Risques pour la santé, téléphones pas adaptés : l’Internet mobile ultrarapide est une révolution selon les opérateurs, peut-être moins pour leurs utilisateurs.
Avec l’approche des fêtes de fin d’année, Orange et SFR se livrent un duel sans merci pour appâter les clients avec la très prochaine mise en service de la norme 4G. Successeur de la 3G, cette nouvelle norme offrant un accès rapide à Internet depuis un mobile doit être déployée par chaque opérateur ville par ville, et cohabitera dans un premier temps avec l’actuel réseau 3G, qu’il est censé soulager.
C’est à celui qui criera le plus fort son « débit théorique » maximum. Le premier round a débuté à Lyon. Orange y a commercialisé la première offre 4G le 21 novembre, SFR lancera les festivités le 28. Chacun bombe le torse, mais au-delà de ces coups de com’, qu’augure le lancement de ce nouveau réseau ?
Une dangerosité pas mesurée
Si SFR promet un débit « descendant » (c’est-à-dire le débit des données qui vont vers le téléphone, comme un téléchargement) de 100 Mbits/seconde pour sa future norme 4G, Orange se vante de proposer 150 Mbits/s, soit six fois plus que le débit théorique de l’ADSL.
L’OMS n’a pas trouvé de base scientifique permettant de relier les symptômes de l’électrosensibilité à une exposition aux champs électromagnétiques.
Une surenchère qui fait quand même son petit effet quand on sait que la norme 3G actuelle plafonne à 5 Mbits/s (résultat obtenu via l’application Speedtest sur mon téléphone avec une couverture réseau normale).
Alléché à l’idée de pouvoir télécharger toujours plus et toujours plus vite, on en oublierait presque qu’une telle puissance n’est peut-être pas sans conséquences.
Plusieurs études ont conclu à la nocivité des ondes électromagnétiques. En premier lieu, le rapport Bioinitiative, validé par l’Agence européenne de l’environnement (AEE), alerte sur l’importance du principe de précaution concernant les appareils électromagnétiques. Selon Jacqueline McGlade, directrice de l’AEE, ces derniers peuvent causer « des dommages importants et parfois irréversibles sur la santé ».
Ils sont fixés par le décret du 2 mai 2002 résultant de la transposition de la directive européenne du 9 mars 1999 et de la recommandation européenne du 12 juillet 1999 qui reprend les limites recommandées par l’International Commission for Non-Ionizing Radiation Protection (Icnirp).
La 4G est diffusée en France sur deux fréquences : 800 MHz et 2,6 GHz. Pour la première, le seuil est fixé à 40 Volts/mètre et pour la seconde, 61 V/m.
Concernant plus spécifiquement les réseaux de télécommunication, le professeur Franz Adlkofer, coordinateur de l’étude européenne Reflex [PDF], a expliqué dans une conférence tenue en octobre 2007 que la norme UMTS (3G) est beaucoup plus dangereuse que la norme GSM (2G). Il y évoque une augmentation du risque de cancer (due à la coupure de brins d’ADN par les ondes des radiofréquences).
Si aucune étude n’a encore été menée sur la 4G, il faut s’attendre à des mises en garde similaires. La seule précaution prévue par la loi concerne les seuils de fréquence (exprimés en volts par mètre) contrôlés par l’Agence nationale des fréquences [voir encadré].
Des antennes-relais pas assez nombreuses
Pour installer la norme 4G, il faut modifier les installations sur les antennes-relais existantes ou en installer de nouvelles. Comme ce fut parfois le cas pour Free, l’installation d’antennes peut devenir extrêmement problématique, face aux résistances des riverains. C’est le point névralgique de cette bataille.
Pour chaque nouvelle antenne, il faut déposer une demande à l’Agence nationale des fréquences (ANFR), qui vérifie si les règlements sont respectés et si l’équilibre électromagnétique du réseau n’est pas menacé. Les mairies doivent elles aussi donner leur feu vert au regard des règles d’urbanisme : une longue procédure que le Conseil d’Etat a simplifiée il y a un an, interdisant aux maires d’invoquer le seul « principe de précaution » pour bloquer l’installation d’une antenne.
