Proposition de loi relative à l’implantation des antennes relais et à l’utilisation des appareils de téléphonie mobile - 27/02/2008

PRÉSENTÉE

PAR MM. Lionnel LUCA, Patrick BEAUDOUIN, Georges COLOMBIER, Jean-Pierre DECOOL, Richard DELL’AGNOLA, Éric DIARD, Mme Pascale GRUNY, M. Jean-Claude GUIBAL, Mme Françoise HOSTALIER, MM. Thierry MARIANI, Alain MOYNE-BRESSAND, Francis SAINT-LÉGER, André SCHNEIDER, Éric STRAUMANN et Michel VOISIN,

députés.



Document mis en distribution le 27 février 2008

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)


EXPOSÉ DES MOTIFS


Mesdames, Messieurs,

L’utilisation du téléphone mobile a connu une forte augmentation depuis les années 1990. D’abord destiné à une utilisation purement professionnelle, il s’est répandu jusqu’à devenir le moyen de communication privilégié d’un grand nombre de personnes. Aujourd’hui, près d’un Français sur deux possède un téléphone mobile.

Pour assurer le fonctionnement de ces quelque 36 millions de portables, près de 35 000 antennes ou bases ont été installées. Plusieurs associations et scientifiques considèrent que les systèmes de téléphonie portable peuvent poser des problèmes pour la santé, en particulier pour les femmes enceintes ou jeunes enfants, par exemple. De la même manière, les riverains s’inquiètent des conséquences éventuelles pour leur santé, mais aussi des nuisances visuelles que ces antennes constituent, au moment où de plus en plus de réseaux électriques sont enterrés.

Les opérateurs de téléphonie mobile, quant à eux, assurent prendre en compte ce risque lors de l’installation des relais. Afin d’avertir les consommateurs et de limiter les rayonnements des téléphones mobiles, les constructeurs doivent dorénavant afficher le rayonnement émis par leurs produits sous la forme d’un indice DAS (débit d’absorption spécifique).

La loi du 2 février 1995 relative à la protection de l’environnement a inscrit pour la première fois en France le principe de précaution. Elle dispose qu’« en l’absence de certitude, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques du moment, la menace d’atteintes graves et irréversibles doit conduire à l’adoption de mesures proportionnées à un coût économiquement supportable ».

Au nom du principe de précaution, un certain consensus s’est établi pour que des dispositions législatives viennent préciser, dès à présent, des principes essentiels quant à l’information du public et les conditions d’implantation des antennes relais de téléphonie mobile.

Actuellement, les normes d’exposition tolérées diffèrent d’un pays à l’autre ; ainsi, le périmètre de sécurité à respecter pour implanter des antennes est presque dix fois plus grand en Italie ou en Belgique qu’en France où les règles qui régissent ce domaine sont très peu strictes, permettant aux opérateurs de planter une antenne sans contrainte majeure. Certains pays européens ont considérablement baissé leurs taux d’exposition. En Autriche par exemple, la valeur de référence est désormais de 0.006V/m, soit 1 000 fois moins qu’en France.

On constate également des problèmes d’électro-hypersensibilité chez un nombre croissant de personnes. Ainsi, début septembre 2005, apprenait-on par la presse qu’une personne attaquait en justice son bailleur qui avait installé une antenne de téléphonie mobile sur son toit. Sous l’effet des ondes, cette résidente d’un HLM ressentait en effet des vibrations intenses et des décharges électriques dans le visage, intensifiées par une opération chirurgicale lui ayant laissé des plaques métalliques et des vis dans la mâchoire. Cette maladie, très rare, est reconnue par l’OMS, la Suède et la Grande-Bretagne mais ne l’est pas par la France, ce qui l’empêche d’obtenir des certificats médicaux.

Tout dernièrement encore, dans le cadre d'un programme de recherche lancé par le ministère de la recherche en juillet 2004, une équipe de chercheurs de l'université de Clermond-Ferrand a mis en évidence un effet génotoxique des ondes électromagnétiques, même inférieures aux normes réglementaires (41/vm) et avec une courte exposition (5 à 15 minutes).

Les ondes dégagées par les antennes relais sont accusées d’être responsables de maux de tête, troubles du sommeil, perturbations de la fréquence cardiaque, agressions du système immunitaire, voire des cancers du cerveau, etc…

Aussi, la présente proposition de loi vise, par l’encadrement des baux, à garantir aux propriétaires et aux locataires la prise en compte des risques auxquels ils sont soumis. Il s’agit notamment de limiter les clauses exorbitantes telles que la durée des baux à trente ans et l’absence de signalisation précise des équipements. Ces réglementations permettraient enfin de gérer l’intensité de l’émission des ondes pour mettre fin à leurs effets pervers sur la santé.

Pour ce faire, l’article 1er encadre l’implantation des antennes, ainsi que leur puissance d’émission. Leur impact sur la santé ayant été reconnu, il nécessite une surveillance accrue, comme le prévoient les articles 2, 3 et 4.

