VIDEO : "Ondes: la proposition de loi d'EELV sacrifiée sur l'autel des intérêts économiques" - L'Expansion - 30/01/2013



L'assemblée nationale se penchera jeudi sur la proposition de loi des écologistes relatives aux ondes électromagnétiques. Mais le texte a déjà été vidé de sa substance.



"Il y a de fortes chances que la proposition de loi soit adoptée". Y'aurait-il une once d'ironie dans les propos des conseillers de Fleur Pellerin ? Pour la première fois, un texte de loi portant sur les dangers des ondes électromagnétiques est discuté à l'Assemblée, sur initiative d'élus Europe Ecologie Les Verts. A l'origine du texte, Laurence Abeille, député de la 6ème circonscription du Val-de-Marne. Le texte visait à porter application du principe de précaution sur les ondes. Sauf qu'après son passage en commission des intérêts économiques, il n'en reste plus rien, ou presque... Explications.


Principe de précaution : à la trappe

L'essence même de ce texte portait sur l'application aux ondes électromagnétiques du principe de précaution. Une volonté que Laurence Abeille justifiait à L'Expansion par "l'incertitude" planant sur leur dangerosité pour l'homme. Il est vrai que le débat n'est pas tranché et que des études contradictoires ont été menées. En juin 2011, l'Organisation mondiale de la santé avait ainsi classé comme potentiellement cancérigène les champs électromagnétiques liés à l'usage du mobile. En février 2011, une étude américaine avait mis en avant des effets sur le métabolisme du cerveau sans pouvoir en évaluer les conséquences de long terme.

Du côté judiciaire, la cour de cassation italienne a déjà reconnu les risques de cancer liés à un usage intensif du mobile. D'autres études s'étaient montrées beaucoup plus réservées. C'est notamment le cas de l'OMC, de l'Agence de protection de la santé ou encore l'Agence Française de Sécurité Sanitaire de l'environnement et du Travail.

"Des peurs irrationnelles" dit Fleur Pellerin, qui s'appuie sur le fait qu'aucune des études n'ait factuellement certifié la dangerosité des ondes.



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Etude d'impact systématique: à la trappe

Face à l'indécision scientifique, Laurence Abeille préconisait la réalisation d'une étude d'impact "impartiale" sur la santé humaine et sur l'environnement lors du développement de toute nouvelle application technologique émettant des rayonnements électromagnétiques. De quoi retarder le déploiement de la 4G, alors que les opérateurs lancent leurs premières offres commerciales.

Un amendement est venu supprimer cette mesure. Car la ministre entend bien "veiller" à ce que la proposition d'EELV "ne vienne pas inscrire dans le dur des choses qui correspondent à des peurs un peu irrationnelles".

EELV souhaitait également légiférer sur le cas de l'électrosensibilité. Laurence Abeille assure que 3% de la population pourrait être touchée par un phénomène encore assez méconnu. Elle prônait donc là encore la réalisation d'études scientifiques, afin de déterminer si l'homme devenait de plus en plus intolérant aux ondes, alors que "l'utilisation des réseaux est exponentielle". La disposition a, elle aussi, été amendée.


Interdiction du WiFi dans les écoles : à la trappe

Toujours en vertu du principe de précaution, EELV souhaitait voir interdire les ondes WiFi dans les crèches et les écoles. Laurence Abeille se montrait d'ailleurs catégorique : "Sur ce point, ce n'est plus de la précaution. On sait qu'ils (les enfants, ndlr) sont plus sensibles aux ondes". Une proposition préconisée en 2011 par l'OMS, là encore refusée par le gouvernement. Pour la ministre, cela reviendrait "à dire que le WiFi est dangereux et mauvais pour la santé [...] Aujourd'hui, je n'ai aucune preuve que le WiFi est mauvais pour la santé". Dont acte.


Abaissement des seuils d'émission : à la trappe

Quatrième et dernière disposition amendée, la limitation des seuils d'émissions des antennes en vertu du principe ALARA (aussi bas que raisonnablement possible). Sur ce point, les écolos n'avaient donc pas suivi les demandes des associations réclamant une limitation à hauteur de 0,6 volts par mètre. Une hérésie pour le PS, qui rappelle qu'un abaissement des seuils à ce niveau conduirait à la construction indispensable de nouvelles antennes. La connexion plus instable des smartphones qui en découlerait conduirait à une hausse des ondes émises par les terminaux pour se connecter aux antennes.

