention "nuit gravement à la santé"? En France, le débat émeut peu. En Grande-Bretagne, il déchaîne les passions. Depuis plusieurs mois, les médias se font l'écho de cas isolés souffrant de maux de tête, de pertes de mémoire, de difficultés à se concentrer, d'augmentation de la pression artérielle, de troubles auditifs et du sommeil. Certains accusent même ouvertement le mobile de provoquer des cancers du cerveau. Parmi eux : Richard Branson. Le preux PDG de l'empire Virgin s'est embarqué dans cette croisade en déconseillant son usage à ses employés. Au royaume des portables, l'atmosphère s'alourdit et les procès contre les fabricants se multiplient. Les études scientifiques aussi : une centaine, selon le département britannique de la Santé. Dans l'Hexagone, rien ou presque, alors que le nombre d'utilisateurs (environ 13 millions), tout comme les effets supposés, y sont identiques. 50% des ondes émises sont absorbées par la tête Le danger des téléphones cellulaires provient de l'émission de leurs champs magnétiques : 900 MHz pour les appareils commercialisés par France Télécom ou par Cegetel et 1 800 pour ceux de Bouygues. Une différence qui va s'estomper d'ici à la fin de l'année, avec la mise sur le marché des "bibandes" - qui passent d'une fréquence à l'autre en fonction de l'encombrement. Ainsi, quel que soit le modèle, 50% des ondes émises sont absorbées par la tête . Elles transitent par la peau, les muscles, les os et l'encéphale (10%), où elles atteignent le cortex, la région la plus sensible. L'énergie électromagnétique augmente la température du tissu cérébral et provoquerait des dégâts physiologiques dont on ignore la réversibilité. Mais les effets non thermiques (les moins connus) pourraient être les plus graves. Toutefois, jusqu'à présent, aucune durée d'exposition n'a été définie au-delà de laquelle il y aurait danger. "L'inquiétude grandit parce que de plus en plus de travaux suggèrent l'existence d'un lien entre mobile et cancer", note le Dr Henry Lai, du laboratoire de pharmacologie de l'université de Washington à Seattle (Etats-Unis).
Son équipe fut la première, en 1993, à mettre au jour des lésions chromosomiques dans les cellules encéphaliques de rats soumis pendant deux heures à des champs électromagnétiques élevés (2 450 MHz). Pourtant, les enseignements de ce travail sont loin de faire l'unanimité au sein de la communauté scientifique et ne permettent pas de tirer des conclusions définitives : "Cette étude a été conduite avec une forme d'impulsion très différente de celles des mobiles, précise Bernard Veyret, directeur de recherche au CNRS. Il faut se garder des raccourcis hâtifs. Ces micro-ondes ne peuvent, à elles seules, déclencher un cancer. Tout au plus pourraient-elles être un facteur parmi d'autres pour accélérer le développement d'une tumeur." Aujourd'hui, les questions soulevées par les analyses biologiques sont confirmés par les résultats des premières recherches épidémiologiques. Récemment, le magazine Panorama, diffusé sur la BBC, mentionnait l'étude suédoise du Dr Lennart Hardell menée sur des centaines de patients atteints de tumeur au cerveau. Là encore, les conclusions n'ont pas manqué de surprendre : ceux qui se servent du téléphone du côté droit de la tête ont vu le risque de développer une tumeur dans cette partie précise du cerveau multipliée par 2,5. Hardell a fait la même analyse pour ceux qui l'utilisaient de la main gauche. Troublant mais "non significatif, selon René de Seze, directeur du laboratoire de biophysique médicale à la faculté de Nîmes, ces examens portant sur trop peu de personnes".
