L’heure du dîner tire à sa fin. Des élèves bavardent dans la cour alors que d’autres jouent à courir l’un après l’autre, dans une confusion joyeuse. Des rires éclatent. «C’est redevenu une vraie cour de récré!» lance Noémie Caland, responsable de la surveillance des élèves au collège Duplessis-Deville.
Pourtant, il y a deux ans, le portrait était complètement différent dans ce petit collège de 150 élèves. Les jeunes étaient alignés sur des bancs en silence, les yeux rivés à leur écran. Plusieurs jouaient à des jeux vidéo, alors que d’autres s’échangeaient des textos même s’ils partageaient le même banc, raconte Mme Caland.
Même si la cour d’école est aujourd’hui plus animée, les conflits entre élèves, eux, ont diminué, ajoute-t-elle. «Ils s’entendent mieux, ils sont moins énervés. J’ai vraiment constaté que les écrans les énervaient au moment où on les a interdits. On a vu un changement assez radical. C’était surtout ceux qui étaient sur les jeux, ils étaient plus agressifs. Maintenant, ils sont plus cools.»
Même des élèves y voient des avantages. «Je me sens libéré de ne plus être fixé devant un écran», lance Nathan, un grand gaillard de 16 ans.
Un enjeu de sécurité
Pour Rudy Cara, qui est à la tête de ce petit établissement, l’interdiction du cellulaire était avant tout une question de sécurité. Au cours des dernières années, il avait dû intervenir fréquemment pour gérer des cas d’images compromettantes mises en ligne par des élèves. «On se retrouvait à gérer des situations de racket, de violence et de harcèlement. On avait atteint un degré de violence sans précédent», affirme-t-il.
Fin 2017, après des mois de consultations et de discussions, le conseil d’administration donne le feu vert : l’usage du cellulaire est désormais interdit au collège, sauf à des fins pédagogiques.
Le téléphone doit être éteint et rangé dans le fond du sac à dos. Les cellulaires peuvent être confisqués pendant 24 heures lorsqu’un jeune se fait pincer.
Sans surprise, des représentants d’élèves s’opposent au nouveau règlement. Des parents aussi.
«Faire prendre conscience aux parents de l’intérêt de cesser l’usage du téléphone, c’est ce qui a été le plus compliqué», affirme le directeur.
Des textos dans les toilettes
M. Cara considère maintenant que l’interdiction du cellulaire à l’école est «une affaire réglée». «Je n’ai plus jamais eu de problèmes», lance-t-il.
Le directeur ne se ferme toutefois pas les yeux. Il sait très bien que des élèves plongent parfois la main un peu trop longtemps dans le sac, en classe, lorsque le prof a le dos tourné. Et que d’autres se cachent dans les toilettes pour envoyer des textos.
«Il y a 20 ans, ils faisaient ça pour aller boire une bière ou fumer une cigarette. Maintenant, ils se cachent dans les toilettes pour envoyer un message. Ça fait sourire. On a quand même gagné certains combats», lance-t-il en riant.
Témoignages
«C’est une bonne initiative, ça agrandit le cercle d’amis. On ne se soucie plus de qui avait un téléphone et qui n’en a pas.»
– Nina, 14 ans (avec la veste marron)
«La démission parentale est telle à notre époque que ce sont des familles qui comptent sur l’école pour mettre en place le cadre qu’elles n’arrivent pas à mettre en place.»
– Rudy Cara, principal du collège Duplessis-Deville à Faucogney-et-la-Mer
Pas de casiers, mais des cellulaires confisqués