Si l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) relativise les conséquences néfastes des ondes sur l’organisme, elle pointe différents effets biologiques chez l’homme ou chez l’animal, concernant le sommeil, la fertilité mâle ou les performances cognitives. (archives guillaume bonnaud)
L’Agence nationale de sécurité sanitaire ne juge pas nécessaire de baisser les seuils limites, mais recommande de réduire l’exposition
Il n’y a pas de danger avéré mais il vaut mieux prendre quelques précautions : c’est en résumé la conclusion à laquelle sont arrivés les experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui ont planché pendant deux ans sur plus de 300 études scientifiques parues dans le monde.
Cette agence s’intéresse depuis plusieurs années aux conséquences des ondes électromagnétiques (téléphones portables, antennes, Wi-Fi, etc.) sur la santé. Elle a déjà publié différents avis et rapports sur le sujet en 2003, 2005 et 2009, sans vraiment rassurer tous ceux qui s’inquiètent du développement des usages des radiofréquences et de leurs conséquences. L’arrivée de la 4G ne fait que renforcer leurs craintes. L’apparition de cette nouvelle technologie, qui vient s’ajouter à la 2G et à la 3G, va en effet forcément conduire à une augmentation des expositions des populations sans que l’on dispose d’études précises sur le sujet.
Le dernier rapport de l’Anses, rendu public mardi, ne leur apportera pas vraiment d’éléments nouveaux dans la mesure où il confirme que les données scientifiques disponibles ne permettent pas d’établir l’existence d’un impact avéré sur la santé. Mais l’agence pointe toutefois - « avec des niveaux de preuve limités » - différents effets biologiques chez l’homme ou chez l’animal. Certains avaient déjà été pris en compte dans le précédent rapport. Ils peuvent concerner le sommeil, la fertilité mâle ou les performances cognitives.
Un effet biologique, précisent les responsables de l’Anses, est une modification de l’organisme sans que celle-ci soit synonyme de pathologie. L’Anses prend également acte du fait que certaines publications évoquent une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphones portables.
Néanmoins, les experts soulignent qu’ils n’ont pu établir « un lien de causalité entre les effets biologiques décrits et d’éventuels effets sanitaires qui en résulteraient ».
Compte tenu de tous ces éléments, l’agence assure qu’il n’apparaît pas fondé, sur une base sanitaire, de proposer de nouvelles valeurs limites d’exposition pour la population, mais dans le même temps elle recommande de limiter les expositions aux radiofréquences, notamment pour les populations les plus vulnérables (lire ci-contre).
« Qu’est-ce que tout cela signifie ? Si on reconnaît des effets biologiques, il doit y avoir des effets sanitaires », insiste Danièle Chevrel, qui se dit à la fois « triste et en colère ». Cet ancien professeur de biologie vivant en Charente affirme être électrosensible. Elle dort dans un lit équipé d’un baldaquin blindé et possède également une caravane blindée à l’intérieur de laquelle le téléphone ne passe pas. « Qu’est-ce qu’on attend pour reconnaître enfin les effets des ondes sur la santé ? Est-ce qu’il va falloir atteindre une masse critique de gens malades ? »
Porte-parole de l’association Robin des toits, Étienne Cendrier regrette aussi que les experts n’aillent pas plus loin. « L’agence ne fait pas son boulot, accuse-t-il. Quand on a un débat scientifique, on devrait appliquer le principe de précaution. »
"En France on vous traite par le mépris"
C’est un homme à la voix fatiguée qui a livré mardi son témoignage à « Sud Ouest ». Un homme épuisé par un environnement qui lui est hostile. Jean-Yves Cendrey est arrivé à Paris en avion. À l’atterrissage, la porte a mis du temps à s’ouvrir. Tous les passagers, impatients, ont déclenché leurs téléphones portables. L’écrivain s’est senti mal, puis il s’est effondré. Il a suffi qu’il pose le pied dans un univers urbain, envahi par les ondes de toutes sortes, pour perdre connaissance quelques minutes.
