'Le cerveau victime d'une guerre des ondes ?' : Le Monde de l'Intelligence - Avril - Juin 2008

Dossier réalisé Par Maxence Layet



Le Monde de l’intelligence n° 12
avril-mai-juin 2008

DOSSIER Les pollutions du cerveau
Sommaire :
- les pollution électromagnétiques
- agir sur le cerveau à distance ?
- soigner par les ondes

En couverture :
Troubles du sommeil, trous de mémoire, difficultés d'apprentissage, maladies neuro-dégénératives...
Le cerveau victime d'une guerre des ondes ?

EXTRAITS (les pollution électromagnétiques) :

Wifi, UMTS, GSM, TNT… Les ondes électromagnétiques ont envahi notre environnement, générant tous azimuts une pollution inédite. « Délétère » de l’avis de certains chercheurs. Ce phénomène récent, vieux d’une dizaine d’années et illustré par l’invasion des téléphones sans fil, préparerait un scandale sanitaire digne de l’amiante ou du tabac. Des études déjà publiées témoignent d’un risque accru de tumeurs cérébrales chez les utilisateurs intensifs de téléphone mobile. D’autres soulignent des liens avec le développement de maladies neurodégénératives.
Car notre cerveau se révèle particulièrement sensible aux micro-ondes pulsées utilisées par ces machines. Au point d’en prendre le contre pied, et de parvenir un jour à mettre au point de nouvelles machines capables de nous guérir à l’aide d’une série d’ondes. Bien pensées cette fois-là...


BIO : L’épidémiologiste George Carlo est l’un des plus éminents spécialistes des pollutions électromagnétiques. Médecin, juriste et expert en santé publique américain. Actuellement président du Science and Policy Public Institute (SPPI), le Dr Carlo est à l’origine du Safe Wireless Initiative (SWI), projet destiné à promouvoir les solutions pouvant réduire l’exposition aux pollutions électromagnétiques, à aider les malades ou informer les médecins.


Le cerveau victime de la guerre des ondes

Dans un entretien exclusif, George Carlo, spécialiste mondial des pollutions électromagnétiques, nous montre à quel point le cerveau en premier lieu, mais aussi l’ensemble du corps humain, serait victime d’une véritable guerre des ondes : Troubles du sommeil, trous de mémoire, difficultés
d’apprentissage, maladies neurodégénératives, tumeurs cérébrales…
etc. Est-on dans la situation de la découverte des méfaits du tabac au début des années 60 ? Explications.
propos recueillis PAR Maxence Layet

Question : En quoi les pollutions électromagnétiques de la téléphonie mobile, ou des technologies de l’internet sans fil, posent-elles selon vous un grave problème de santé publique ?

George Carlo : Bien que les connaissances scientifiques sur la question des effets des rayonnements électromagnétiques sur la santé aient progressé depuis plus de 20 ans, la vraie percée est assez récente. C’est au cours des deux dernières années que les mécanismes pathogènes expliquant les effets nocifs de ces rayonnements ont été pleinement compris.

Quatre types d’effets particuliers ont été mis en évidence. Chaque mécanisme pathologique est lié à une gamme de fréquences différente, bien distincte. Les champs magnétiques basses fréquences tout d’abord (abrégé BF ou EBF, ou ELF en anglais) générées par les installations électriques perturbent au-delà d’un certain niveau de puissance les jonctions communicantes impliquées dans la communication intercellulaire, là où ces canaux intercellulaires permettent par exemple la synchronisation des comportements cellulaires, la transmission des signaux nerveux ou le maintien de la concentration minérale au sein des cellules et des tissus. Seconde catégorie, les radiations ionisantes (celles par exemple des ultraviolets, des rayons x ou de la radioactivité) dont la très haute énergie casse les liaisons moléculaires. Leur seuil d’effet, les doses de radiation nécessaires sont aujourd’hui cliniquement bien identifiées. Les microondes, du type de celles utilisées pour les communications sans fil, agissent-elles par effet thermique, à partir d’un certain seuil également établi. Mais la percée décisive est la découverte que lorsque ces micro-ondes deviennent porteuses d’informations, modulées ou pulsées comme dans le cas des technologies sans fil, elles endommagent les membranes cellulaires selon un mécanisme qui ne dépend lui d’aucun seuil déclencheur. Le cumul de ces quatre mécanismes induit une sérieuse menace sur la santé publique. Non seulement à cause des effets directs, manifestés à travers un certain nombre de maladies très différentes, mais aussi à cause des effets de synergie à l’image de ceux que nous pensons observer dans le cas de l’autisme.