Pour contourner cette interdiction, les municipalités peuvent s’entendre avec les opérateurs sur des seuils planchers en-dessous des maximums légaux – en leur promettant en retour des emplacements sur des bâtiments publics, par exemple. C’est le cas pour Paris, dont le conseil municipal a voté une charte fixant le seuil pour la 3G à 5 volts par mètre (contre 40 dans la loi) et pour la 4G à 7 V/m (contre 61 dans la loi).
Dans le cas des opérateurs historiques, le processus est moins problématique puisqu’ils procèdent la plupart du temps à de simples changements de matériels sur des pylônes existants.
Le déploiement du réseau ne fait que commencer : alors que Orange et SFR disposent de 35 000 antennes 3G pour couvrir 98% du territoire métropolitain, le site AntennesMobiles.fr, qui s’appuie sur des données de l’ANFR, ne dénombre pour l’instant que 622 antennes 4G, tous opérateurs confondus.
Ces 622 antennes se concentrent sur neuf centres urbains : Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Toulouse, Poitiers, Nantes, Lille et Strasbourg.
Dans cette bataille, Bouygues Telecom vient de tenter un coup (à moindre frais) : le groupe a demandé l’autorisation de transformer ses fréquences 2G en 4G, comme le révèle Libération.
Des téléphones pas adaptés
Pour bénéficier de la 4G, réseau ultrarapide, il ne suffira pas de le demander gentiment à son opérateur : il faudra disposer du « terminal » (smartphone, tablette...) adéquat.
On ne peut toujours pas acheter de téléphones 4G, combinés à un forfait, chez les opérateurs. Les quelques appareils sur le marché (une dizaine) peuvent être achetés nus à des prix oscillant entre 600 et 800 euros.
Des modèles compatibles seront disponibles à la vente (avec forfait et subvention) au moment où le réseau sera officiellement lancé. Mais les prix devraient rester assez élevés.
Un forfait data pas illimité
L’arrivée de Free sur le marché l’a bien montré, les opérateurs historiques ne cèdent, sur les prix, que sous la pression de la concurrence. Mais Free ne développe pas de norme 4G : il a déjà bien à faire avec son réseau téléphonique. Sans aiguillon, les opérateurs risquent de facturer leur nouveau service au prix fort.
Le service de presse SFR nous a confirmé l’alignement des tarifs 4G avec ceux déjà pratiqués pour ses forfaits utilisant le réseau « dual carrier “ (entre la 3G+ et la 4G en termes de débit). Il faudra donc débourser, pour un engagement sur deux ans avec un mobile, un peu moins de 50 euros par mois pour 2 Go de données (avec un blocage au-delà) et jusqu’à 89 euros pour 6 Go.
Les offres des opérateurs en lice pour la 4G promettent paradoxalement une vitesse inégalée en l’accompagnant de restrictions sévères. Une situation surprenante quand on sait qu’aujourd’hui, les opérateurs virtuels (Virgin, La Poste) et low-cost (B&You, Sosh, Red) réduisent le débit au-delà des gigaoctets prévus dans le forfait, mais ne bloquent jamais l’accès à Internet.
Poussés à la boulimie numérique, les futurs clients risquent rapidement de se trouver sans accès internet et d’être pris en otage par un système de rechargement dépassant allégrement les tarifs forfaitisés, comme le montre cet extrait de l’actuelle brochure tarifaire SFR pour ‘dual carrier’ :
‘Recharge Internet mobile 100 Mo (2 euros) [...]. Quatre rechargements maximum par mois.’
Si l’on transpose ces chiffres au débit 4G théorique annoncé (100 Mbits/seconde soit environ 12 Mo/seconde), les clients ayant dépassé les gigaoctets compris dans leur forfait pourraient ainsi être théoriquement amenés à payer 2 euros pour environ 10 seconde à plein débit (théorique) ! Une situation absurde.
En attendant les grilles tarifaires définitives et pour éviter les affres de tout lancement, on ne saurait que trop vous conseiller d’attendre que la 4G fasse ses preuves (par quatre).
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Source : http://www.rue89.com/2012/11/27/genial-la-4g-arrive-avec-4-problemes-qui-vont-vous-calmer-237375
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Voir également :
- VIDEO : "L'impact sanitaire des ondes inquiète Robin des Toits" - 20 Minutes - 22/11/2012
- Pétition en ligne : Ministère de la Santé - Refuser l'essai de la 4G à Saint-Etienne - Oct. 2012
- Demande de moratoire sur la 4G : lettre ouverte au Préfet de région Pays de Loire - 15/10/2012