Procès en diffamation de SFR et Orange contre Etienne Cendrier : Orange et SFR déboutés au pénal - 02/05/2006

Jugement du 02/05/2006 - XVIIème Chambre du TGI de Paris



Communiqué :
La rédaction définitive du Jugement rendu le 02 Mai 2006 par la XVIIème Chambre du Tribunal de Paris a été produite.
En raison des très importantes conséquences de cette décision, nous en diffusons les extraits significatifs.
Pour la clarté, les extraits du texte du Jugement sont en italique.
L’action judiciaire a été ouverte par deux opérateurs, SFR et ORANGE, qui ont assigné en diffamation au pénal Etienne CENDRIER, Porte Parole de l’Association Nationale Robin des Toits, ainsi que : - Madame COUDERC, gérante directrice du JOURNAL DU DIMANCHE,
- Monsieur DEBIEVRE, journaliste au même journal,
La Société LE JOURNAL DU DIMANCHE.


1-Les faits reprochés :
L’essentiel tient en deux phrases d’un article de presse reproduites dans le Jugement et qui sont des propos d’Etienne CENDRIER.
« Etienne Cendrier : Nous pensons en effet que les opérateurs sont prévenus en amont ce qui leur permet de tricher en baissant les puissances. »
Page 5 du texte du Jugement.
« Etienne Cendrier : La téléphonie mobile doit être compatible avec la santé publique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Les opérateurs dissimulent les vraies expositions de la population pour des histoires de gros sous. »
Pages 5 et 6 du texte du Jugement.
Ce qui est reproché comme diffamatoire est donc de dire deux choses :
-la téléphonie mobile dans son état présent est toxique pour la santé,
-les opérateurs manipulent les chiffres de mesures d’intensité.


2- Les attendus du Jugement :
C’est à dire les éléments sur lesquels est fondé le Jugement.

a- La bonne foi est établie
Elle est définie par trois caractéristiques :

• la légitimité d’intervention est reconnue
« Attendu qu’Etienne Cendrier, militant pour la défense de l’environnement, ce qui lui a valu d’être qualifié par la presse d’ « ennemi public n° 1 des opérateurs de téléphonie mobile », et qui était à l’époque de l’article coordonnateur d’une association nationale contre les excès de la téléphonie mobile PRIARTEM (pour une réglementation des implantations des auteurs de éléphonie mobile), disposait de la légitimité pour porter la contradiction à un élu de PARIS à l’occasion d’un débat sur l’éventuelle dangerosité des antennes-relais dans la capitale et en région parisienne ; »
Page 5 du texte du Jugement.

• l’absence d’animosité personnelle est reconnue
« Attendu que rien dans les propos incriminés ne permet de relever une quelconque animosité personnelle du débatteur à l’égard des parties civiles, dont aucune d’elles n’est d’ailleurs nommément citée; »
Page 6 du texte du Jugement.

• le caractère probant des informations à la base des déclarations reprochées, informations énumérées dans le Jugement.
Voir ci-dessous b et c :

b- Les documents probants sont énumérés
« Attendu que sur l’accusation de tricherie, Etienne CENDRIER fait valoir que les opérateurs sont prévenus de certains contrôles, du fait qu’ils mandataient eux-mêmes les bureaux de contrôle et les finançaient ; qu’il produit à ce titre deux témoignages de Jean-François OURLIER et Georges THEVENET au sujet d’un contrôle d’intensité électromagnétique effectué le 14 octobre 2003 à MONTROTHIER (69), d’où il ressort que le bureau de contrôle a prévenu les opérateurs des mesures effectuées ;
Qu’est également versée aux débats une lettre du Bureau VERITAS en date du 23 septembre 2003, informant un habitant du XIIIème arrondissement de PARIS d’un rendez-vous en vue d’une mesure de champ électromagnétique, et envoyée en copie à la Société ORANGE, lettre dont le Parisien se fera d’ailleurs l’écho dans son édition du 23 octobre suivant ; que de même, une lettre adressée le 20 juillet 2001 par la société SFR à Madeleine MADORE habitante du 61 boulevard SUCHET à PARIS (XVIème arrondissement) révèle la parfaite connaissance par l’opérateur du contrôle effectué chez elle par la société SOFRER le 9 juillet précédent, les émissions mesurées ce jour-là s’étant révélées très inférieures aux valeurs mesurées par trois autres organismes (LAPAVE, VERITAS et ANFR) ;
Que par ailleurs, Etienne CENDRIER produit plus d’une vingtaine de résultats effectués en ctobre et novembre 2003 à PARIS et égaux à 0 Volts/mètre, ce qui pouvait lui laisser à penser que les antennes étaient alors éteintes au moment des contrôles ; que d’autres mesures se situent à un niveau inférieur à 0,1 Volt/mètre, soit en deça du seuil de détection, ce qui ne peut que conduire à s’interroger sur le crédit des mesures aussi infimes ; »