Quelles sont les maladies directement liées à la pollution électromagnétique ?

Le problème fondamental de la très large exposition du public aux ondes des communications sans fil, est la grave perturbation qu’elles occasionnent à l’échelle de la membrane cellulaire. Ce qui impact des processus physiologiques majeurs tels que la perméabilité cellulaire, l’activité des pompes membranaires, des canaux ioniques, etc. De là, selon la personne exposée, toute une palette de symptômes ou de dysfonctionnements peut apparaître. Ces maladies rassembleraient ainsi : troubles du sommeil, trous de mémoire, difficultés d’apprentissage et de l’attention, hyperactivité, vertiges, crises d’angoisse ou d’anxiété inexpliquées, fibromyalgie, éruptions cutanées, problèmes digestifs, hypersensibilité chimique multiple, maladies neurodégénératives, tumeurs cérébrales, leucémies… Face à cette diversité du tableau clinique, le paradigme habituel de la « causalité unique » suivie en santé publique – où un facteur d’exposition produit un effet donné – se trouve battu en brèche. Ceci explique pourquoi la quasi-totalité des agences sanitaires du monde entier passe à côté.

Au sujet des agences sanitaires gouvernementales, leurs positions ont toujours été jusqu’ici rassurantes, écartant tout danger avéré ou presque… Comment expliquer ces recommandations « a minima » ?

À mon sens, les agences sanitaires officielles ont entre 6 et 10 ans de retard sur la prise en compte des dernières données médicales dans les réglementations. Cela représente un sérieux problème en terme de santé publique. Si l’on regarde les données de la littérature scientifique aujourd’hui disponibles et publiées dans des revues à comité de lecture, on peut selon moi estimer que, chaque année depuis 2006, 40 000 à 50 000 nouveaux cas de tumeurs cérébrales et oculaires sont directement imputables aux téléphones mobiles. Nous nous attendons à ce que ce nombre approche les 400 000 cas par an en 2010. Globalement, près de 4 milliards de personnes sont quotidiennement exposées à des technologies sans fil provoquant des effets nocifs sur n’importe quelle membrane cellulaire. Des milliers de personnes à travers le monde présentent actuellement des symptômes flagrants dus à ces expositions. Il est évident que les agences de régulation gouvernementales ne sont pas en mesure d’agir aussi vite qu’il le faudrait pour aider les populations. C’est aussi maintenant précisément pourquoi l’information des populations doit être faite par les médecins soignant des patients souffrant de ces maladies. Il s’agit désormais du seul moyen d’obtenir sur cette question les informations servant la santé publique. Parmi les scientifiques indépendants ou les médecins qui traitent aujourd’hui de plus en plus de patients souffrant d’élec trohypersensibilité ou de troubles liés, il ne fait aucun doute que l’exposition aux rayonnements électromagnétiques – particulièrement ceux des technologies sans fil utilisant des micro-ondes, représente un grave problème émergent de santé publique. Toutefois, les scientifiques en relation avec l’industrie voient apparemment les choses autrement.

Cette inertie expliquerait-elle la polémique actuelle ?

Un autre facteur déterminant est l’influence de l’industrie des télécoms sur la science elle-même et son poids dans la présentation aux médias des résultats. Des données scientifiques sont couramment réécrites ou supprimées en raison d’intérêts économiques et financiers. Dans le domaine de la recherche sur les rayonnements électromagnétiques, l’influence des entreprises est telle que lorsque les financements des recherches sont d’origine industrielle, les études ont six fois moins de chances de conclure à un effet que lorsque les budgets de ces études viennent de fonds publics. Tout ceci bien sûr au détriment de la santé publique.

Quelles sont d’après vous les mesures les mieux adaptées pour vaincre la pollution électromagnétique globale ?

La solution à long terme consiste à adopter une infrastructure télécoms conjuguant transmissions par fibre optique et émissions sans fil. Cette transition est déjà en cours dans de nombreux pays, sans que cela soit lié à des raisons sanitaires d’ailleurs. Dans cette perspective, avec un réseau de télécommunications composé à 80 % de fibres optiques et à 20 % de signaux de sans-fil, une grande partie des risques sanitaires pourrait être atténuée. À court terme, il n’existe aucune solution miracle bien qu’il soit bien entendu possible de diminuer les risques en associant différents moyens d’intervention. Au niveau primaire, il s’agit d’éliminer les sources d’électropollutions ou les effets biologiques consécutifs de l’exposition ; en second, d’atténuer les symptômes résultant de l’exposition ; la troisième piste vise à réparer les dommages causés aux victimes. Toutefois, il est clair que de ce point de vue, les interventions sur les usagers sont des réponses à court terme. La solution à long terme d’une infrastructure « adaptée » requiert à la fois des moyens importants et du courage politique.

