Les faits
Entre le 21 et le 23 octobre derniers, les riverains du grand magasin de luxe Le Bon Marché (7ème arrondissement) ont vu surgir sur l’établissement du groupe LVMH plusieurs mâts d'antennes relais, d'Orange sur le toit du Bon Marché au 5 rue de Babylone, et de Free sur celui de la Grande Épicerie au 142 rue du Bac. L'installation ne pouvait pas rester inaperçue vu l'emploi d'une imposante grue pour l’exécution des travaux.
Installé à moins de 30 mètres des habitations, l'un de ces mâts a soulevé les craintes des riverains qui se sont empressés de demander une explication à la mairie d'arrondissement.
Grand a été leur étonnement quand ils ont découvert que la mairie n'était pas au courant du projet d'installation, qu'aucun permis de construire ou autre déclaration préalable n'avaient été déposés à l'urbanisme, et que, de plus, l'autorisation d'exploitation auprès de l'ANFR avait été purement et simplement négligée.
Les opérateurs se sont crus tout permis et se sont passés des diverses formalités pourtant encore inscrites, alors, dans les différents textes. Ils ont probablement pu compter sur l'accord des dirigeants de l'établissement, ayant par ailleurs été obligés de se déplacer de quelques dizaines de mètres pour laisser la place à un rooftop dont l'aménagement était prévu sur le toit de la Grande Épicerie. Ils ont ainsi agi au mépris de la loi sur l'urbanisme et ont, de surcroît, bafoué la Charte parisienne pour la téléphonie mobile ainsi que la loi Abeille de 2015.
Cette dernière n'a d'ailleurs pas cessé d’être démantelée au fil de sa courte vie. Déjà amputée, avant même d'être votée, de sa mesure phare qui imposait une Valeur Limite d'Exposition (VLE) de 0,6 V/m, viennent ensuite, en 2016, les amendements dans une loi sur les territoires de montagne, pour réduire à rien les dispositifs démocratiques mis en place par la loi ; puis vient, grâce à un cavalier législatif dans la loi ELAN, un premier coup de grâce avec la suppression de l’encadrement du déploiement des installations de téléphonie mobile et vient enfin le coup définitif avec le décret du 10 décembre dernier (Décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 relatif à l’extension du régime de la déclaration préalable aux projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l’urbanisme).
L'action
Mais l'idyllique entre-soi des puissants a dû faire face aux riverains indignés qui, entre-temps, s'étaient constitués dans le collectif ViSeBB, Vivre Sereinement Quartier Bac-Babylone, membre de l'association Robin des Toits, et qui étaient très déterminés à faire valoir leurs droits.
Dans un premier temps la mairie de Paris, représentée par l'Agence de l’écologie urbaine (AEU), a tenté de minimiser la portée de l’événement en justifiant l’illégalité de l'installation par le fait qu'elle était "provisoire"; en même temps qu'elle affirmait le caractère éphémère de l'installation. Un Dossier d'information mairie (DIM) venait effectivement d’être déposé par les opérateurs, soucieux de régulariser leur situation.
Les membres du collectif n’étant pas dupes, ils ont demandé des conseils juridiques et ont frappé aux portes de différentes associations dont Robin des Toits et la CLCV (Consommation Logement Cadre de Vie) qui leur ont apporté leur soutien. De fil en aiguille, l'affaire est arrivée aux oreilles des institutions qui ont sanctionné les opérateurs en réaffirmant leur autorité. L'Agence nationale des fréquences (ANFR), qui elle non plus n'avait pas reçu des opérateurs la demande d'exploitation (dossier COMSIS), a fait cesser les émissions de l'antenne Orange alors que les Architectes des Bâtiments de France (ABF) ont donné un avis négatif à l'installation, motivé par l’interdiction dans le règlement PSMV (Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur) d’implanter des antennes sur un bâtiment de type A.
Enfin, après de nombreuses sollicitations de la part des riverains, et confortée par les positions de l'ANFR et des Architectes des Bâtiments de France, la Maire du 7ème arrondissement, Madame Rachida Dati, s'est alignée sur la position de ces derniers et a finalement pris le parti des citoyens en demandant à la Maire de Paris le démontage des antennes par le biais de M. Emmanuel Grégoire, président de la CCTM (Commission de Concertation pour la Téléphonie Mobile) qui, lors de la séance du 5 décembre, s'est faite caisse de résonance de toutes ces instances et a conclu au démontage des antennes d'Orange.
