"Onde de choc pour électrosensibles" - L'Union - 07/05/2012



VOUZIERS (Ardennes). Ils souffrent d'électro-hypersensibilité et ont trouvé refuge à Fontenois, une des rares zones blanches au nord de la France. Faute de pouvoir acheter la maison qu'ils louaient, ils se retrouveront bientôt exposés aux (mauvaises) ondes du monde moderne.

«EUH, vous êtes sûre d'avoir éteint votre portable ? Parce que je ne me sens pas très bien là… » La main posée sur le ventre, Christine Duchateau s'excuse presque de poser cette question. Et sans même l'avoir cherché, la Belge démontre d'emblée qu'elle est un véritable détecteur à ondes. A 42 ans, elle a dû quitter mari et enfants pour vivre loin de ces émissions qui lui pourrissent son quotidien (voir encadré).
Comme elle, ils sont une poignée à avoir trouvé refuge dans une vaste maison de Fontenois, un hameau de Saint-Pierremont. Tous sont électrosensibles. Ils se disent allergiques au WiFi, au téléphone portable et même parfois au courant électrique qui leur déclenchent céphalées, étourdissements ou arythmie cardiaque…
Pour fuir ces mauvaises ondes, certains ont vécu dans des grottes, des caravanes ou même sous une tente.
Il a fallu près de 5 ans à Eric Els Bulsman pour dégotter ce havre de paix. Ce Hollandais avait commencé par sillonner son pays à la recherche de zones blanches (1).
En vain. Puis, ce fut la Belgique. « Il y avait bien quelques petits espaces mais peu de choses à vendre et c'était surtout trop onéreux ».
Eric se rabat alors sur le nord de la France et découvre LA perle rare. Un ancien gîte rural planté au cœur de 8 hectares de verdure. Loin des lignes haute tension, des antennes relais et même d'un hypothétique boîtier WiFi.
« C'était l'endroit idéal, détaille Christine. Les relevés effectués montrent qu'il n'y a quasiment pas de radiation. Ce qui est très rare. En plus, il y a beaucoup d'espace, c'était à vendre et c'était situé entre Bruxelles, Utrecht et Paris ».
Pour ces électrosensibles du nord de l'Europe, cette découverte est inespérée.

Des réfugiés

Depuis le début de l'année, une petite communauté y a posé ses valises dans l'espoir de pouvoir s'y installer définitivement. Cinq personnes y vivent en permanence. D'autres font des allers-retours, le temps de se retaper physiquement. « Certaines personnes doivent rester alitées plusieurs jours avant de retrouver leurs forces. Mais ce qui est sûr, c'est qu'ici, elles vont mieux. Maintenant, on peut même faire nos courses. Les plus vaillants vont au magasin. » Des travaux ont même été effectués pour adapter la maison à leur pathologie. Des peintures métallisées ont notamment été appliquées sur les murs. Et très vite, il leur paraît évident de se porter acquéreur de cette maison qu'ils louent. Sauf qu'ils ne sont pas les seuls sur le dossier.
Et de promesses en imbroglio, ils ont fini par apprendre, il y a quelques jours, que la propriété avait finalement été vendue à une autre personne et qu'ils sont priés d'évacuer les lieux avant le 9 mai.
Pour la petite communauté, c'est la douche froide. « On fondait beaucoup d'espoirs. Demain, on va se retrouver sans toit. On ne peut plus aller nulle part. On est des réfugiés. On cherche asile. On a même pensé à demander une ambassade », se désespère Christine. La déception est d'autant plus grande que la communauté fondait de grands projets autour de cette maison. Elle espérait en faire une sorte de refuge pour bon nombre d'électrosensibles du nord de l'Europe. L'association Robin des toits (2) avec qui ils sont en contact avait déjà reçu une vingtaine de demandes de personnes prêtes à s'y installer. « On avait reçu l'accord de la mairie pour installer des chalets sur le domaine. Ainsi chacun aurait eu son chez soi, détaille Wilhelmina Hoedjes. La maison aurait servi à l'accueil des familles. On voulait également développer un projet économique et social. On aurait fait un jardin bio et pourquoi pas ouvert un cabinet médical ou un magasin. Nous sommes tous capables de travailler à partir du moment où on se trouve dans un endroit sûr ». « Nous ne sommes pas des parasites, surenchérit Christine Duchateau. Nous ne voulons pas une maison gratuite ou vivre aux crochets de la société. » Dans l'attente d'un hypothétique retournement de situation, la communauté a tout de même commencé à faire ses cartons. Tous espèrent que la vente sera annulée afin de pouvoir à son tour se porter acquéreur du domaine.

V.M.

(1) Une zone blanche est, dans le domaine des télécommunications, une zone du territoire qui n'est pas desservie par un réseau donné, plus particulièrement un réseau de téléphonie mobile ou Internet. Il s'agit souvent des zones les moins densément peuplées (typiquement les zones rurales), pour lesquelles les opérateurs n'ont pas intérêt à investir dans les équipements nécessaires, car ils ne peuvent pas espérer une exploitation rentable. D'après Wikipédia, en France en 2008, 99,82 % de la population est couverte par les réseaux de téléphonie mobile, pour seulement 97,7 % du territoire. (2) Robin des Toits est née le 19 mai 2004. La mission de cette association est de veiller à la sécurité sanitaire des populations exposées aux nouvelles technologies de télécommunications sans fil.

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Source : http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/onde-de-choc-pour-electrosensibles

Robin Des Toits
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