Le site officiel de la Safe Wireless Initiative : http://www.safewireless.org/


Un rapport indirect avec l’autisme ?

L’une des recherches de la Wireless Safe Initiative, publiée en 2007, suggère un rôle significatif de « l’électrosmog » et des communications sans fil dans la manifestation de l’autisme, dont le nombre augmenterait fortement depuis une dizaine d’années. Le lien mis en évidence sur l’exposition électromagnétique et la concentration en métaux lourds dans l’organisme des malades suivis : 350 autistes sévères, certains engagés dans des régimes de détoxification et de drainage de leur organisme en métaux lourds. Exposés à des micro-ondes pulsées, les canaux de communication de la cellule se ferment, piégeant à l’intérieur des métaux lourds comme le mercure. Ces métaux lourds perturbent les échanges de l’ADN et provoquent une mutation génétique lors de la division cellulaire, contribuant à l’autisme. Il s’agit d’un mécanisme indirect, mais cette étude fournit les premières données médicales validant l’hypothèse.

« Wireless radiation in the etiology and treatment of Autism (…) », Tamara J. Mariea, George L. Carlo, Journal of the Australasian College of Nutritional & Environnemental Medicine, Vol. 26 N°2, août 2007

© Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS)
La gamme des rayonnements électromagnétiques se répartit en deux groupes : les rayonnements ionisants et les non ionisants, en fonction de la quantité d’énergie transportée. Les rayonnements non ionisants regroupent les basses fréquences, les radiofréquences (utilisées par la radio FM, AM, la TV, les CB…) et les hyperfréquences, appelées aussi micro-ondes, qu’émettent et reçoivent les radars, antennes et téléphones GSM, UMTS, wifi, WiMax… Viennent ensuite l’infrarouge puis la lumière visible, ondes dont nos yeux sont les premiers capteurs.

DAS
Débit d’Absorption Spécifique, mesure la quantité d’énergie électromagnétique absorbée pour un volume de matière donnée. S’exprime en Watt par kilogrammes (W/kg), la norme limite du DAS est fixée en Europe à 2 W/kg pour la tête.


Au-delà de dix ans d’utilisation, le risque de développer une tumeur cérébrale du côté où le téléphone est porté serait multiplié par deux.

les Tumeurs du GSM

> Doublement du risque (2,4) uvéal (Jockel 2001) de tumeurs neuro-épithéliales, dans la zone la plus proche du téléphone (Carlo 1999)

> Risque de développer un gliome multiplé par deux au-delà de dix ans d’utilisation, du côté où l’appareil est porté à l’oreille (Interphone, Hardell 2007, Hours 2007, Schuz 2006)

> Les utilisateurs de téléphone mobile ont quatre fois plus de risque de développer un mélanome uvéal (Jockel 2001)

> Risque de cancer des glandes salivaires accru de plus de 50 % chez les gros utilisateurs de mobiles (Interphone, Sadetski 2008)


La guerre des ondes a commencé… le cas du GSM
Vieillissement cutané, tumeurs cérébrales, cassures d’ADN… L’exposition aux rayonnements de la téléphonie mobile suscite de nombreuses réactions de la part des organismes vivants, humains inclus, dont les effets nocifs pourront mettre plusieurs années pour se manifester. Les études récentes cumulent des résultats dépourvus d’ambiguïté, confirmant les avertissements des experts les plus prudents. Sur la ligne de front, notre cerveau reste l’organe le plus exposé…

C’est une première. Une étude financée par l’Autorité Finlandaise sur les Rayonnements et la Sûreté Nucléaire (STUK) vient de prouver début 2008 l’effet biologique direct d’un téléphone mobile sur un être humain, in vivo, à des niveaux de puissance représentatifs de la vie quotidienne. L’étude, menée sur une dizaine de volontaires, a consisté à exposer une partie de leur avant-bras au rayonnement GSM d’un téléphone mobile, à un DAS (indice qui mesure le niveau de radiofréquences émis par le portable) fixé à 1,3 W/kg. Après une heure d’exposition, des prélèvements de peau ont été effectués. Bilan des analyses : la production de 8 protéines, parmi 580, s’est trouvée modifiée de manière statistiquement significative. Pire encore, deux d’entre elles se retrouvent chez tous les sujets. Ce qui ouvre la piste de marqueurs biochimiques spécifiques, révélateurs chez l’homme d’une situation de pollution électromagnétique.