Car ces ondes, Jean-Yves Cendrey ne les supporte plus. Le mal s’est déclenché au début de l’année 2012. Installé à Berlin, après avoir quitté sa retraite girondine au sud de Bordeaux, la douleur l’a contraint à cesser l’écriture d’un nouveau roman, avant de reprendre péniblement sa tâche, pour publier finalement « Schproum, roman avorté et récit de mon mal » (Actes Sud). « J’ai vu se dégrader ma vie, ma capacité de travail. » Les symptômes ? Des migraines violentes et lancinantes, des acouphènes qui perturbent le sommeil, des vertiges, des douleurs articulaires, de l’aphasie (trouble du langage).
« Je me perdais dans Berlin »
« On sent ce court-circuit dans le cerveau. Alors que je connais très bien Berlin, j’arrivais à m’y perdre. » Jean-Yves Cendrey n’imaginait pourtant pas une seconde qu’il pouvait être hypersensible aux ondes. « Je voyais tout simplement que j’allais mal, mais je ne savais pas pourquoi. »
Un séjour dans sa maison de campagne girondine - qui va le requinquer - sera un premier indice. Le deuxième, c’est cette grande antenne radio toute proche de son ancien domicile à Berlin. « J’ai commencé à comprendre ce qui se passait, et j’ai constaté que lorsque je m’éloignais de toutes les ondes pendant un certain temps, les symptômes pouvaient disparaître complètement. »
Jean-Yves Cendrey vit en Allemagne, pays où les médecins prennent au sérieux l’électrosensibilité. Le diagnostic est établi. « En France, on vous traite par le mépris », déplore-t-il. Mais pourquoi un déclenchement de cette pathologie au début de l’année 2012 ? « Mon corps a accumulé ces ondes. Je crois qu’il était saturé, et cela s’est déclenché. Il y en a de plus en plus. Il devient difficile d’y échapper. On veut même supprimer les zones blanches, alors que beaucoup de gens souffrent. »
Il a vécu reclus dans un bureau, protégé des ondes, avant de déménager. « Je suis devenu un de ces errants qui vont où ils peuvent. » Jean-Yves Cendrey est entré maintenant en insurrection. Il témoigne pour faire cesser en France « ce silence ». « Le nombre de cancers du cerveau ne cesse d’augmenter. Les cas d’électrosensibilité aussi. Ce rapport qui ne dit rien, ou presque, est tout simplement honteux. Les gens devraient s’indigner. »
Hier, il a reçu un mail d’un homme qui ne veut plus vivre « cet enfer ». « Que puis-je faire ? » s’interroge-t-il. Alors il parle et il écrit.
Il n’y a pas de danger avéré mais il vaut mieux prendre quelques précautions : c’est en résumé la conclusion à laquelle sont arrivés les experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui ont planché pendant deux ans sur plus de 300 études scientifiques parues dans le monde.
Cette agence s’intéresse depuis plusieurs années aux conséquences des ondes électromagnétiques (téléphones portables, antennes, Wi-Fi, etc.) sur la santé. Elle a déjà publié différents avis et rapports sur le sujet en 2003, 2005 et 2009, sans vraiment rassurer tous ceux qui s’inquiètent du développement des usages des radiofréquences et de leurs conséquences. L’arrivée de la 4G ne fait que renforcer leurs craintes. L’apparition de cette nouvelle technologie, qui vient s’ajouter à la 2G et à la 3G, va en effet forcément conduire à une augmentation des expositions des populations sans que l’on dispose d’études précises sur le sujet.
Le dernier rapport de l’Anses, rendu public mardi, ne leur apportera pas vraiment d’éléments nouveaux dans la mesure où il confirme que les données scientifiques disponibles ne permettent pas d’établir l’existence d’un impact avéré sur la santé. Mais l’agence pointe toutefois - « avec des niveaux de preuve limités » - différents effets biologiques chez l’homme ou chez l’animal. Certains avaient déjà été pris en compte dans le précédent rapport. Ils peuvent concerner le sommeil, la fertilité mâle ou les performances cognitives.
Un effet biologique, précisent les responsables de l’Anses, est une modification de l’organisme sans que celle-ci soit synonyme de pathologie. L’Anses prend également acte du fait que certaines publications évoquent une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphones portables.
Néanmoins, les experts soulignent qu’ils n’ont pu établir « un lien de causalité entre les effets biologiques décrits et d’éventuels effets sanitaires qui en résulteraient ».
