Pour Stop Linky Loire, ce procès à Saint-Etienne va émettre un tournant

le 23/01/2024



Le collectif qui relaie dans la Loire un militantisme, voire mène ses actions en justice, contre le fameux compteur Linky d’Enedis assure qu’une décision du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne, confirmée en appel à Lyon il y a un mois, favorable à un plaignant ligérien, fera jurisprudence.
 

A la suite d’une conférence donnée par le Pr Fontana, chef du service Santé au travail et pathologies professionnelles du CHU stéphanois, strictement attachée à faire le point sur ce que l’on sait, à ce stade de « l’électrosensibilité », Stop Linky Loire est revenu sur la décision de la Justice. 

« La décision rendue par la Cour d’appel de Lyon est particulièrement isolée et ne reflète en rien la jurisprudence relative à l’installation des compteurs Linky », estime Enedis. [...] La filiale d’EDF, (ex ERDF) contrainte par la Justice de retirer le compteur Linky de cet habitant de Saint-André-le-Puy, met dans la balance le fait que « le cadre législatif et réglementaire de leur déploiement a été confirmé par l’immense majorité des décisions de justice, telles que celles des Cours d’appel de Paris, Versailles, Toulouse, Rennes, Aix-en-Provence, Orléans. » 
Pour Denis Nicolier, c’est évident : « Ils minimisent, c’est leur technique habituelle ».
 
Le cas de Joseph Cascina
Engagé de ses propres batailles juridiques à propos du compteur d’Enedis, Stop Linky Loire a accompagné « moralement et stratégiquement » le combat mené par Joseph Cascina. Cet habitant de Saint-André-le-Puy, 59 ans, était là, ce mercredi soir, aux côtés du collectif, désigné comme une personne « EHS » (électro-hypersensible) afin de raconter son histoire. « En janvier 2020, on frappe à la porte de la maison pour nous installer un compteur Linky comme annoncé par courrier 2 mois avant, en insistant sur le fait que c’est obligatoire. Je n’étais pas très chaud avec tout ce qu’on entendait mais bon… On s’est bien posé des questions comme beaucoup de monde mais on a laissé faire. Je n’avais jamais été impliqué dans des activités s’opposant à Linky, ou ressenti quoi que ce soit par rapport à l’électrosensibilité jusque-là. Mais une fois le compteur posé, ça a été immédiat : des migraines permanentes qui, étrangement, s’atténuaient, voire disparaissaient dès que je m’éloignais de mon domicile. » Joseph Cascina assure avoir « tout essayé » avant de se résoudre à aller en Justice en septembre 2022 pour qu’Enedis remplace son compteur jusqu’à parfois douter de lui-même.  « J’ai évidemment sollicité Enedis avant de m’adresser aux tribunaux : des heures d’explications au téléphone. En vain. Moi tout ce que je mettais en avant, c’était ces terribles maux de tête depuis l’installation : je ne les ai pas inventés ! J’en ai parlé au maire, envoyé des quantités de courriers à Enedis bien sûr mais aussi au Siel   et même au préfet. » Au niveau médical, Joseph Cascina a obtenu quatre certificats en 2 ans, pensant même, à se faire déplomber les dents « au cas où. Mais ça n’a rien changé ». Un parcours commencé initialement chez un généraliste, 4 jours après le début des symptômes. Il y a ensuite eu un ORL« spécialiste des ondes » situé à Thizy (Rhône). Puis, avant de se soumettre à une IRM cérébrale qui n’a rien donné, une consultation auprès du professeur Luc Fontana, chef du service Santé au travail et pathologies professionnelles du CHU de Saint-Etienne. 
[...] Le Pr Fontana, lui, ne nie pas la réalité des symptômes. Ceux des quelques cas par an venant spécifiquement le consulter au sujet plus global que le cas Linky de l’électrosensibilité dont Joseph Cascina a été. C’est là, la subtilité : le certificat qu’il a accordé à ce dernier, sur lequel s’appuie – entre autres – la décision de Justice stéphanoise puis de la Cour d’appel, indique donc la réalité du syndrome « d’une affection définie en elle-même » et « dont les causes ne sont pas scientifiquement établies »… Enedis a d’ailleurs contesté la valeur probante des certificats médicaux qui se contenteraient selon elle de rapporter les doléances et déclarations du patient.
Or, dit la Cour d’appel, « le syndrome évoqué par les praticiens est par définition attribué aux champs électromagnétiques de sorte que la concomitance entre l’apparition du syndrome et l’installation d’un compteur communicant, lequel génère de tels champs, constitue un élément fort en faveur d’un lien de causalité valablement retenu par les médecins en l’absence d’autres pistes pour expliquer ledit symptôme ». Extrait de l’ordonnance du tribunal judiciaire de Saint-Etienne reprenant le diagnostic du Pr Fontana : « Joseph Cascina présente des symptômes pouvant entrer dans un syndrome d’hypersensibilité électromagnétique ou intolérance environnementale idiopathique attribuées aux champs électromagnétiques ». De quoi confirmer, les conclusions précédentes et parallèles de ses confrères disant que le plaignant est « vraisemblablement touché par le syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques ou électrohypersensibilité ». Largement suffisant pour faire valoir une preuve de souffrance, de la réalité des symptômes ressentis (céphalées, acouphènes) aux yeux de la Justice donc faire théoriquement valoir un arrêt maladie, même si cet enjeu-là n’était pas le plus prégnant dans le cas de Joseph Cascina, par ailleurs en invalidité.