Stress cutanés
Le rôle et les conséquences précises de la modification de ces protéines restent difficiles à appréhender pour l’instant. Mais, « même si ces changements sont infimes, ils existent malgré tout » souligne Dariusz Leszczynski, le biochimiste responsable du STUK « Cela signifie que le corps humain reconnaît et réagit à ces rayonnements non-ionisants ». Ces résultats sont, de plus, similaires à ceux déjà obtenus par Dariusz Leszczynski sur des cultures in vitro. Ceci devrait rendre le sourire au fabricant de cosmétiques Clarins, plongé depuis janvier 2007 dans un imbroglio d’enquêtes pour fraude au consommateur dans plusieurs pays européens, suite à ses allégations sur l’impact des rayonnements GSM sur la peau et le lancement d’un produit – le spray Expertise 3P – susceptible d’atténuer ces effets.

Selon le groupe français, l’exposition du derme à la pollution électromagnétique des téléphones mobiles provoque un ralentissement du renouvellement cellulaire de la peau (-26 %), une surproduction de radicaux libres (+ 19 %) et l’apparition de protéines de stress. 6 heures d’exposition suffisent, témoignent les relevés de tests in vitro publiés par l’entreprise. La promotion et l’utilisation à des fins commerciales de ces dommages cutanés, observés sous contrôle du CNRS, ont déclenché les foudres publiques. L’autorité publicitaire britannique conteste par exemple à Clarins la représentativité de ses tests in vitro et interdit d’antenne ses spots. La Suisse et la France devraient également se prononcer sur la fiabilité scientifique des messages diffusés.

L’apparition de protéines de stress est pourtant une réaction fréquente des organismes exposés aux micro-ondes des communications sans fil. On en observe depuis une dizaine d’années sur de nombreux êtres vivants. Sur des rats, des drosophiles, des vers de terre. Même, tout dernièrement, sur des tomates… L’expérience, conduite à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, signale l’arrivée de ces messagers chimiques après 15 minutes d’exposition à des émissions GSM représentatives des niveaux ambiants ! Ces réactions moléculaires sont typiques d’un signal de douleur ou d’un processus de défense cellulaire, estiment les experts. Mais de là à prouver un éventuel impact sur la santé des usagers, il va falloir attendre encore quelques années…

Tumeurs à long terme
« Le problème fondamental lors de la synthèse des preuves épidémiologiques est la période courte d’utilisation du téléphone mobile prise en compte. Si l’on se concentre sur une durée d’exposition dépassant les 10 ans, ce qui est le minimum requis en terme d’évaluation du risque, les estimations liées à l’usage du téléphone mobile montrent globalement une augmentation de 25 % du risque de toutes les formes de tumeurs cérébrales, » avertit le professeur Michaël Kundi, de l’Institut de Santé Environnementale, à l’Université de Médecine de Vienne, et l’un des signataires du rapport Bioinitiative d’août 2007 (cf. notre encadré ci-après). Michaël Kundi conclut « Mais cela nous renseigne peu sur le risque réel, à l’échelle d’une vie. Il peut se révéler négligeable, comme être multiplié de façon substantielle. » L’analyse des dix-huit études déjà parues dans le cadre du projet Interphone (cf. l’encadré), ainsi qu’une recherche publiée dans la revue Occupational and Environmental Medecine en septembre 2007, montre qu’au-delà de dix ans d’utilisation, le risque de développer une tumeur cérébrale maligne – un gliome – du côté où l’appareil est porté serait multiplié par deux. Dans les mêmes conditions, le risque serait deux fois et demi plus élevé dans le cas des neuromes ou neurinomes acoustiques, tumeurs jugées bénignes touchant au nerf auditif. L’augmentation du risque de tumeurs cérébrales transparaît aussi au sein de l’étude Interphone France, également parue en septembre 2007. « L’usage régulier du téléphone mobile n’est pas lié à une augmentation du risque de neurinomes, de méningiomes ou de gliomes », avancent d’abord les signataires de cette étude menée entre Lyon et Paris, auprès de 800 personnes, de 2001 à 2003. Mais rajoutent : « Bien que ces résultats ne soient pas significatifs, il semble toutefois exister une tendance générale à une augmentation du risque de gliome chez les plus « gros consommateurs » de téléphonie mobile : utilisateurs de longue durée, au temps de communication élevé et ayant utilisé un plus grand nombre de téléphones. »


Michaël Kundi - Institut de Santé Environnementale, à l’Université de Médecine de Vienne
« C’est le même type d’arguments que ceux utilisés par l’industrie du tabac dans les années 1960 pour éviter un lien entre tabac et cancer du poumon. »

Les études scientifiques qui prouvent !

