Au départ, Jean-Luc Guilmot faisait partie des indifférents ou, au mieux, des sceptiques face aux risques de la téléphonie mobile pour notre santé. Un jour, pourtant, un proche vivant à proximité d'une antenne-relais lui décrit les troubles dont il souffre. Intrigué, il décide de mettre à profit sa formation de bio-ingénieur pour approfondir le sujet et compulse une kyrielle d'études scientifiques. En 2006, il ouvre un site Internet (http://001.be.cx/, au fil des mois, deviendra l'un des plus exhaustifs de notre pays. Sa conviction est faite : en matière de pollution électromagnétique, nous courons tous vers la catastrophe sanitaire. Quant aux autorités publiques, elles restent au balcon, tétanisées.
Le Vif/L'Express : Les études sur les effets des antennes GSM sur la santé aboutissent souvent à des résultats considérés comme non probants et parfois contradictoires. Difficile de trancher, non ?
Jean-Luc Guilmot : Pas du tout d'accord. Si on se donne la peine de passer au crible celles qui ont été publiées dans les revues scientifiques les plus réputées, on s'aperçoit que la grande majorité d'entre elles - environ 80 % - concluent à l'existence de troubles. Ceux-ci sont très variés : maux de tête, fatigue chronique, insomnies, altération de la mémorisation... Voire à des pathologies plus sévères : immunitaires, hormonales, cancéreuses, etc.Toute affirmation du type « Il n'existe aucune certitude d'effets sanitaires des antennes-relais » est mensongère. Par ailleurs, j'ai analysé 59 études publiées ces dix dernières années en prenant garde à leur source de financement. La corrélation saute aux yeux : si le bailleur de fonds est exclusivement industriel, il n'y a jamais d'effets négatifs sur la santé. N'est-ce pas troublant ?
Mais l'Organisation mondiale de la santé ne cesse de prétendre qu'il n'existe aucune preuve d'effets nocifs !
L'OMS est le dernier parapluie auquel se cramponnent les sceptiques et de nombreux hommes politiques. Mais sait-on bien que Mike Repacholi, qui a dirigé pendant quinze ans, à l'OMS, le projet international pour l'étude des champs électromagnétiques (CEM), a réalisé, précédemment, de nombreuses missions pour le compte de l'industrie de la téléphonie mobile. Et qu'il s'y est remis depuis qu'il a quitté son poste à l'OMS, à la fin de 2006 ? Le projet CEM a été partiellement financé par ce secteur, qui a eu tout loisir d'influer sur les enquêtes et les recommandations de l'OMS.
Il est surprenant de constater que la dernière publication sur les antennes GSM et la santé, signée en 2007 par lui-même et son successeur, exclut tout bonnement de sa bibliographie les études compromettantes que je mentionne sur mon site. Et retient huit études à cataloguer « rien à signaler » sur un total de dix. Ce procédé porte un nom : l'esquive.
La norme de 20 volts par mètre (V/m) en vigueur en Belgique, pourtant inférieure de moitié à celle préconisée par l'OMS, serait-elle encore trop laxiste ?
Absolument. Parce qu'elle ne tient compte que des effets thermiques des rayonnements. En réalité, même la norme de 3 V/m proposée par le Conseil supérieur de l'hygiène, mais rejetée par l'ancien ministre fédéral de la Santé, Rudy Demotte (PS), est insuffisante. L'adopter aurait tout de même été un grand pas en avant. Certes, la grande majorité des zones habitées sont soumises à des rayonnements inférieurs à cette valeur. Mais ce qui est potentiellement dangereux, à moyen ou à long terme, c'est le « brouillard » ambiant, alimenté par une accumulation toujours plus grande de sources, souvent branchées en permanence.
Je ne prétends même pas que ce danger nous menace tous : même si c'est hautement probable, je ne peux pas le prouver avec certitude. Mais, en tout cas, cela vaudrait la peine d'endiguer la ruée vers la technologie sans fil. L'appât du gain et l'ignorance lui ont permis de s'installer massivement sur le marché. Il y a très probablement des gens plus fragiles que d'autres et qui mériteraient d'être protégés prioritairement : enfants, femmes enceintes, personnes électro-sensibles, etc.
