Les lanceurs d’alerte meurent aussi …
Et parfois plus vite et plus tôt que ceux dont ils dénoncent les crimes.
Non pas qu’ils soient plus tendres ou moins coriaces, mais les coups qu’ils reçoivent ne les épargnent pas. Les blessures de guerre sont leur lot quotidien. Même si elles ne se voient pas, elles laissent des traces dans le corps, dans le ventre, sous la peau. A l’intérieur, ça saigne.
Et sur la peau, les blessures se glissent, tracent une ride ici et là, comme autant de signatures des combats qu’ils ont menés et le plus souvent perdus.
Mais au moins eux se sont battus.
Alors, un jour, eux aussi ils meurent, et toujours trop tôt, alors qu’il y a encore tant de batailles à livrer pour un peu de justice, pour un peu de bien, pour un peu de paix qu’ils croyaient bien naïvement conquérir quand ils étaient plus jeunes et plus forts et si sûrs de leurs droits et de la valeur de leur cause.
Leur combat est de l’ordre du sacré, car il y a chez eux ce sens inconscient du sacrifice.
Les nuits sans sommeil, les repas sautés, les plaintes, les pensées obsédantes, les crises, les colères, les hurlements, les indignations, ça marque son homme.
Et alors un jour, ils meurent. Des suites d’une longue maladie, dit-on, de celles qu’on ne guérit pas, quand ils attendaient de gagner juste une bataille, pour connaître juste un temps, juste un instant de répit et de rémission.
Pour connaître cet instant où la fièvre est tombée, où les sueurs ont cessé, où on a retrouvé des couleurs et quand on se dit qu’on est toujours en vie, prêt à repartir au front.
Pour ressentir qu’on n’a pas été totalement inutile.
Pour cela, qu’ils soient sanctifiés.
Lui, Serge, c’était pour ses bêtes, pour les bêtes de tous les éleveurs, pour toutes les bêtes qui nous nourrissent. Excusez du peu.
Sur cette photo, il nous regarde debout devant des lignes à haute tension, comme autant de monstres de métal qui se dressent menaçants derrière lui, et l’image en contre-plongée ne trompe personne.
Malgré sa détermination et son courage sans égal, il ne pouvait cacher son impuissance.
Photo de fin du monde, fin d’une bataille épique contre des entités invincibles, qui tissent une toile en fils d’acier.
Image symbolique d’un transhumanisme triomphant, dernière image d’un être humain, un vrai, un de ceux qui se battent, et avec lui, s’éteint une espèce dont il serait le dernier représentant, le dernier combattant, le dernier survivant.
Les lanceurs d’alerte meurent aussi, certains s’en réjouiront sans doute, à tort.
Si les hommes ont la mémoire courte, la mémoire des bêtes est éternelle.
« Battez-vous, ne lâchez rien », aimait-il à répéter.
Sois en paix, Serge, les bêtes c’est nous. Les chiens, les crocs, les griffes, ça nous connaît, on va mordre, on va rugir. Ne t’en fais pas, la meute arrive.
J.J.T. pour Robin des Toits – 7/12/2021
Et parfois plus vite et plus tôt que ceux dont ils dénoncent les crimes.
Non pas qu’ils soient plus tendres ou moins coriaces, mais les coups qu’ils reçoivent ne les épargnent pas. Les blessures de guerre sont leur lot quotidien. Même si elles ne se voient pas, elles laissent des traces dans le corps, dans le ventre, sous la peau. A l’intérieur, ça saigne.
Et sur la peau, les blessures se glissent, tracent une ride ici et là, comme autant de signatures des combats qu’ils ont menés et le plus souvent perdus.
Mais au moins eux se sont battus.
Alors, un jour, eux aussi ils meurent, et toujours trop tôt, alors qu’il y a encore tant de batailles à livrer pour un peu de justice, pour un peu de bien, pour un peu de paix qu’ils croyaient bien naïvement conquérir quand ils étaient plus jeunes et plus forts et si sûrs de leurs droits et de la valeur de leur cause.
Leur combat est de l’ordre du sacré, car il y a chez eux ce sens inconscient du sacrifice.
Les nuits sans sommeil, les repas sautés, les plaintes, les pensées obsédantes, les crises, les colères, les hurlements, les indignations, ça marque son homme.
Et alors un jour, ils meurent. Des suites d’une longue maladie, dit-on, de celles qu’on ne guérit pas, quand ils attendaient de gagner juste une bataille, pour connaître juste un temps, juste un instant de répit et de rémission.
Pour connaître cet instant où la fièvre est tombée, où les sueurs ont cessé, où on a retrouvé des couleurs et quand on se dit qu’on est toujours en vie, prêt à repartir au front.
Pour ressentir qu’on n’a pas été totalement inutile.
Pour cela, qu’ils soient sanctifiés.
Lui, Serge, c’était pour ses bêtes, pour les bêtes de tous les éleveurs, pour toutes les bêtes qui nous nourrissent. Excusez du peu.
Sur cette photo, il nous regarde debout devant des lignes à haute tension, comme autant de monstres de métal qui se dressent menaçants derrière lui, et l’image en contre-plongée ne trompe personne.
Malgré sa détermination et son courage sans égal, il ne pouvait cacher son impuissance.
Photo de fin du monde, fin d’une bataille épique contre des entités invincibles, qui tissent une toile en fils d’acier.
Image symbolique d’un transhumanisme triomphant, dernière image d’un être humain, un vrai, un de ceux qui se battent, et avec lui, s’éteint une espèce dont il serait le dernier représentant, le dernier combattant, le dernier survivant.
Les lanceurs d’alerte meurent aussi, certains s’en réjouiront sans doute, à tort.
Si les hommes ont la mémoire courte, la mémoire des bêtes est éternelle.
« Battez-vous, ne lâchez rien », aimait-il à répéter.
Sois en paix, Serge, les bêtes c’est nous. Les chiens, les crocs, les griffes, ça nous connaît, on va mordre, on va rugir. Ne t’en fais pas, la meute arrive.
J.J.T. pour Robin des Toits – 7/12/2021