"Radiofréquences: trois agences sanitaires font de la pédagogie" - Journal de l'Environnement - 17/05/2013



Face au cancer de deux enfants d’un même village nordiste, les parents d’élèves ont saisi les agences sanitaires du pays pour déterminer si les trois antennes-relais à proximité de l’école pouvaient en être la cause. Tout en opposant une fin de non-recevoir à leur demande d’enquête sanitaire, les agences ont décidé pour la première fois de se déplacer pour (s’)expliquer. Exercice de transparence? Geste d’humanité? Besoin de partager leurs doutes? Réponses le 22 mai, à Rexpoëde.

C’est une première: trois agences sanitaires vont faire le déplacement jusqu’à Rexpoëde (Nord) pour tenir une réunion publique le 22 mai prochain dans ce village de 1.850 habitants. Qu’est-ce qui amène l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'Agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais à dépêcher ainsi des spécialistes des questions de santé-environnement, ainsi que des radiofréquences, dans ce village à l’extrême nord des Flandres françaises? L’histoire débute à la fin des années 2000, quand des cancers sont diagnostiqués chez deux enfants. Le 30 novembre 2010, les associations Rexpoëde Environnement et Priartem[1] saisissent la Direction générale de la santé pour qu'une enquête sanitaire soit mise en œuvre à l'école primaire Victor Hugo. Trois antennes-relais directionnelles, montées sur une ancienne cheminée industrielle, sont implantées à 86 mètres de l’école, ce qui inquiète les parents.



Un an plus tard, la réponse du directeur de l'ARS Nord-Pas-de-Calais tombe: c’est non. Il demande alors à l’Anses et à l’InVS de se positionner; un an plus tard, les agences sanitaires répondent qu’elles ne mèneront pas d’enquête non plus. «L’observation de ce regroupement de deux cas ne peut pas être qualifiée comme un excès de cas et on ne peut pas en déduire qu’il y a une exposition environnementale commune aux cas signalés, écrivent les deux agences, qui se sont livrées à une étude statistique de la situation. Il est possible que la survenue de ces deux cas de cancers (…) relève de facteurs de risque individuel, ou de la distribution aléatoire des cancers sur le territoire. Il n’est pas techniquement possible d’aller plus loin dans le cadre d’une étude locale.» Et les agences d’expliquer les spécificités de l’exposition aux téléphones portables, qu’il est difficile d’évaluer sans recourir à «une cohorte de grande taille», «des mesures précises de l’exposition au facteur de risque suspecté et aux facteurs de confusion susceptibles d’influencer la relation étudiée». Les agences concluent qu’il est effectivement «nécessaire de mettre en place des études épidémiologiques procédant d’une méthodologie rigoureuse (…) Une étude de cohorte en cours[2] répond à cette attente».



En septembre 2012, Priartem, le Collectif des électrosensibles de France et Le Lien (une association d'information et d'aide aux victimes d'infections nosocomiales et d'accidents médicaux) sont reçus à l'InVS. Sa directrice générale, Françoise Weber, «a réalisé qu’après le refus de l’enquête, personne ne s’était déplacé pour en expliquer les raisons aux parents d’élèves», explique Isabelle Cari, déléguée régionale Nord-Pas-de-Calais pour Priartem. Date est donc prise pour le 22 mai, «pour un moment d’information et d’échange» et pour faire le point sur les connaissances scientifiques quant aux effets sur la santé des ondes électromagnétiques émises par les antennes-relais de téléphonie mobile. Une démarche jusque-là inédite de la part de ces agences.



«De cette réunion, nous n’attendons pas qu’on nous répète que les outils manquent», prévient Isabelle Cari. «Nous ne sommes pas persuadés à 100% que les antennes-relais soient en cause. Mais qu’on n’attende pas qu’il y ait encore un cas de cancer pour en chercher les causes!», explique-t-elle au Journal de l’environnement. Et de s’indigner de la façon dont la veille sanitaire est pratiquée par les agences, quand elles sont confrontées à des «agrégats de cancers». Un document édité par l’InVS en donne une définition: «Le terme implique que plusieurs cas de cancers (en général du même type) sont observés au sein d’un groupe d’individus, d’une zone géographique plus ou moins limitée et au cours d’une période de temps réduite».



Quatre rapports ont effectivement été rédigés ces dernières années, suite à la survenue de plusieurs cas de cancers infantiles au sein du même établissement scolaire ou du même village, dont trois étaient situés à proximité d’antennes-relais. A Saint-Cyr-l’Ecole (Yvelines), à Ruitz (Pas-de-Calais), à Pouilley-les-Vignes (Doubs) ou à Draveil (Essonne), la réponse est à peu près identique: les causes environnementales sont écartées. «Ils éliminent systématiquement les antennes, les pesticides, les usines et affirment qu’ils ne peuvent pas conclure sur les causes des cancers, résume Isabelle Cari. Nous pouvons entendre que ce soit compliqué de quantifier ou d’établir les liens de causalité. La question des faibles doses est complexe. Mais dans l’incertitude, c’est ‘dingue’ que la situation perdure et qu’on n’éloigne pas les antennes, par exemple!» Les discussions s’annoncent intenses à Rexpoëde.

[1] Priartem: «Pour une réglementation des antennes-relais de téléphonie mobile»

[2] Il s’agit de l’étude cas-témoins Cefalo, en cours dans 5 pays (Danemark, Grande-Bretagne, Norvège, Suède, Suisse), qui vise à déterminer si l’utilisation de téléphones mobiles augmente le risque de tumeur cérébrale chez les enfants de 7 à 19 ans. Les premiers résultats publiés, indiquent l’Anses et l’InVS, ne mettent pas en évidence de sur-incidence significative des tumeurs cérébrales chez les utilisateurs réguliers de téléphones portables. La cohorte française Elfe, qui porte sur 20.000 enfants, prévoit également d’étudier l’exposition aux radiofréquences et leur relation éventuelle avec le développement psychomoteur.

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Source : http://www.journaldelenvironnement.net/article/radiofrequences-trois-agences-sanitaires-font-de-la-pedagogie,34714

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Voir également :

- "Cancers prioritaires à surveiller et étudier en lien avec l’environnement" - Synthèse de l'INVS - Juillet 2006

Robin Des Toits
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