Marseille (Bouches-du-Rhône), mercredi. Les habitants des pavillons de la cité-jardin Saint-Louis, dans le XVe arrondissement de la cité phocéenne, se sont mobilisés pour empêcher les salariés de Phinelec, un sous-traitant d’ERDF, d’installer leurs compteurs Linky (photo ci-dessous). (PhotoPQR/« la Provence »/Delphine Tanguy.)
ÉNERGIE. Alors qu'EDF a lancé en décembre le déploiement national de ses nouveaux « compteurs intelligents », certaines villes s'y opposent au nom de la santé des habitants.
Linky n'est pas le bienvenu partout. Certaines communes françaises voient en effet l'arrivée du nouveau compteur intelligent d'EDF, qui doit d'ici à 2020 remplacer l'ensemble des 35 millions de compteurs électriques actuellement en place dans les foyers (dont 20 millions d'anciens compteurs bleus mécaniques), d'un très mauvais oeil.
Elles seraient aujourd'hui plus d'une cinquantaine à s'opposer carrément à son déploiement sur leur territoire, selon le site refus.linky.gazpar.free.fr créé par Stéphane Lhomme, conseiller municipal à Saint-Macaire (Gironde) et par ailleurs militant écologiste et antinucléaire.
Cette petite ville de 2 000 habitants est l'une des toutes premières à avoir dit non à Linky. Le 24 septembre dernier, son conseil municipal avait en effet rejeté à l'unanimité la demande d'ERDF, la filiale d'EDF en charge de la distribution d'électricité. Elle a fait de même avec GRDF, la filiale d'Engie, pour l'installation de Gazpar, l'équivalent de Linky, mais pour le gaz, ainsi que pour des compteurs intelligents d'eau chaude et d'eau froide. Trois délibérations distinctes pour chacune de ces ressources seront publiées le 6 avril.
« Accepter ces programmes aboutirait à avoir jusqu'à quatre compteurs (NDLR : électricité, gaz, eau chaude et eau froide) pour chaque logement », explique la municipalité dans un courrier envoyé début novembre à ses habitants. Ses craintes ? « La principale est le souci de protection de la santé des habitants, à commencer par celle des enfants, détaille encore le courrier. En effet, s'ils sont installés, les compteurs communicants émettront des ondes électromagnétiques que GRDF présente comme anodines, ce qui est fortement contesté par diverses associations. »
Au nom de la protection de l'environnement
Autre argument invoqué : la protection de l'environnement. Entre les compteurs dédiés à la consommation électrique et ceux dédiés à l'eau et au gaz, ce sont plus de 80 millions de compteurs, dont la majeure partie serait en parfait état de marche, qui doivent être changés. « Recycler des produits en fin de vie, très bien, s'insurge Stéphane Lhomme. Mais des appareils qui peuvent encore fonctionner de nombreuses années, ça n'a aucun sens. »
Depuis novembre, les municipalités récalcitrantes qui refusent l'arrivée des compteurs Linky se sont multipliées : Varennes-sur-Seine (Seine-et-Marne), Prémery (Nièvre), Le Barp (Gironde), Varades (Loire-Atlantique) ou encore Saint-Capraise-de-Lalinde (Dordogne)... La liste ne cesse de s'allonger. A quatre reprises la semaine dernière, les habitants des pavillons de la cité-jardin Saint-Louis, dans le XVe arrondissement de Marseille, bâtie dans les années 1920 pour les dockers du port et les ouvriers des tuileries des alentours, se sont eux aussi mobilisés pour empêcher les salariés de Phinelec, un sous-traitant d'ERDF, de venir installer leurs compteurs. A l'école Verduron, juste à côté, où là aussi un boîtier Linky devait être posé, c'est la directrice qui s'y est carrément opposée !
Bref, l'affaire commence à prendre une telle ampleur que le président de l'Association des maires de France, François Baroin (LR), sénateur-maire de Troyes, a demandé jeudi à l'Etat de « fournir de manière objective et transparente aux habitants inquiets les réponses qu'ils attendent ». Et d'informer également les maires (lire ci-dessous) sur « les limites de leur capacité à agir dans ce domaine ».
Que risquent les communes récalcitrantes ?
« Les communes qui s'opposent à Linky ne risquent pas grand-chose », affirme Me Richard Forget, avocat de l'association Robin des toits, qui milite contre le compteur intelligent d'ERDF. « Au pire, ces communes prennent un arrêté municipal contre le déploiement et celui-ci est attaqué en justice par ERDF pour excès de pouvoir. Elles prennent alors simplement le risque que cet arrêté soit cassé. Et n'ont à craindre ni une amende ni un quelconque embastillement de leur maire. Et dans le cas où l'arrêté est cassé, elles peuvent d'ailleurs toujours en prendre un nouveau, sur un autre motif. Ce jeu du chat et de la souris pourrait durer comme ça plusieurs années », détaille cet avocat.
ERDF a pour le moment suffisamment à faire à installer ses compteurs un peu partout en France. 600 000 d'entre eux (sur 35 millions) ont déjà été branchés chez des particuliers. En revanche, le jour où il ne restera plus que les communes récalcitrantes, qui seront alors peut-être plusieurs centaines, le ton pourrait alors se durcir... « Nous privilégions le dialogue, affirme Bernard Lassus, le directeur du programme Linky chez ERDF. Nous avons la responsabilité de l'exploitation et de la modernisation du réseau. En revanche, nous n'avons pas à nous prononcer sur les arrêtés des communes. En cas de désaccord durable, ce sera à la préfecture d'intervenir. »
Marche arrière en Allemagne
Le ministère allemand de l'Economie a annoncé le mois dernier que les compteurs intelligents ne concerneraient finalement pas les 40 millions de foyers allemands, mais seulement les plus énergivores, ceux qui consomment plus de 6 000 kilowattheures (KWh) par an. Si tel est environ le niveau de consommation électrique moyenne des ménages français, celle des ménages allemands, qui utilisent moins d'appareils électriques, se situe autour de 3 500 kWh.
L'obligation d'équipement en compteur intelligent ne concernera donc qu'une minorité de ménages outre-Rhin. Le gouvernement a expliqué avoir comparé le coût du déploiement, estimé entre 5 et 10 milliards d'euros, avec les avantages que les ménages pourraient en retirer. L'intérêt du consommateur allemand n'étant pas clairement établi, il a été décidé de réduire le déploiement des compteurs intelligents. Une décision qui pourrait faire grincer des dents Bruxelles, qui a imposé aux Etats membres, par une directive de 2009, d'en équiper au moins 80 % des foyers d'ici à 2020.
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Source : http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/une-cinquantaine-de-communes-font-la-guerre-a-linky-26-03-2016-5661833.php
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Voir également :
- LINKY : Lettre de refus à adresser à ERDF - Robin des Toits - 29/01/2016
- 'Les Communes peuvent refuser les compteurs Linky et Gazpar !' - Tutoriels et Revue de Presse - Janvier 2016