Proposition de loi : «Une autorité indépendante pour protéger les lanceurs d’alerte» - Journal de l'Environnement - 08/10/2012

Sénatrice Europe Ecologie-les Verts du Nord, Marie-Christine Blandin a déposé le 28 août dernier une proposition de loi visant à créer une Haute autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement. Un texte que le gouvernement a tenté de torpiller en fin de semaine dernière. A la veille de son examen en commission, l’ancienne présidente du conseil régional Nord-Pas-de-Calais rappelle pourquoi la protection des lanceurs d’alerte s’impose.



La commission du développement durable du Sénat examine le texte ce 9 octobre Ecoquelin
Proposition de loi en bas de page

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Quels vides comble la Haute autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement?



Le contrôle extérieur et indépendant des conflits d'intérêts n'existe pas aujourd'hui et les derniers scandales sanitaires révèlent encore des failles dans le suivi interne. D'autre part, il n'y a pas de débouché officiel pour les alertes non écoutées dans une entreprise ou un laboratoire. La seule issue que trouvent les gens est dans les medias, avec un fort ressort émotionnel. Une gestion rationnelle, par une autorité indépendante qui protège le lanceur d'alerte, est nécessaire.



Concrètement, la HAEA pourrait-elle empêcher un scandale comme le Mediator?



Les autorisations ont été délivrées par des commissions ad hoc où siégeaient des experts liés au laboratoire Servier. Ceci ne serait plus possible. Irène Frachon, courageuse médecin lanceur d'alerte ne serait plus victime d'intimidations. Elle serait aidée et ses messages seraient pris en compte. 



Outre créer une nouvelle autorité, la proposition de loi prévoit de protéger les lanceurs d’alerte au sein des entreprises. Quelle est l’étendue de cette protection? Quels sont les lanceurs d’alerte particulièrement ciblés par le texte?



Il n'y a pas de «statut». N'importe quel salarié, n'importe quel chercheur, peut constater un risque et penser qu'il faut des mesures, mais aucune procédure n’est enclenchée si sa hiérarchie ne donne pas suite. Désormais, il pourra communiquer avec la HAEA. Si on essaie de le faire taire, de le placarder, de le licencier, et si ses alertes sont fondées, il sera protégé.



Prenons un exemple. L’étude du professeur Séralini, publiée le 19 septembre, a rouvert la polémique sur la toxicité d’un organisme génétique modifié et plus largement sur l’indépendance de l’expertise scientifique. La proposition de loi garantit-elle une meilleure indépendance?



Il est quand même incroyable qu'en France, avec de solides agences sanitaires, une ONG comme le Criigen[1] doive financer en cachette une lourde étude de deux ans pour interpeller les pouvoirs publics et mettre en débat la trop courte durée des études dites «officielles» faites par le semencier [Monsanto, ndlr]. Rappelons que Gilles-Eric Séralini, lanceur d'alerte, las des calomnies, a gagné son procès contre les diffamations de Marc Fellous (professeur de génétique humaine à l’Université Paris 7, ndlr). Aujourd'hui, on ne compte plus les liens d'intérêts de ses détracteurs avec l'agroalimentaire et les filières des biotechnologies. La HAEA aurait été un interlocuteur bien en amont pour un chercheur comme Gilles-Eric Séralini.



Certaines pressions se seraient exercées en faveur d’un retrait du texte. De quelles pressions s’agit-il? Quelle est la position du gouvernement par rapport à la proposition de loi? Les parlementaires socialistes vont-ils voter en faveur du texte?



Des réticences du genre «encore une agence d'expertise» ont été émises par des gens qui n'avaient pas lu le texte. On leur a expliqué. D'autres remarques constructives et pertinentes sont venues de syndicalistes. Le rapporteur en tiendra compte. Mais j’ignore ce que chacun fera. Nous voulons une belle étape dans l'indépendance de l'expertise, la plus convaincante possible. Chaque parlementaire devra prendre ses responsabilités.



Quel est le calendrier d’examen du texte?



En commission du développement durable ce mardi 9 octobre, puis en commission des affaires sociales ce mercredi 10 pour avis, le texte sera en séance publique le lundi 15 octobre, pour sa présentation, puis dans notre future niche, en novembre.



http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl11-747.html



Robin Des Toits
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