« La décision rendue par la Cour d’appel de Lyon est particulièrement isolée et ne reflète en rien la jurisprudence relative à l’installation des compteurs Linky », estime Enedis. [...] La filiale d’EDF, (ex ERDF) contrainte par la Justice de retirer le compteur Linky de cet habitant de Saint-André-le-Puy, met dans la balance le fait que « le cadre législatif et réglementaire de leur déploiement a été confirmé par l’immense majorité des décisions de justice, telles que celles des Cours d’appel de Paris, Versailles, Toulouse, Rennes, Aix-en-Provence, Orléans. »
Pour Denis Nicolier, c’est évident : « Ils minimisent, c’est leur technique habituelle ».
[...] Le Pr Fontana, lui, ne nie pas la réalité des symptômes. Ceux des quelques cas par an venant spécifiquement le consulter au sujet plus global que le cas Linky de l’électrosensibilité dont Joseph Cascina a été. C’est là, la subtilité : le certificat qu’il a accordé à ce dernier, sur lequel s’appuie – entre autres – la décision de Justice stéphanoise puis de la Cour d’appel, indique donc la réalité du syndrome « d’une affection définie en elle-même » et « dont les causes ne sont pas scientifiquement établies »… Enedis a d’ailleurs contesté la valeur probante des certificats médicaux qui se contenteraient selon elle de rapporter les doléances et déclarations du patient.
Or, dit la Cour d’appel, « le syndrome évoqué par les praticiens est par définition attribué aux champs électromagnétiques de sorte que la concomitance entre l’apparition du syndrome et l’installation d’un compteur communicant, lequel génère de tels champs, constitue un élément fort en faveur d’un lien de causalité valablement retenu par les médecins en l’absence d’autres pistes pour expliquer ledit symptôme ». Extrait de l’ordonnance du tribunal judiciaire de Saint-Etienne reprenant le diagnostic du Pr Fontana : « Joseph Cascina présente des symptômes pouvant entrer dans un syndrome d’hypersensibilité électromagnétique ou intolérance environnementale idiopathique attribuées aux champs électromagnétiques ». De quoi confirmer, les conclusions précédentes et parallèles de ses confrères disant que le plaignant est « vraisemblablement touché par le syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques ou électrohypersensibilité ». Largement suffisant pour faire valoir une preuve de souffrance, de la réalité des symptômes ressentis (céphalées, acouphènes) aux yeux de la Justice donc faire théoriquement valoir un arrêt maladie, même si cet enjeu-là n’était pas le plus prégnant dans le cas de Joseph Cascina, par ailleurs en invalidité.
Comment définir l’électrosensibilité en l’absence d’études scientifiques poussées sur le sujet ?
L’Anses a toutefois officiellement reconnu début 2018 « la réalité des troubles présentés par les personnes intolérantes aux ondes électromagnétiques » (5 % de la population française). Certes, à ce stade pour des raisons scientifiquement « inexpliquées » mais tout en recommandant « leur prise en charge ». C’est bien pour essayer d’en savoir davantage que l’agence ministérielle a lancé cette année un appel aux volontaires pour une vaste étude à l’échelle du pays. Une dizaine de CHU sont impliqués (300 personnes y participent) dont celui de Saint-Etienne via son service Santé au travail et pathologies professionnelles, dirigé par le Pr Fontana. « Une trentaine de personnes sont actuellement étudiées. On a très souvent dit aux personnes se plaignant d’être électrosensibles que cela se passait dans leur tête. Ce qui ajoute à leurs souffrances physiques, celles psychologiques. D’autant qu’ils sont alors déjà dans un isolement social, professionnel, en raison de leurs stratégies d’évitement », détaille le Pr Fontana.
Pour ce dernier, la réalité des symptômes – céphalées, fatigues, malaises, acouphènes – est bel et bien là. « Je suis confronté à 5-6 cas par an, poursuit Luc Fontana. Mais je n’ai aucune idée pour autant de l’ampleur du phénomène au sein de la population ligérienne. Et avant de faire un lien dont on ne connaît absolument pas scientifiquement – pas plus d’ailleurs que le profil type des patients (âge, sexe, profession etc.) – le mécanisme avec une électrosensibilité, à des ordinateurs, une antenne relais, un compteur, nous effectuons préalablement tous les examens possibles pour écarter d’autres causes potentielles de ces symptômes ». Rare certitude, précise le médecin : ceux-ci n’évoluent pas péjorativement avec le temps. L’efficacité des protections vestimentaires parfois utilisées ? « Pas de preuve scientifique non plus. Je n’ai pas d’opinion radicale. Si cela soulage une personne qui présente de réels symptômes, alors tant mieux. » L’objectif de l’étude de l’Anses est donc de mieux comprendre le phénomène, en commençant par connaître la population s’en plaignant.
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