Dans dix ans, on s'étonnera sans doute des tarifs téléphoniques promotionnels offerts aux jeunes, des incitants des opérateurs à supprimer les lignes fixes à domicile et de la banalisation du wi-fi. Exactement comme on est scandalisé, aujourd'hui, devant ces publicités des années 1950 où des adultes offraient des cigarettes à de jeunes adolescents. Rappelez-vous le procès impliquant les grands cigarettiers américains, en 1996 : malgré leurs dénégations, ils étaient parfaitement au courant, depuis belle lurette, de l'effet d'accoutumance à la nicotine...
Est-ce à dire que le gouvernement se croiserait les bras parce qu'il miserait sur les énormes recettes de ventes des licences UMTS et autres, pour boucler le budget de l'Etat ?
Je n'aime pas cette explication trop poujadiste, donc dangereuse. Elle est peut-être justifiée dans une certaine mesure, mais je crois surtout qu'il s'agit d'une simple question de psychologie humaine. Il est très difficile, pour un expert ou un politique, de ramer à contre-courant et de s'élever (presque) seul contre tous en affirmant : « Je crois qu'il existe un risque et je propose de mettre des freins à l'usage des GSM et des wi-fi ». Ces petits bijoux de technologie sont si présents dans notre quotidien et si pratiques. Ils rendent tellement de services.
Moi-même, j'ai un GSM, mais j'en limite l'usage au strict minimum (lire l'encadré. Est-il sensé de multiplier des antennes toujours plus puissantes, pour nous permettre de visionner des images et de téléphoner au troisième sous-sol d'un parking ? Probablement que, dans le monde de la téléphonie mobile, beaucoup de gens nourrissent des soupçons sur les effets sanitaires des antennes. Mais ils ne peuvent pas l'avouer. Tout leur univers s'écroulerait. Si, demain, le monde politique venait à admettre les risques encourus par la population, les opérateurs perdraient rapidement les deux tiers de leur valeur boursière. Vous imaginez le scandale ?
Entretien : Philippe Lamotte
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Source : http://www.levif.be/actualite/technologie/72-63-18519/antennes-gsm---nous-courons-vers-la-catastrophe-sanitaire.html
Le Vif/L'Express : Les études sur les effets des antennes GSM sur la santé aboutissent souvent à des résultats considérés comme non probants et parfois contradictoires. Difficile de trancher, non ?
Jean-Luc Guilmot : Pas du tout d'accord. Si on se donne la peine de passer au crible celles qui ont été publiées dans les revues scientifiques les plus réputées, on s'aperçoit que la grande majorité d'entre elles - environ 80 % - concluent à l'existence de troubles. Ceux-ci sont très variés : maux de tête, fatigue chronique, insomnies, altération de la mémorisation... Voire à des pathologies plus sévères : immunitaires, hormonales, cancéreuses, etc.Toute affirmation du type « Il n'existe aucune certitude d'effets sanitaires des antennes-relais » est mensongère. Par ailleurs, j'ai analysé 59 études publiées ces dix dernières années en prenant garde à leur source de financement. La corrélation saute aux yeux : si le bailleur de fonds est exclusivement industriel, il n'y a jamais d'effets négatifs sur la santé. N'est-ce pas troublant ?
Mais l'Organisation mondiale de la santé ne cesse de prétendre qu'il n'existe aucune preuve d'effets nocifs !
L'OMS est le dernier parapluie auquel se cramponnent les sceptiques et de nombreux hommes politiques. Mais sait-on bien que Mike Repacholi, qui a dirigé pendant quinze ans, à l'OMS, le projet international pour l'étude des champs électromagnétiques (CEM), a réalisé, précédemment, de nombreuses missions pour le compte de l'industrie de la téléphonie mobile. Et qu'il s'y est remis depuis qu'il a quitté son poste à l'OMS, à la fin de 2006 ? Le projet CEM a été partiellement financé par ce secteur, qui a eu tout loisir d'influer sur les enquêtes et les recommandations de l'OMS.