Le jour suivant, les riverains ont pu constater que l'horizon visible par leurs fenêtres avait déjà été libéré des mâts des antennes.
Les riverains ont donc gagné cette première bataille citoyenne mais restent vigilants car Orange et Free cherchent toujours à s'installer dans le secteur . Mr. Grégoire s'est empressé de rassurer les opérateurs en leur accordant une CCTM d'urgence afin de subvenir à leurs besoins de couverture.
Notre association continue à condamner le refus de prise en compte des effets sanitaires, pourtant extrêmement bien documentés, liés à la téléphonie mobile. Elle condamne également la déréglementation qui touche le déploiement des antennes relais dont le démantèlement de la loi Abeille.
Elle demande que les pouvoirs publics et les institutions concernées jouent leur véritable rôle de régulateur plutôt que de concourir à la course effrénée à des technologies liées au seul profit au détriment de l'humain.
Notes :
- article 62 de la loi ELAN : suppression du délai de 2 mois imposé aux opérateurs pour les demandes d’autorisation d’urbanisme concernant les installations radioélectriques, après avoir déposé le dossier d’information auprès du maire et réduction de 2 à 1 mois le délai minimum imposé avant de débuter les travaux lors de modifications substantielles d’installations radioélectriques.
- article 222 de la même loi : "A titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées. Cette disposition est applicable aux décisions d'urbanisme prises à compter du trentième jour suivant la publication de la présente loi. Au plus tard le 30 juin 2022, le Gouvernement établit un bilan de cette expérimentation".
- décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 : modifie l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme afin de soumettre au régime de la déclaration préalable les projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile implantés en dehors des secteurs protégés (abords des monuments historiques, sites patrimoniaux remarquables et sites classés ou en instance de classement), ainsi que les locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement, dès lors que ceux-ci présentent une surface de plancher et d’emprise au sol supérieures à 5 m2 et inférieures ou égales à 20 m2. L’application de ce régime n’est soumise à aucun critère de hauteur de l’antenne.
Entre le 21 et le 23 octobre derniers, les riverains du grand magasin de luxe Le Bon Marché (7ème arrondissement) ont vu surgir sur l’établissement du groupe LVMH plusieurs mâts d'antennes relais, d'Orange sur le toit du Bon Marché au 5 rue de Babylone, et de Free sur celui de la Grande Épicerie au 142 rue du Bac. L'installation ne pouvait pas rester inaperçue vu l'emploi d'une imposante grue pour l’exécution des travaux.
Installé à moins de 30 mètres des habitations, l'un de ces mâts a soulevé les craintes des riverains qui se sont empressés de demander une explication à la mairie d'arrondissement.
Grand a été leur étonnement quand ils ont découvert que la mairie n'était pas au courant du projet d'installation, qu'aucun permis de construire ou autre déclaration préalable n'avaient été déposés à l'urbanisme, et que, de plus, l'autorisation d'exploitation auprès de l'ANFR avait été purement et simplement négligée.
Les opérateurs se sont crus tout permis et se sont passés des diverses formalités pourtant encore inscrites, alors, dans les différents textes. Ils ont probablement pu compter sur l'accord des dirigeants de l'établissement, ayant par ailleurs été obligés de se déplacer de quelques dizaines de mètres pour laisser la place à un rooftop dont l'aménagement était prévu sur le toit de la Grande Épicerie. Ils ont ainsi agi au mépris de la loi sur l'urbanisme et ont, de surcroît, bafoué la Charte parisienne pour la téléphonie mobile ainsi que la loi Abeille de 2015.
Cette dernière n'a d'ailleurs pas cessé d’être démantelée au fil de sa courte vie. Déjà amputée, avant même d'être votée, de sa mesure phare qui imposait une Valeur Limite d'Exposition (VLE) de 0,6 V/m, viennent ensuite, en 2016, les amendements dans une loi sur les territoires de montagne, pour réduire à rien les dispositifs démocratiques mis en place par la loi ; puis vient, grâce à un cavalier législatif dans la loi ELAN, un premier coup de grâce avec la suppression de l’encadrement du déploiement des installations de téléphonie mobile et vient enfin le coup définitif avec le décret du 10 décembre dernier (Décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 relatif à l’extension du régime de la déclaration préalable aux projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l’urbanisme).