BIOINITIATIVE
Disponible depuis août 2007, cosigné d’une quinzaine d’experts du bioélectromagnétisme prônant le principe de précaution, le rapport du Groupe de travail Bioinitiative passe en revue les conclusions de plus de 1600 études scientifiques et propose un véritable condensé de l’impact des émissions électromagnétiques sur le vivant. Ses 600 pages relatent tous les effets identifiés (tumeurs, leucémies, génotoxicité, etc.). Des recommandations précises pour réduire l’exposition des personnes sont aussi formulées.

REFLEX
Conduite de 2000 à 2004, l’étude Reflex a été financée par l’Union Européenne, la Suisse et la Finlande. Les expérimentations menées sous l’égide de la Fondation Verum, dans 12 laboratoires et 7 pays européens, ont été réalisées en « double aveugle », sur l’ADN de cellules humaines et animales. Elles ont pu établir que les champs électromagnétiques générés par les téléphones mobiles généraient des ruptures simples et doubles des brins d’ADN, augmentant les aberrations chromosomiques.

INTERPHONE
Coordonné par le Centre International de Recherche contre le Cancer de l’OMS depuis 1999, Interphone vise à préciser le risque de tumeurs causées par l’utilisation du téléphone mobile, à l’aide d’études cas-témoins nationales, comparant des échantillons de populations exposées ou non. Organisée dans 13 pays (dont la France) et totalisant 2600 gliomes, 2300 méningiomes, 1100 neurinomes acoustiques et 400 tumeurs de la glande salivaire, l’étude Interphone est considérée comme la plus grande étude épidémiologique lancée à ce jour. Des problèmes d’ordre méthodologique sont mis en avant par les coordinateurs de l’étude pour expliquer le retard pris dans la mise en commun et la publication de conclusions globales, attendues depuis 2003. « Il est temps de livrer les résultats d’Interphone, s’insurge le journaliste américain Louis Slesin, éditeur de la lettre spécialisée Microwave News. Une version finalisée de l’étude est prête depuis bientôt deux ans, mais n’a toujours pas été soumise à publication » Selon ce journaliste réputé, connu pour avoir levé le voile sur les liens financiers discrets associant des industriels des télécoms à l’ancien patron du département “champs électromagnétiques et santé” de l’OMS (démissionnaire depuis et appelé à d’autres fonctions), le blocage d’Interphone viendrait de divergences d’appréciation entre auteurs des études. Là où certains voient une hausse flagrante du risque de tumeurs cérébrales, notamment à long terme ou du côté où le téléphone est le plus utilisé. D’autres estiment au contraire qu’il n’existe aucun risque substantiel… Même lorsque les chiffres suggèrent le contraire ! C’est le cas par exemple d’une étude japonaise publiée en janvier 2008 qui, avant de conclure à une absence de risque, réfute d’abord l’augmentation du risque constaté. Pour cause de biais, d’erreurs de remémoration attribuées par les auteurs aux 322 patients interrogés. Peu importe que le risque de gliome – une tumeur cérébrale touchant les cellules gliales – apparaisse comme 6 fois plus élevé chez les plus gros utilisateurs. À l’inverse, les résultats du Dr. Siegal Sadetski, annoncés en décembre 2007 et publiés en février 2008, se veulent nets et sans ambiguïtés. L’épidémiologiste responsable de l’étude Interphone israélienne considère avoir démontré avec ses collègues du Centre médical Chaim Sheba, le plus grand hôpital de Jérusalem, situé à Tel Aviv, « un lien de cause à effet entre l’utilisation des portables et le développement de tumeurs des glandes parotides (la plus grosse des glandes salivaires, situées sous l’oreille, NDLR) ». D’autant que, plus l’usage du téléphone augmente, plus le danger s’accroît. « Le risque est augmenté de 50 % chez les personnes qui utilisent leur portable pendant plus de 22 heures par mois » poursuivent les auteurs qui ont comparé 460 patients atteints de tumeurs des glandes parotides avec une population témoin de plus de 1200 personnes, entre 2001 et 2003. Là encore, la seule moyenne globale ne concluait à aucun risque accru. C’est l’analyse de sous-groupes spécifiques – les utilisateurs intensifs, ou ceux résidant dans des zones à la campagne, où la connexion du téléphone avec l’antennerelais requiert plus de puissance – qui a permis d’établir ces risques particuliers. « Le temps est fini où l’on pouvait dire que cette technologie ne provoquait aucun dommage », a ainsi déclaré Siegal Sadetski à la presse israélienne. « Nous devons à la fois inciter les gens à utiliser plus systématiquement les kits mainlibres, et réévaluer les normes en matière de téléphonie mobile, » a-t-elle ajouté afin de limiter l’exposition des utilisateurs.

