'Nouvelle querelle sur l'impact du téléphone mobile' - Le Monde - 28/08/2009



Des scientifiques de quatorze pays se livrent à une critique en règle de l'étude Interphone, enquête internationale sur l'influence de l'usage du téléphone mobile sur les risques de cancer, en partie financée par les opérateurs de téléphonie, dont les résultats finaux se font toujours attendre.

Dans un rapport qui vient d'être mis en ligne, "Cellphones and Brain Tumors : 15 reasons for concern" (Téléphone mobile et tumeurs cérébrales : 15 raisons de s'inquiéter), ils pointent les différences entre les résultats intermédiaires d'Interphone, qui sous-estiment selon eux le risque de tumeur cérébrale, voire montrent un "effet protecteur" paradoxal chez les usagers du téléphone mobile, et des "études scientifiques indépendantes", qui au contraire soulignent ce risque.

Ces discordances résulteraient de "défauts de conception" d'Interphone, que le rapport recense. Des critiques qui sont pour partie partagées et pour partie rejetées par les épidémiologistes que Le Monde a interrogés. Nous n'avons pas réussi à joindre les responsables d'Interphone pour recueillir leurs réactions.

EFFET PROTECTEUR

L'étude Interphone est la plus vaste enquête épidémiologique sur le risque de tumeurs cérébrales qui pourrait être lié à l'utilisation du téléphone mobile. Elle a été lancée en 2000 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une structure qui fait partie de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Publié en 2001, le protocole prévoit une durée de recherche de 5 à 6 ans, à partir du moment où le financement est réuni et l'étude prête à démarrer. Interphone est menée en parallèle dans treize pays.

Pour l'instant les chercheurs d'Interphone ont réalisé 14 publications, rendant compte pour 11 d'entre elles de résultats nationaux et, de résultats combinés sur cinq pays pour les 3 autres. La publication des résultats d'ensemble se fait attendre depuis plusieurs années. L'étude finale serait en attente de publication dans une revue internationale.

Se situant dans le fil du rapport Bioinitiative - une série de contributions de scientifiques internationaux - qui dénonce les dangers des rayonnements électromagnétiques, le nouveau document souligne l'ampleur de ce retard : "Quatre ans depuis la première date promise."

Les auteurs mettent l'accent sur un fait "surprenant" : "Le résultat dominant dans l'ensemble des 14 études était que l'utilisation d'un téléphone mobile protège l'utilisateur des tumeurs cérébrales. Deux conclusions sont possibles à partir de ce résultat peu vraisemblable : soit l'utilisation d'un téléphone mobile donne réellement une protection à l'égard des tumeurs cérébrales, soit l'étude est fondamentalement biaisée."

Un point de vue contesté par le professeur Denis Zmirou-Navier (Inserm, Nancy) : "Dans les résultats publiés, certaines études donnent des résultats où le risque n'est pas évident, mais il n'y a pas d'effet protecteur démontré et pour les utilisateurs depuis plus de dix ans, comme le reconnaît le rapport, il y a bien une augmentation du risque."

BIAIS DE RECRUTEMENT

S'étonnant de cette contradiction avec les résultats d'autres études, dont certaines entièrement financées par les opérateurs téléphoniques, le rapport décrit onze défauts dans la conception d'Interphone.

Plusieurs concernent des biais de recrutement des individus non atteints par une tumeur, d'utilisateurs de longue durée (plus de dix ans), d'adultes jeunes et d'enfants ou encore de personnes vivant en milieu rural. L'ensemble de ces biais tendant à entraîner une sous-estimation du risque.

Si les épidémiologistes consultés ne contestent pas certains biais de recrutement, notamment celui des individus sains, certaines critiques sont rejetées. "Il faut évaluer le protocole d'Interphone à la lumière des connaissances et des comportements de 1999-2000 et non pas ceux d'aujourd'hui, explique Denis Zmirou-Navier. A l'époque, trouver des utilisateurs de longue durée ailleurs que parmi les urbains trentenaires et plus, n'avait rien d'évident."

Pour le professeur Bernard Bégaud (Inserm, université Bordeaux II), qui dit partager les recommandations faites par les auteurs du rapport, "les critiques sur ce point sont exactes, mais il y a contradiction entre vouloir inclure des enfants et demander plus d'utilisateurs de longue durée."

Le rapport critique également le choix pour Interphone de ne prendre en compte que certains types de tumeurs cérébrales, en l'occurrence les plus fréquentes et celles localisées près de l'oreille (nerf acoustique, glande parotide). Il reproche dans certaines des études publiées le fait que les personnes décédées ou n'étant plus en état de répondre ont été écartées de l'étude. "C'est une situation classique et un vrai problème dans les études de cas-témoins, explique Bernard Bégaud, mais il paraît difficile dans des études reposant sur un entretien, d'interroger les morts."

Enfin, le rapport estime que la participation des industriels au financement d'Interphone, à côté de sources publiques, constitue une autre source de biais.

http://www.radiationresearch.org
Paul Benkimoun

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Source : http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/08/28/nouvelle-querelle-sur-l-impact-du-telephone-mobile_1232822_3244.html#xtor=RSS-3244

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Voir également :

- 'Utilisation du téléphone mobile et risque de tumeurs bénignes et malignes de la glande parotide - Étude cas-témoin nationale' : Sadetzki et al. - Déc. 2007

- JT France 2 (13h) - Téléphone portable et risque de cancer : l'étude Interphone - 15/10/2008

- 'Le GSM est cancérigène' - UNE du Soir - 15/10/2008

- Le Rapport Zmirou : des résultats rassurants MAIS... - JT France 2 et M6 - printemps 2003

- Denis Zmirou , 'Pourquoi j'ai démissionné de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE)' - Le Monde, 10/06/2005

- Réactions des scientifiques du CSIF/CEM au rapport de l'AFSSE - 24/04/2003

Robin Des Toits
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