L'action
Mais l'idyllique entre-soi des puissants a dû faire face aux riverains indignés qui, entre-temps, s'étaient constitués dans le collectif ViSeBB, Vivre Sereinement Quartier Bac-Babylone, membre de l'association Robin des Toits, et qui étaient très déterminés à faire valoir leurs droits.
Dans un premier temps la mairie de Paris, représentée par l'Agence de l’écologie urbaine (AEU), a tenté de minimiser la portée de l’événement en justifiant l’illégalité de l'installation par le fait qu'elle était "provisoire"; en même temps qu'elle affirmait le caractère éphémère de l'installation. Un Dossier d'information mairie (DIM) venait effectivement d’être déposé par les opérateurs, soucieux de régulariser leur situation.
Les membres du collectif n’étant pas dupes, ils ont demandé des conseils juridiques et ont frappé aux portes de différentes associations dont Robin des Toits et la CLCV (Consommation Logement Cadre de Vie) qui leur ont apporté leur soutien. De fil en aiguille, l'affaire est arrivée aux oreilles des institutions qui ont sanctionné les opérateurs en réaffirmant leur autorité. L'Agence nationale des fréquences (ANFR), qui elle non plus n'avait pas reçu des opérateurs la demande d'exploitation (dossier COMSIS), a fait cesser les émissions de l'antenne Orange alors que les Architectes des Bâtiments de France (ABF) ont donné un avis négatif à l'installation, motivé par l’interdiction dans le règlement PSMV (Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur) d’implanter des antennes sur un bâtiment de type A.
Enfin, après de nombreuses sollicitations de la part des riverains, et confortée par les positions de l'ANFR et des Architectes des Bâtiments de France, la Maire du 7ème arrondissement, Madame Rachida Dati, s'est alignée sur la position de ces derniers et a finalement pris le parti des citoyens en demandant à la Maire de Paris le démontage des antennes par le biais de M. Emmanuel Grégoire, président de la CCTM (Commission de Concertation pour la Téléphonie Mobile) qui, lors de la séance du 5 décembre, s'est faite caisse de résonance de toutes ces instances et a conclu au démontage des antennes d'Orange.
Le jour suivant, les riverains ont pu constater que l'horizon visible par leurs fenêtres avait déjà été libéré des mâts des antennes.
Les riverains ont donc gagné cette première bataille citoyenne mais restent vigilants car Orange et Free cherchent toujours à s'installer dans le secteur . Mr. Grégoire s'est empressé de rassurer les opérateurs en leur accordant une CCTM d'urgence afin de subvenir à leurs besoins de couverture.
Notre association continue à condamner le refus de prise en compte des effets sanitaires, pourtant extrêmement bien documentés, liés à la téléphonie mobile. Elle condamne également la déréglementation qui touche le déploiement des antennes relais dont le démantèlement de la loi Abeille.
Elle demande que les pouvoirs publics et les institutions concernées jouent leur véritable rôle de régulateur plutôt que de concourir à la course effrénée à des technologies liées au seul profit au détriment de l'humain.
Notes :
- article 62 de la loi ELAN : suppression du délai de 2 mois imposé aux opérateurs pour les demandes d’autorisation d’urbanisme concernant les installations radioélectriques, après avoir déposé le dossier d’information auprès du maire et réduction de 2 à 1 mois le délai minimum imposé avant de débuter les travaux lors de modifications substantielles d’installations radioélectriques.
- article 222 de la même loi : "A titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées. Cette disposition est applicable aux décisions d'urbanisme prises à compter du trentième jour suivant la publication de la présente loi. Au plus tard le 30 juin 2022, le Gouvernement établit un bilan de cette expérimentation".
- décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 : modifie l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme afin de soumettre au régime de la déclaration préalable les projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile implantés en dehors des secteurs protégés (abords des monuments historiques, sites patrimoniaux remarquables et sites classés ou en instance de classement), ainsi que les locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement, dès lors que ceux-ci présentent une surface de plancher et d’emprise au sol supérieures à 5 m2 et inférieures ou égales à 20 m2. L’application de ce régime n’est soumise à aucun critère de hauteur de l’antenne.