« Mobile phone use (…) and brain tumour, Yamaguchi », British Journal of Cancer, janvier 2008.

« Cellular phone use (…) nationwide casecontrol study ». Sadetski & coll. American Journal of Epidemiology, février 2008


Antenne-relais : attention danger ?

Pour qu’un téléphone mobile puisse émettre et recevoir des signaux, il doit être relié à un relais ou une station de base, également appelé antennerelais. Les réseaux des opérateurs de téléphonie mobile sont constitués d’un maillage ces « super-antennes » qui permettent de couvrir un territoire et de téléphoner sans coupure. « Compte tenu des très faibles niveaux d’exposition et des résultats des travaux de recherche obtenus à ce jour, il n’existe aucun élément scientifique probant confirmant d’éventuels effets nocifs des stations de base et des réseaux sans fil pour la santé, » affirme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans la dernière version de son aide-mémoire sur les relations entre les champs électromagnétiques, la santé publique, les stations de base et les technologies sans fil. Pourtant, sur les bases de données sanitaires de l’OMS elle-même et du site américain PubMed recensant les études abordant l’impact sanitaire des antennes relais sur leurs riverains, huit des dix études publiées contredisent l’avis de l’institution international et concluent à un effet sur la santé des antennes relais. De la simple irritabilité à l’état dépressif, troubles du sommeil ou nombre accru de cancers, les pathologies recensées sont nombreuses. « Malgré une très faible exposition, les effets sur le bien-être et la performance ne peuvent être écartés » nous confirme ainsi l’épidémiologiste autrichien Hans- Peter Hutter, spécialiste de médecine environnementale à l’Université de médecine de Vienne et auteur d’une des plus récentes études sur le sujet. Visités à domicile, les 356 riverains étudiés ont passé des tests cognitifs, sur la mémoire, la perception, etc. et répondu à des questions sur leur état de santé et la qualité de leur sommeil. « Les mesures faites à leur domicile montrent une relation significative de certains, comme les migraines, les troubles de la concentration ou de sensations de froid aux extrémités des membres, peuvent être associées aux niveaux de puissance les plus élevés des micro-ondes rayonnés par les antennes à proximité »

Champs électromagnétiques et santé publique, Aide-mémoire n°304 de l’OMS, mai 2006

Subjective symptoms (…) in subjects living near mobile phone base stations. Hutter et coll. Occup Environ Med. Mai 2006.

Localiser l’antenne relais la plus proche de chez soi : www.cartoradio.fr


Les rayonnements 3G seraient dix fois plus préjudiciables que ceux du GSM classique

Une forte association causale
Prudents, les auteurs Interphone France préfèrent conclure : « Nos résultats, suggérant la possibilité d’un risque accru au sein des plus gros utilisateurs, doivent encore être vérifiés dans les analyses de l’étude internationale Interphone. » Un bilan attendu depuis 2003. « C’est vraiment un débat d’une autre époque » estime Michaël Kundi, qui préfère parler de « forte association causale » plutôt de « causalité directe ». Au cours de la dernière décennie, les arguments mis en avant ont changé de forme. « Il y a de cela quelques années, on niait encore toute association entre l’exposition aux champs de la téléphonie mobile et l’augmentation des risques sanitaires. Les termes employés maintenant sont que certaines (faibles) associations existent, mais qu’aucun rôle causal direct n’a été mis en évidence, poursuit le médecin épidémiologiste. C’est le même type d’arguments que ceux utilisés par l’industrie du tabac dans les années 1960 pour éviter les conséquences des preuves de l’association entre le tabagisme et le cancer du poumon. »