L'accumulation récente des doutes émis par de nombreux scientifiques n'a en rien perturbé l'explosion du marché - en 1998, le chiffre d'affaires de Nokia a plus que doublé. La position des fabricants et des opérateurs est claire : tant qu'aucune preuve irréfutable de la nocivité des portables ne sera apportée, leurs appareils restent sûrs. Un projet épidémiologique d'une durée de cinq ans Dès lors, ces grands groupes relativisent systématiquement les résultats des études indépendantes, sous prétexte qu'elles ne sont pas représentatives. Les autres (l'immense majorité), financées en partie ou intégralement par l'industrie de la téléphonie mobile, peuvent manquer de crédibilité. L'assemblée annuelle de la Bioelectromanetics Society, qui se déroulera du 20 au 24 juin en Californie, rassemblant plus de 500 chercheurs internationaux, pourrait être l'occasion de faire un point précis sur l'état et l'indépendance des recherches. De son côté, le Centre international de recherches sur le cancer (Circ) lance un vaste projet épidémiologique d'une durée de cinq ans, qui réunira plusieurs dizaines de milliers de patients à travers le monde pour évaluer les risques cancérogènes des téléphones cellulaires. Selon Elisabeth Cardis, qui pilote l'étude pour le Circ, "c'est par ce type d'étude ambitieuse que l'on espère apporter des réponses définitives". D'ici là, le moyen le plus sûr pour se protéger des rayonnements est de consommer avec modération.
Son équipe fut la première, en 1993, à mettre au jour des lésions chromosomiques dans les cellules encéphaliques de rats soumis pendant deux heures à des champs électromagnétiques élevés (2 450 MHz). Pourtant, les enseignements de ce travail sont loin de faire l'unanimité au sein de la communauté scientifique et ne permettent pas de tirer des conclusions définitives : "Cette étude a été conduite avec une forme d'impulsion très différente de celles des mobiles, précise Bernard Veyret, directeur de recherche au CNRS. Il faut se garder des raccourcis hâtifs. Ces micro-ondes ne peuvent, à elles seules, déclencher un cancer. Tout au plus pourraient-elles être un facteur parmi d'autres pour accélérer le développement d'une tumeur." Aujourd'hui, les questions soulevées par les analyses biologiques sont confirmés par les résultats des premières recherches épidémiologiques. Récemment, le magazine Panorama, diffusé sur la BBC, mentionnait l'étude suédoise du Dr Lennart Hardell menée sur des centaines de patients atteints de tumeur au cerveau. Là encore, les conclusions n'ont pas manqué de surprendre : ceux qui se servent du téléphone du côté droit de la tête ont vu le risque de développer une tumeur dans cette partie précise du cerveau multipliée par 2,5. Hardell a fait la même analyse pour ceux qui l'utilisaient de la main gauche. Troublant mais "non significatif, selon René de Seze, directeur du laboratoire de biophysique médicale à la faculté de Nîmes, ces examens portant sur trop peu de personnes".
L'accumulation récente des doutes émis par de nombreux scientifiques n'a en rien perturbé l'explosion du marché - en 1998, le chiffre d'affaires de Nokia a plus que doublé. La position des fabricants et des opérateurs est claire : tant qu'aucune preuve irréfutable de la nocivité des portables ne sera apportée, leurs appareils restent sûrs. Un projet épidémiologique d'une durée de cinq ans Dès lors, ces grands groupes relativisent systématiquement les résultats des études indépendantes, sous prétexte qu'elles ne sont pas représentatives. Les autres (l'immense majorité), financées en partie ou intégralement par l'industrie de la téléphonie mobile, peuvent manquer de crédibilité. L'assemblée annuelle de la Bioelectromanetics Society, qui se déroulera du 20 au 24 juin en Californie, rassemblant plus de 500 chercheurs internationaux, pourrait être l'occasion de faire un point précis sur l'état et l'indépendance des recherches. De son côté, le Centre international de recherches sur le cancer (Circ) lance un vaste projet épidémiologique d'une durée de cinq ans, qui réunira plusieurs dizaines de milliers de patients à travers le monde pour évaluer les risques cancérogènes des téléphones cellulaires. Selon Elisabeth Cardis, qui pilote l'étude pour le Circ, "c'est par ce type d'étude ambitieuse que l'on espère apporter des réponses définitives". D'ici là, le moyen le plus sûr pour se protéger des rayonnements est de consommer avec modération.