A ce jour, on s'en tient à la loi de 2002, qui, suivant les directives de l'OMS, fixe une limite générale d'émission en sortie d'antennes 900Mhz à hauteur de 41v/m. Des seuils auxquels ne sont jamais exposés les particuliers dans les faits. L'ANFR estime ainsi le seuil moyen en France entre 0,9 et 1v/m.


Fleur Pellerin, qui effectuait ce matin des tests dans le douzième arrondissement de Paris, a relevé des émissions comprises entre 0,7 et 0,9 v/m, sans utilisation d'un appareil électronique. Un employé de l'ANFR assure que les tests menés régulièrement révèlent des taux d'émissions de cet ordre, mis à part des "seuils atypiques" dans des régions dépeuplées, où ont parfois été atteints les 6v/m. Tout en assurant que dans ces cas là, les opérateurs sont alertés afin qu'ils réduisent ces niveaux.

Ces miettes laissées à EELV

Le projet a donc largement été vidé de sa substance. Seules quelques dispositions ont été retenues. C'est le cas de la mise en place obligatoire d'un dispositif permettant de désactiver le WiFi des box par un bouton réservé à cet effet. Des dispositions visant à informer systématiquement les élus locaux lors d'un projet d'installation d'antenne devraient également être adoptées.

Pour Fleur Pellerin, le problème ne vient pas tant des antennes que du mauvais usage des smartphones. "Il faudrait vivre cinquante ans à proximité d'une antenne-relais pour être exposé au même niveau d'ondes qu'une personne qui téléphone une demi-heure par jour avec son téléphone 2G", a-t-elle affirmé au Parisien. En exemple, elle relève des taux d'émission multipliés par dix lors d'un appel en 2G. Ces niveaux seraient toutefois bien plus bas sur les normes qui ont suivi (3G, 3G+, 4G...). De fait, elle appelle à démocratiser l'usage du "kit main libre".

Pour y parvenir, elle mise sur le concept "manger-bouger", cette campagne publicitaire imposée aux industriels de l'alimentaire pour appeler à la consommation de cinq fruits et légumes par jour. Un bandeau d'information sonore ou écrit devra obligatoirement être diffusé dans toutes les annonces vantant l'usage du mobile, pour inciter les gens à utiliser le kit main libre.

Des enjeux économiques considérables

Derrière les antennes relais, il y a des investissements colossaux, réalisés par les opérateurs. Fleur Pellerin ne s'en cache pas, puisqu'elle tient à opposer au "principe de précaution" la réduction de la fracture numérique, en permettant le déploiement de la 4G sur le territoire. Ce qui coûterait 3 milliards d'euros sur les cinq prochaines années et pourrait créer "des dizaines de milliers d'emplois". Ce n'est donc pas le moment pour le gouvernement de sacrifier les enjeux économiques et sociaux au principe de précaution.



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Commentaire Robin des Toits : Fleur Pellerin utilise tous les arguments de l'industrie.
Or, le téléphone n'émet pas plus au changement d'antenne, c'est une méconnaissance de la réalité technique. Ce phénomène se produit dans un train par exemple, lorsque l'on change subitement d'un groupe d'antenne à un autre.
Affirmer enfin qu'"Il faudrait vivre cinquante ans à proximité d'une antenne-relais pour être exposé au même niveau d'ondes qu'une personne qui téléphone une demi-heure par jour avec son téléphone 2G" est une contre-vérité totale, qui ignore à la fois les études sur les effets athermiques cumulatifs et le simple bon sens ! En effet, en quoi une antenne reçue à 1V/m pendant 24 heures serait-elle à ce point moins toxique qu'un téléphone émettant 15V/m pendant une demi-heure ?
Voir : CONGRÈS INTERNATIONAL D’ÉLECTROMAGNÉTISME – CEM EXPO 2003


Robin Des Toits
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