Ce mobile qui gêne énormément ?
Comment expliquer cette recrudescence de tumeurs ? Un mécanisme plausible, avancé par différentes équipes de chercheurs dès 1995, tient à la génotoxicité. Car les rayonnements des mobiles endommagent les liaisons ADN et génèrent des aberrations chromosomiques. Phénomènes qui augmentent le risque de mutation ou mort cellulaire. D’où l’apparition progressive de cancers. Lors du rapport Bioinitiative, les membres du groupe de travail ont dressé un bilan quasi-exhaustif des publications traitant des gènes soumis à des rayonnements micro-ondes. Sur un total des 28 études portant sur l’ADN, 50 % rapportent des effets et 50 % aucun. Parmi les 29 études explorant l’influence des rayonnements sur la micronucléation, 16 relatent des effets significatifs, et 13 aucun. Enfin, sur les 21 études ciblant les dégâts sur l’ADN et les chromosomes, 13 travaux (62 %) concluent à des effets et 8 (35 %) non. L’illustration la plus frappante est sans doute celle du projet européen Reflex (cf. encadré). Il s’agissait d’exposer in vitro différentes cultures cellulaires humaines – fibroblastes, lymphocytes… – à une batterie d’expositions électromagnétiques GSM. Puis d’observer dans un second temps si ces rayonnements avaient causé des effets génotoxiques et phénotypiques susceptibles d’entraîner des pathologies cancéreuses et/ou neurodégénératives. Ce que les résultats de Reflex ont confirmé en constatant, de façon nette, évidente et répétée, des ruptures simples ou doubles de brins d’ADN dans plusieurs types de cellules. Nul besoin, en outre, de puissances faramineuses. Les dommages surviendraient à des valeurs de DAS (niveau de radiofréquences émis par le portable) bien inférieures aux normes européennes de sécurité en vigueur actuellement. Le temps d’exposition ponctuel ou cumulé, affectant aussi la réponse de l’organisme.
Dans le cas des rayonnements 3G, par exemple, les dommages seraient amplifiés. « Les rayonnements UMTS sont dix fois plus préjudiciables que ceux du GSM classique, a ainsi déclaré le coordinateur général de l’Etude Reflex, le professeur Adlkofer, après avoir fait tester l’UMTS à l’Université de médecine de Vienne, en 2007. Des coupures de brins ADN apparaissent à seulement 1/40e des valeurs limites, les signaux UMTS ont une efficacité presque dix fois supérieure à celui du GSM. ».
Doit-on au final jeter son téléphone portable ? Sûrement pas ! En revanche, nous ne pouvons que recommander à nos lecteurs l’utilisation d’une oreillette filaire en cas d’utilisation intensive de votre mobile…

« Mobile phone radiation might alter protein expression in human skin », Leszczynski & coll., BMC Genomics 2008

« High frequency (…) and energy charge in tomato. » Roux, Vian & coll., Planta, Nov 2007.

Interphone, parutions et bilan officiels : www.iarc.fr

Bioinitiative Working Group : www.bioinitiative.org

Le programme Reflex, de la Verum Foundation : www.verum-foundation.de


Guerre des ondes : le cas du Wifi

Pas de Wifi dans les bibliothèques parisiennes ! Tel est en substance le message du moratoire adopté le 28 novembre 2007 par le Comité hygiène et sécurité (CHS) de la direction des affaires culturelles de la ville de Paris. Un avertissement fort, fondé sur le risque sanitaire. Tandis que certaines grandes villes comme Nantes ou Lyon envisagent une pleine couverture précise sur le Wifi, rappelle Martine Hours, médecin épidémiologiste et président du conseil scientifique de la Fondation Santé Radiofréquences. Ce manque d’informations doit susciter une attention particulière, une certaine vigilance… Mais sans mettre non plus toute nouvelle technologie à la poubelle. C’est pourquoi nous avons décidé de soutenir deux ou trois projets de recherche dont nous aurons les résultats en 2009. »

« Paris dit non au wifi dans les bibliothèques municipales ! »

Wifi, Le Mans rejoint la position parisienne et refuse l’internet sans fil à sa médiathèque. Ce mouvement « de précaution » pourrait remettre en cause l’équipement des écoles en Wifi. Nîmes par exemple se pose la question.

L’affaire, une première en France, a débuté à la rentrée 2007, lorsqu’une quarantaine de personnes, parmi la centaine travaillant dans six bibliothèques d’arrondissement de la Ville de Paris - 10e, 11e, 13e, 14e, 16e et 18e - se plaignent de différents malaises. Des maux de tête, des vertiges, des nausées, des fatigues et douleurs musculaires inexpliquées. Des troubles soudains, uniquement présents sur leur lieu de travail et d’autant plus suspects qu’ils sont apparus simultanément, dans la foulée de l’installation du Wifi. Et qu’ils sont aussi bien connus des spécialistes de la maladie des micro-ondes, dont les symptômes ont été listés au cours des années 1970, auprès des équipes exposées aux rayonnements des installations radars militaires. Des émissions radars dans la même gamme de fréquences que celle du Wifi. Les quatre heures d’audience des salariés, soutenus par leur syndicat, ont déterminé la décision du CHS.