Page 7 du texte du Jugement.
Il convient de noter que le premier cité de ces documents concerne la commune de MONTROTTIER dans le RHÔNE où l’opérateur concerné est l’Entreprise BOUYGUES TELECOM. Et que ce document établit que la tricherie n’est pas occasionnelle, mais généralisée.

c- Les témoignages probants sont énumérés
« Attendu que René DUTREY, conseiller de PARIS, a confirmé lors de son audition par le tribunal, les propos du prévenu relativement à la possibilité pour les opérateurs de baisser les seuils d’exposition réels, estimant que les fuites lors des mesures pouvaient provenir des cabinets de contrôle ; que de même, Pierre LE RUZ, témoin et qui se présente comme expert indépendant a confirmé à l’audience que les puissances étaient baissées pendant les mesures ; que Michèle RIVASI, témoin et ancien député, a, quant à elle, évoqué un contrôle effectué à CREST (DROME), à proximité d’une antenne-relais, où une première mesure effectuée (« tout le monde nous attendait ») révélait une fréquence d’émission de 0,5 Volts/mètre, tandis qu’un peu plus tard et de façon impromptue un second contrôle permettait de détecter une fréquence de 2 Volts/mètre ; »
Page 7 du texte du Jugement.
Sur ces bases, la bonne foi est reconnue
« Attendu que s’exprimant ici en qualité de « lanceur d’alerte » pour reprendre l’expression utilisée par un des témoins cités, André CICOLELLA, pour désigner celui qui prend la parole pour mettre en garde la société contre un risque sanitaire, Etienne CENDRIER doit être considéré comme suffisamment prudent dans l’expression au regard des éléments précédemment relevés, dans la mesure où, en l’espèce, il a entendu dénoncer en tant que citoyen militant dans le cadre de ce débat l’opposant à un élu, le manque de crédibilité de certains des contrôles destinés à attester de l’innocuité des antennes-relais de téléphonie mobile et alors que la polémique s’était traduite quelques jours auparavant par des actions de blocage de nouveaux chantiers d’installation d’antennes-relais ; que le JOURNAL DU DIMANCHE précise bien dans sa présentation qu’Etienne CENDRIER est responsable d’une association militante ;
Attendu que le bénéfice de la bonne foi peut dans ces conditions lui être reconnu ; »

Page 7 du texte du Jugement.

3- Le Jugement :
PAR CES MOTIFS
« Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par
jugement contradictoire (article 411 du code de procédure pénale) à l’encontre d’Anne Marie COUDERC, et par jugement contradictoire à l’encontre d’Antoine DEBIEVRE, Etienne CENDRIER, prévenus, et par jugement contradictoire (article 415 du code de procédure pénale) à l’encontre de la société LE JOURNAL DU DIMANCHE, civilement responsable, et par jugement contradictoire (article 424 du code de procédure pénale) à l’égard de la SOCIETE ORANGE FRANCE, et de la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE, parties civiles ;
RENVOIE Anne-Marie COUDERC, Antoine DEBIEVRE et Etienne CENDRIER des fins de la poursuite ;
DECLARE la Société ORANGE France et la SOCIÉTÉ FRANCAISE DE RADIOTÉLÉPHONE recevables en leurs constitutions de parties civiles ;
Au fond, les DEBOUTE de leurs demandes ; »

Page 8 du texte du Jugement.

Renvoyer des fins de la poursuite, c’est déclarer que les accusations ne sont pas fondées.
C’est ce qui s’appelle un Jugement de relaxe.
Débouter les demandeurs, c’est-à-dire les opérateurs, c’est leur dire que le délit présumé qu’ils attaquent n’existe pas.



4- Signification et conséquences du Jugement :
La Justice a pris position.
Cette position est claire.
Dire que :
- LA TELEPHONIE MOBILE DANS SON ETAT PRESENT EST TOXIQUE POUR LA SANTE,
- LES OPERATEURS TRICHENT SUR LES MESURES,
ce n’est pas de la diffamation.
C’EST DONC DE L’INFORMATION.

Ce Jugement constitue
- Un très grave revers pour l’altération généralisée de l’information sur les faits réels, organisée par la grande Industrie en matière de Santé Publique.
- Une très bonne nouvelle judiciaire et un encouragement vigoureux pour la liberté de la presse.
- Un grand pas vers un statut légal légitimant l’action des lanceurs d’alerte.


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Le jugement complet est en pièce jointe ci-dessous.

Institut Esprit Service
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