Les ondes des téléphones mobiles et les antennes-relais sont-elles néfastes pour la santé ? La question est toujours sans réponse. Les études scientifiques s’accumulent et se contredisent. Mais faut-il s’en étonner ? Il a fallu 70 ans pour retirer le plomb des peintures et 50 ans pour établir de façon convaincante le lien entre la cigarette et le cancer du poumon…
Bref, les controverses sur le danger des champs électromagnétiques ne sont pas prêtes de s’éteindre. Le téléphone portable n’est utilisé à grande échelle que depuis le milieu des années 90. Le jour où l’on nous prouvera d’une manière indiscutable que la pollution électromagnétique (qui a été multipliée par 400 en un demi siècle) porte sérieusement atteinte à notre santé, il sera sans doute trop tard.
>En revanche, les compagnies d’assurance sont nettement plus rapides pour se mettre à l’abri. Dans un document daté de 1997, intitulée « Les champs électromagnétiques, un risque fantôme », que Bakchich a pu se procurer, le réassureur Swiss Re, qui assure les compagnies d’assurance, met en garde ses clients :
« Les plaintes en responsabilité civile - en cours ou à venir - du fait des champs électromagnétiques pourraient se terminer favorablement pour les requérants et avoir des conséquences fatales pour les assureurs, il faut s’attendre à des coûts de défense faramineux ». Swiss Re ajoute : « Cela signifie, pour l’assureur, qu’il doit revoir les contrats existants (…) Il serait bon que, de leur côté, les industriels comprennent que les assureurs ne peuvent pas assumer n’importe quel risque ».
A l’exclusion de l’amiante et des ondes électromagnétiques
Cette mise en garde n’est pas restée lettre morte si l’on en juge cet autre document reproduit par Bakchich.
Il s’agit d’un avenant modifiant les conditions d’un contrat d’assurance de la responsabilité civile. Il date du 1er septembre 2006. Il a été rédigé par la compagnie Axa. Ce contrat, à effet au 1er janvier 2007, exclut les dommages causés par l’amiante, par le plomb, et ceux qui sont « causés par les champs et ondes électromagnétiques ». En clair, depuis deux ans, Axa n’assure plus ses clients contre les dégâts que pourraient éventuellement provoquer les ondes émises par votre téléphone portable, votre télévision ou votre ordinateur.
Certes, la compagnie d’assurance se garde bien de parler de danger. Mais elle se couvre au cas où il pourrait y en avoir un, au nom du principe de précaution. Axa, l’un des plus grands assureurs européens, n’est pas un cas unique. Le Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem), installé au Mans, assure que d’autres compagnies d’assurance excluent « tous dommages ou conséquences de dommages résultant de la production par tous appareils ou équipements, de champs électriques ou magnétiques, ou de radiations électromagnétiques ».
Irradiations et cancer du sein
Cela veut dire quoi concrètement ? Prenons un exemple précis : En 2007, le ministère espagnol de la Santé a publié une étude scientifique de 212 pages intitulé « Relation entre l’exposition aux irradiations électromagnétiques au travail et le cancer du sein ». L’étude montre que les informaticiennes, les standardistes, les femmes qui travaillent derrière un écran « ont un risque plus important de développer un cancer du sein dans la période pré-ménopause mais aussi post-ménopause ». Un risque supplémentaire d’environ 20 %.
Imaginons que toutes les femmes qui tombent malades portent plainte contre leurs employeurs et leur réclament des millions d’euros de dommages et intérêts. Si les patrons, qui ne sont plus couverts par leurs compagnies d’assurance, perdent leurs procès, ils seront contraints de mettre la clé sous la porte.
Les compagnies d’assurance ne sont sans doute pas mieux informées que les instituts de recherche. Mais elles savent davantage tirer les leçons du passé pour interpréter les signes de risques potentiels. Et ne pas perdre des milliards. Comme le jour où des utilisateurs de téléphones mobiles, atteints de tumeurs du cerveau, du nerf auditif ou des glandes salivaires gagneront contre Orange, SFR ou Bouygues-Telecom…
Dès novembre 2008, Bakchich tentait d’en savoir plus sur les dangers du téléphone portable. Et prenait alors conscience lors de son enquête de l’omerta qui règne sur le sujet.