Électrosensibilité : ce que l’on sait, ce que l’on ne sait pas

Comment définir l’électrosensibilité en l’absence d’études scientifiques poussées sur le sujet ?
L’Anses a toutefois officiellement reconnu début 2018 « la réalité des troubles présentés par les personnes intolérantes aux ondes électromagnétiques » (5 % de la population française). Certes, à ce stade pour des raisons scientifiquement « inexpliquées » mais tout en recommandant « leur prise en charge ». C’est bien pour essayer d’en savoir davantage que l’agence ministérielle a lancé cette année un appel aux volontaires pour une vaste étude à l’échelle du pays. Une dizaine de CHU sont impliqués (300 personnes y participent) dont celui de Saint-Etienne via son service Santé au travail et pathologies professionnelles, dirigé par le Pr Fontana. « Une trentaine de personnes sont actuellement étudiées. On a très souvent dit aux personnes se plaignant d’être électrosensibles que cela se passait dans leur tête. Ce qui ajoute à leurs souffrances physiques, celles psychologiques. D’autant qu’ils sont alors déjà dans un isolement social, professionnel, en raison de leurs stratégies d’évitement », détaille le Pr Fontana.  
Pour ce dernier, la réalité des symptômes – céphalées, fatigues, malaises, acouphènes – est bel et bien là. « Je suis confronté à 5-6 cas par an, poursuit Luc Fontana. Mais je n’ai aucune idée pour autant de l’ampleur du phénomène au sein de la population ligérienne. Et avant de faire un lien dont on ne connaît absolument pas scientifiquement – pas plus d’ailleurs que le profil type des patients (âge, sexe, profession etc.) – le mécanisme avec une électrosensibilité, à des ordinateurs, une antenne relais, un compteur, nous effectuons préalablement tous les examens possibles pour écarter d’autres causes potentielles de ces symptômes ». Rare certitude, précise le médecin : ceux-ci n’évoluent pas péjorativement avec le temps. L’efficacité des protections vestimentaires parfois utilisées ? « Pas de preuve scientifique non plus. Je n’ai pas d’opinion radicale. Si cela soulage une personne qui présente de réels symptômes, alors tant mieux. » L’objectif de l’étude de l’Anses est donc de mieux comprendre le phénomène, en commençant par connaître la population s’en plaignant.

Des normes existent mais, à l’image de la radioactivité, de la pollution atmosphérique  (régulièrement durcie pour cette dernière), leur efficacité protectrice est régulièrement contestée. Pour l’air, les recommandations normatives de l’OMS sont devenues considérablement supérieures à celles actuelles européennes, pourtant au top niveau mondial de l’exigence…

Extraits de l'article publié par le site If Saint-Etienne le 21/12/2023 écrit par Xavier Alix.
Même France 3 publie un article similaire sur son site.

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