Compte tenu de tous ces éléments, l’agence assure qu’il n’apparaît pas fondé, sur une base sanitaire, de proposer de nouvelles valeurs limites d’exposition pour la population, mais dans le même temps elle recommande de limiter les expositions aux radiofréquences, notamment pour les populations les plus vulnérables (lire ci-contre).
« Qu’est-ce que tout cela signifie ? Si on reconnaît des effets biologiques, il doit y avoir des effets sanitaires », insiste Danièle Chevrel, qui se dit à la fois « triste et en colère ». Cet ancien professeur de biologie vivant en Charente affirme être électrosensible. Elle dort dans un lit équipé d’un baldaquin blindé et possède également une caravane blindée à l’intérieur de laquelle le téléphone ne passe pas. « Qu’est-ce qu’on attend pour reconnaître enfin les effets des ondes sur la santé ? Est-ce qu’il va falloir atteindre une masse critique de gens malades ? »
Porte-parole de l’association Robin des toits, Étienne Cendrier regrette aussi que les experts n’aillent pas plus loin. « L’agence ne fait pas son boulot, accuse-t-il. Quand on a un débat scientifique, on devrait appliquer le principe de précaution. »
"En France on vous traite par le mépris"
C’est un homme à la voix fatiguée qui a livré mardi son témoignage à « Sud Ouest ». Un homme épuisé par un environnement qui lui est hostile. Jean-Yves Cendrey est arrivé à Paris en avion. À l’atterrissage, la porte a mis du temps à s’ouvrir. Tous les passagers, impatients, ont déclenché leurs téléphones portables. L’écrivain s’est senti mal, puis il s’est effondré. Il a suffi qu’il pose le pied dans un univers urbain, envahi par les ondes de toutes sortes, pour perdre connaissance quelques minutes.
Car ces ondes, Jean-Yves Cendrey ne les supporte plus. Le mal s’est déclenché au début de l’année 2012. Installé à Berlin, après avoir quitté sa retraite girondine au sud de Bordeaux, la douleur l’a contraint à cesser l’écriture d’un nouveau roman, avant de reprendre péniblement sa tâche, pour publier finalement « Schproum, roman avorté et récit de mon mal » (Actes Sud). « J’ai vu se dégrader ma vie, ma capacité de travail. » Les symptômes ? Des migraines violentes et lancinantes, des acouphènes qui perturbent le sommeil, des vertiges, des douleurs articulaires, de l’aphasie (trouble du langage).
« Je me perdais dans Berlin »
« On sent ce court-circuit dans le cerveau. Alors que je connais très bien Berlin, j’arrivais à m’y perdre. » Jean-Yves Cendrey n’imaginait pourtant pas une seconde qu’il pouvait être hypersensible aux ondes. « Je voyais tout simplement que j’allais mal, mais je ne savais pas pourquoi. »
Un séjour dans sa maison de campagne girondine - qui va le requinquer - sera un premier indice. Le deuxième, c’est cette grande antenne radio toute proche de son ancien domicile à Berlin. « J’ai commencé à comprendre ce qui se passait, et j’ai constaté que lorsque je m’éloignais de toutes les ondes pendant un certain temps, les symptômes pouvaient disparaître complètement. »
Jean-Yves Cendrey vit en Allemagne, pays où les médecins prennent au sérieux l’électrosensibilité. Le diagnostic est établi. « En France, on vous traite par le mépris », déplore-t-il. Mais pourquoi un déclenchement de cette pathologie au début de l’année 2012 ? « Mon corps a accumulé ces ondes. Je crois qu’il était saturé, et cela s’est déclenché. Il y en a de plus en plus. Il devient difficile d’y échapper. On veut même supprimer les zones blanches, alors que beaucoup de gens souffrent. »
Il a vécu reclus dans un bureau, protégé des ondes, avant de déménager. « Je suis devenu un de ces errants qui vont où ils peuvent. » Jean-Yves Cendrey est entré maintenant en insurrection. Il témoigne pour faire cesser en France « ce silence ». « Le nombre de cancers du cerveau ne cesse d’augmenter. Les cas d’électrosensibilité aussi. Ce rapport qui ne dit rien, ou presque, est tout simplement honteux. Les gens devraient s’indigner. »
Hier, il a reçu un mail d’un homme qui ne veut plus vivre « cet enfer ». « Que puis-je faire ? » s’interroge-t-il. Alors il parle et il écrit.