Il est surprenant de constater que la dernière publication sur les antennes GSM et la santé, signée en 2007 par lui-même et son successeur, exclut tout bonnement de sa bibliographie les études compromettantes que je mentionne sur mon site. Et retient huit études à cataloguer « rien à signaler » sur un total de dix. Ce procédé porte un nom : l'esquive.
La norme de 20 volts par mètre (V/m) en vigueur en Belgique, pourtant inférieure de moitié à celle préconisée par l'OMS, serait-elle encore trop laxiste ?
Absolument. Parce qu'elle ne tient compte que des effets thermiques des rayonnements. En réalité, même la norme de 3 V/m proposée par le Conseil supérieur de l'hygiène, mais rejetée par l'ancien ministre fédéral de la Santé, Rudy Demotte (PS), est insuffisante. L'adopter aurait tout de même été un grand pas en avant. Certes, la grande majorité des zones habitées sont soumises à des rayonnements inférieurs à cette valeur. Mais ce qui est potentiellement dangereux, à moyen ou à long terme, c'est le « brouillard » ambiant, alimenté par une accumulation toujours plus grande de sources, souvent branchées en permanence.
Je ne prétends même pas que ce danger nous menace tous : même si c'est hautement probable, je ne peux pas le prouver avec certitude. Mais, en tout cas, cela vaudrait la peine d'endiguer la ruée vers la technologie sans fil. L'appât du gain et l'ignorance lui ont permis de s'installer massivement sur le marché. Il y a très probablement des gens plus fragiles que d'autres et qui mériteraient d'être protégés prioritairement : enfants, femmes enceintes, personnes électro-sensibles, etc.
Dans dix ans, on s'étonnera sans doute des tarifs téléphoniques promotionnels offerts aux jeunes, des incitants des opérateurs à supprimer les lignes fixes à domicile et de la banalisation du wi-fi. Exactement comme on est scandalisé, aujourd'hui, devant ces publicités des années 1950 où des adultes offraient des cigarettes à de jeunes adolescents. Rappelez-vous le procès impliquant les grands cigarettiers américains, en 1996 : malgré leurs dénégations, ils étaient parfaitement au courant, depuis belle lurette, de l'effet d'accoutumance à la nicotine...
Est-ce à dire que le gouvernement se croiserait les bras parce qu'il miserait sur les énormes recettes de ventes des licences UMTS et autres, pour boucler le budget de l'Etat ?
Je n'aime pas cette explication trop poujadiste, donc dangereuse. Elle est peut-être justifiée dans une certaine mesure, mais je crois surtout qu'il s'agit d'une simple question de psychologie humaine. Il est très difficile, pour un expert ou un politique, de ramer à contre-courant et de s'élever (presque) seul contre tous en affirmant : « Je crois qu'il existe un risque et je propose de mettre des freins à l'usage des GSM et des wi-fi ». Ces petits bijoux de technologie sont si présents dans notre quotidien et si pratiques. Ils rendent tellement de services.
Moi-même, j'ai un GSM, mais j'en limite l'usage au strict minimum (lire l'encadré. Est-il sensé de multiplier des antennes toujours plus puissantes, pour nous permettre de visionner des images et de téléphoner au troisième sous-sol d'un parking ? Probablement que, dans le monde de la téléphonie mobile, beaucoup de gens nourrissent des soupçons sur les effets sanitaires des antennes. Mais ils ne peuvent pas l'avouer. Tout leur univers s'écroulerait. Si, demain, le monde politique venait à admettre les risques encourus par la population, les opérateurs perdraient rapidement les deux tiers de leur valeur boursière. Vous imaginez le scandale ?
Entretien : Philippe Lamotte
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Source : http://www.levif.be/actualite/technologie/72-63-18519/antennes-gsm---nous-courons-vers-la-catastrophe-sanitaire.html
Le bio-ingénieur Jean-Luc Guilmot. - F. Pauwels