"Toutes les thématiques abordées par le Grenelle de l'environnement s'appuient à un moment ou à un autre sur des expertises, observe André Cicolella. Or, notre pays manque d'un statut de l'expertise qui protège ceux qui posent les questions dérangeantes et qui organise aussi les procédures de contre-expertise et de débat scientifique."
M. Cicolella est bien placé pour défendre cette proposition, présentée publiquement lundi 22 octobre par la Fondation Sciences citoyennes : chercheur à l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), il avait été sanctionné, en 1994, par sa direction pour avoir souligné publiquement les dangers de l'éther de glycol.
Depuis ils ont été reconnus, M. Cicolella a gagné en justice contre la direction de l'INRS et a retrouvé un travail dans un autre organisme de recherche. Son cas illustre les difficultés et parfois la répression que rencontrent les "lanceurs d'alerte", des scientifiques ou des citoyens qui, parce qu'ils évoquent le danger potentiel d'une technique ou d'un produit et cherchent à les faire connaître, se retrouvent exposés à la vindicte de leurs pairs ou de groupes de pression.
"TRUBLIONS"
La Fondation Sciences citoyennes a ainsi présenté d'autres cas, plus récents, de lanceurs d'alerte : Pierre Meneton, chercheur à l'Inserm et spécialiste des maladies cardio-vasculaires, poursuivi en justice pour avoir déclaré que "le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire industriel est très actif. Il désinforme les professionnels de la santé et des médias" ; Etienne Cendrier, porte-parole de l'association Robin des Toits soulignant les dangers mal évalués des ondes générées par la téléphonie mobile, qui a été poursuivi en diffamation par les compagnies (il a été relaxé dans deux cas, la procédure se poursuit dans un troisième) ; Christian Vélot, chercheur à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire, qui estime que sa direction le sanctionne parce qu'il a pris publiquement position sur les risques sanitaires liés à l'introduction des organismes génétiquement modifiés dans l'alimentation.
Les chercheurs rappellent qu'à l'origine de la découverte des risques de l'amiante, du nucléaire, de la vache folle, et de bien d'autres problèmes écologiques et sanitaires, il y a eu des lanceurs d'alerte. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des lois protègent de tels "trublions".
"Il s'agit de placer les technosciences en démocratie, remarque Jacques Testart, président de la Fondation Sciences citoyennes, d'élaborer les procédures pour que les citoyens soient bien informés. Nous demandons un statut pour les lanceurs d'alerte, mais plus généralement, une haute autorité qui garantirait qu'existe une expertise indépendante, pluraliste et contradictoire."
Cette proposition a été placée dans le texte final du Grenelle de l'environnement, mais les chercheurs craignent qu'elle ne disparaisse au cours des ultimes arbitrages.
Hervé Kempf
Source : Le Monde.fr
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-959155,36-970344,0.html
M. Cicolella est bien placé pour défendre cette proposition, présentée publiquement lundi 22 octobre par la Fondation Sciences citoyennes : chercheur à l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), il avait été sanctionné, en 1994, par sa direction pour avoir souligné publiquement les dangers de l'éther de glycol.
Depuis ils ont été reconnus, M. Cicolella a gagné en justice contre la direction de l'INRS et a retrouvé un travail dans un autre organisme de recherche. Son cas illustre les difficultés et parfois la répression que rencontrent les "lanceurs d'alerte", des scientifiques ou des citoyens qui, parce qu'ils évoquent le danger potentiel d'une technique ou d'un produit et cherchent à les faire connaître, se retrouvent exposés à la vindicte de leurs pairs ou de groupes de pression.
"TRUBLIONS"
La Fondation Sciences citoyennes a ainsi présenté d'autres cas, plus récents, de lanceurs d'alerte : Pierre Meneton, chercheur à l'Inserm et spécialiste des maladies cardio-vasculaires, poursuivi en justice pour avoir déclaré que "le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire industriel est très actif. Il désinforme les professionnels de la santé et des médias" ; Etienne Cendrier, porte-parole de l'association Robin des Toits soulignant les dangers mal évalués des ondes générées par la téléphonie mobile, qui a été poursuivi en diffamation par les compagnies (il a été relaxé dans deux cas, la procédure se poursuit dans un troisième) ; Christian Vélot, chercheur à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire, qui estime que sa direction le sanctionne parce qu'il a pris publiquement position sur les risques sanitaires liés à l'introduction des organismes génétiquement modifiés dans l'alimentation.
Les chercheurs rappellent qu'à l'origine de la découverte des risques de l'amiante, du nucléaire, de la vache folle, et de bien d'autres problèmes écologiques et sanitaires, il y a eu des lanceurs d'alerte. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des lois protègent de tels "trublions".
"Il s'agit de placer les technosciences en démocratie, remarque Jacques Testart, président de la Fondation Sciences citoyennes, d'élaborer les procédures pour que les citoyens soient bien informés. Nous demandons un statut pour les lanceurs d'alerte, mais plus généralement, une haute autorité qui garantirait qu'existe une expertise indépendante, pluraliste et contradictoire."
Cette proposition a été placée dans le texte final du Grenelle de l'environnement, mais les chercheurs craignent qu'elle ne disparaisse au cours des ultimes arbitrages.
Hervé Kempf
Source : Le Monde.fr
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-959155,36-970344,0.html