Les articles 5 et 6, quant à eux, énoncent l’obligation pour les communes ou les départements de veiller au respect de la législation en cours, ainsi que la consultation des populations au sujet de l’emplacement de ces antennes. Il instaure enfin des règles d’informations du consommateur (article 9).

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que je vous demande d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est interdit d’installer des équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication, ou par les installations radioélectriques, à moins de trois cents mètres d’un bâtiment d’habitation ou d’un établissement sensible. Par dérogation et en zone urbaine, il est interdit de les installer à moins de cent mètres d’un établissement sensible. Les bâtiments réputés sensibles sont les établissements d’enseignement et périscolaires, les structures accueillant des enfants n’ayant pas atteint l’âge de la scolarité obligatoire, les établissements hospitaliers et les structures d’accueil de personnes âgées. Le niveau maximal d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par ces équipements est fixé à 0,6 volt par mètre et leur installation est conditionnée à l’obtention d’un permis de construire.

Article 2

L’impact sur la santé humaine et sur l’environnement des équipements du réseau de télécommunication mobile dit de troisième génération (UMTS), fera l’objet d’un rapport remis au Parlement, après trois années d’exploitation, et toute nouvelle application technologique ayant pour conséquence l’émission de rayonnements non ionisants, doit faire l’objet d’une étude d’impact sur la santé humaine et sur l’environnement, préalablement à sa mise en œuvre. Ces études sont effectuées par des équipes scientifiques indépendantes des entreprises intéressées à la mise en œuvre de ces nouvelles technologies, ce qui impose pour les membres de ces équipes, l’absence de réalisation d’études ou de missions, dans un délai inférieur à dix ans, dans le cadre de contrats financés partiellement ou totalement par l’une au moins desdites entreprises, ainsi que l’absence de participation, dans le même délai, à des opérations de communication financées de la même manière.

Article 3

L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement est saisie par le maire ou un professionnel de santé, après avis des commissions compétentes mentionnées à l’article 6, lorsque des nuisances ou des pathologies, susceptibles d’être liées au fonctionnement des équipements mentionnés à l’article 1er, sont constatées.

Article 4

L’Agence nationale des fréquences rend publique et fournit annuellement à chaque maire, une carte de sa commune comportant la mention des emplacements et des champs d’émission des équipements visés à l’article 1er. Cette carte est accompagnée d’une annexe précisant la date d’installation, les caractéristiques techniques et physiques des équipements, ainsi que la date du dernier contrôle technique réalisé.

Article 5

Les communes, ou le cas échéant leurs groupements, définissent le ou les périmètres dans lesquels l’installation des équipements mentionnés à l’article 1er est autorisée. Cette définition est précédée d’une consultation de la population, des associations de protection de l’environnement et des commissions mentionnées à l’article 6. Cette définition fait l’objet d’une révision, selon les mêmes modalités, au minimum tous les trois ans.

Article 6

Des commissions de suivi sont mises en place au niveau communal ou intercommunal et au niveau départemental. Elles comprennent obligatoirement des élus des collectivités concernées, des représentants des exploitants des réseaux, des représentants des administrations concernées, des représentants des associations de protection de l’environnement ou de la santé. Ces commissions ont pour mission de suivre et d’évaluer la mise en œuvre de la réglementation relative aux équipements mentionnés à l’article 1er, de prescrire et de dresser le bilan de campagnes annuelles de mesure de l’intensité des ondes électromagnétiques dans les locaux mentionnés à l’article 1er. Leurs rapports et avis sont présentés aux assemblées délibérantes de la collectivité ou du groupement de communes dont elles relèvent.

Article 7

Préalablement à toute installation ou modification d’un équipement mentionné à l’article 1er sur un immeuble d’habitation à usage locatif, les locataires sont consultés par écrit sur le projet. Le défaut de consultation emporte la nullité du bail conclu entre le ou les propriétaires de l’immeuble et l’exploitant du réseau.

Article 8

La durée du bail relatif à un équipement mentionné à l’article 1er ne peut excéder trois années renouvelables. Le bail doit préciser l’emplacement précis dudit équipement, ainsi que ses caractéristiques techniques et physiques. Dans les immeubles soumis au régime de la copropriété, la décision de conclure, de renouveler ou de modifier un bail relatif à un équipement mentionné à l’article 1er est soumise à la règle de l’unanimité et sa présence sur un immeuble doit être mentionnée, à l’initiative du propriétaire, en cas de vente ou de location de tout ou partie de l’immeuble.

Article 9

Pour des motifs sanitaires, sont obligatoirement inscrits en langue française, sur tous les appareils de téléphonie mobile proposés à la vente le débit d’absorption spécifique (DAS) et une mention claire et visible incitant l’utilisateur à limiter la durée d’utilisation de l’appareil de téléphonie mobile. Les publicités, notices d’utilisation et emballages des appareils de téléphonie mobile doivent comporter une information claire et visible concernant les risques liés à un usage intensif et toute publicité mentionnant un usage de ces appareils déconseillé ou prohibé par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement, est interdite.

Source :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion0378.asp

Robin Des Toits
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