« Il n’existe pas à ce jour d’étude précise sur le Wifi, rappelle Martine Hours, médecin épidémiologiste et président du conseil scientifique de la Fondation Santé Radiofréquences. Ce manque d’informations doit susciter une attention particulière, une certaine vigilance… Mais sans mettre non plus toute nouvelle technologie à la poubelle. C’est pourquoi nous avons décidé de soutenir deux ou trois projets de recherche dont nous aurons les résultats en 2009. » Un calcul fait en Angleterre, par la Health Protection Agency, a calculé qu’une année entière passée à côté d’une borne Wifi revient à recevoir la même quantité d’énergie électromagnétique qu’environ vingt minutes d’un téléphone portable. En France, néanmoins, pour limiter son exposition individuelle, le Centre de recherche et d’informations sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem) recommande de se tenir éloigné d’au moins un mètre et de débrancher son wifi chaque soir afin d’éviter tout rayonnement permanent. D’autres wifisensibles conseillent en plus d’envelopper sa borne wifi de papier-alu, afin de limiter tout rayonnement « par défaut ». En Europe, durant l’été 2007, le gouvernement allemand a officiellement conseillé aux familles de « réduire au maximum leur exposition » et de privilégier une connexion filaire, par câble réseau (qui plus est dix fois plus rapide), aux diverses solutions sans fil.

En attendant la fibre optique pour tous, le courant porteur de ligne (CPL), qui transporte les données via les fils du réseau électrique, se présente comme une séduisante alternative. À condition de ne pas stationner le pied ou le corps à proximité de la prise.


Guerre des ondes : le cas des basses fréquences

Le risque avait été souligné dès 1996, mais il a fallu une dizaine d’années pour disposer des éléments épidémiologiques permettant d’établir le lien entre la pollution électromagnétique basse fréquence – mesurée en puissance de champ magnétique – et la maladie d’Alzheimer.
La démonstration en revient à l’Université de Berne, dans une analyse des causes de 5 413 décès parmi les 20 141 employés des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) entre 1972 et 2002, en tenant compte du degré d’exposition aux charges magnétiques induites dans leur métier. Le risque le plus élevé se trouve au sein du groupe le plus exposé : les conducteurs de locomotive, avec une exposition moyenne de 21 microTesla, dont des pics à plus de 100 microTesla. Leur risque de contracter la maladie d’Alzheimer s’avère trois fois plus élevé que chez les chefs de gare par exemple.
« Plusieurs études ont indiqué un risque élevé de maladies neurodégénératives chez des personnes étant exposées, sur leur lieu de travail, à des champs électromagnétiques de basse fréquence » explique Martin Roosli, l’un des auteurs de l’étude suisse.
« L’augmentation du risque de démence lié à l’exposition aux champs magnétiques au travail s’est confirmée au cours des cinq dernières années, poursuit-il. Le risque de sclérose latérale amyotrophique est également élevé pour les professions d’électricien, d’électronicien et de soudeur. »
Produits par le passage du courant électrique alternatif, ces champs magnétiques basse ou très basse fréquence infestent notre quotidien. De l’aspirateur au chauffage électrique, des lampes à l’ordinateur, tout appareil branché sur le réseau électrique est environné d’un champ magnétique basse fréquence dont la puissance décroit selon la distance. C’est pourquoi il est recommandé de tenir éloigné sa tête éloignée des lampes de chevet ou du radioréveil durant la nuit. Dans le cas des lignes haute tension, le champ magnétique induit est beaucoup plus puissant et atteint les 60 mètres de distance. Voire les 200 mètres dans le cas des lignes à 200 000 volts.
Les études faites depuis 20 ans ont montré que le risque de développer une leucémie était environ doublé chez les enfants vivant dans des maisons où les valeurs de champ magnétiques dépassaient les 0,4 microTesla. Constat qui a conduit le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) à classer les basses fréquences parmi les « cancérigènes possibles ».
En 2005, une étude de l’Université d’Oxford a montré que le risque de leucémie infantile est 69 % plus élevé que la moyenne pour les enfants habitant à moins de 200 mètres d’une ligne THT, et 23 % plus élevé lorsque cette distance se trouve comprise entre 200 et 600 mètres.

Mortality from neurodegenerative disease and exposure to extremely low-frequency magnetic fields : 31 years of observation on Swiss railway employees. Roosli & coll. Neuroepidemiology28 (2007)

Magnetic Field exposure and neurodegenerative diseases – recent epidemiological studies. Hug & coll. Soz Preventiv Med 51 (2006)


Robin Des Toits
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