Le "Grenelle des ondes" sera-t-il, comme le pointent ses participants les plus critiques, un Grenelle "pour rien" ? Ou représente-t-il un "premier pas" vers une gouvernance acceptable d'une question de société aussi sensible que celle des effets sanitaires de la téléphonie mobile ?
Une chose est sûre : mettre les "acteurs" - en l'occurrence les défenseurs de l'environnement, les usagers, les syndicats, les élus locaux, les opérateurs de téléphonie mobile et les pouvoirs publics - autour d'une table est peut-être nécessaire, mais ce n'est pas une condition suffisante pour que jaillisse un consensus sur les installations contestées d'antennes-relais. Le débat sur les usages du téléphone portable, qui figurait également au programme, aura finalement été moins sujet à polémique.
Avant même que ne s'achève, lundi 25 mai, en présence de la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, de Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, et de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, le cycle des rencontres engagé le 23 avril sur le thème "Radiofréquences, santé et environnement", la preuve est faite que ce Grenelle-là ne mettra pas fin aux contestations. Celles-ci opposent depuis des mois, devant les tribunaux, les associations de riverains à SFR, Bouygues Telecom ou Orange.
Hasard du calendrier : le jour même de la cinquième rencontre, qui s'est tenue mercredi 20 mai à Paris, Orange était assigné en référé devant le tribunal de Quimper par une habitante de la commune de Loctudy (Finistère), qui lui demande de renoncer à l'implantation d'une antenne-relais à 200 mètres de chez elle. Nyves Allier, qui porte une valve neurologique programmable, "a bon espoir" d'obtenir gain de cause, car, dit-elle, "des études sanitaires de l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité) prouvent que les effets des ondes électromagnétiques sont néfastes pour les personnes dotées d'implants médicaux actifs". La décision du tribunal sera connue le 17 juin.
Et l'association Robin des toits, qui estime n'avoir obtenu satisfaction sur aucune de ses demandes, notamment celle d'un test "grandeur nature" dans des communes ayant donné leur accord pour un taux d'émission maximal de 0,6 volt par mètre (V/m), promet de nouvelles assignations. Si les tribunaux devaient rester le lieu de règlement des conflits entre riverains et opérateurs, le Grenelle des ondes aurait en partie raté son objectif. Pour le président de l'Association française des opérateurs mobiles (AFOM), Jean-Marie Danjou, le souhait de retrouver "une sécurité juridique" afin que ses mandants puissent à nouveau "implanter des antennes dans la sérénité" figurait parmi les objectifs majeurs. Mais l'AFOM était également désireuse que le Grenelle apporte "des réponses aux questions que se posent les gens sur le terrain", ainsi que "des réponses claires sur les questions de santé". Ce qui n'est pas acquis.
Car le terrain sanitaire ne semble pas plus stabilisé que le terrain juridique. Jugeant la situation "intenable", selon le terme employé par Mme Bachelot, le gouvernement n'a pas souhaité attendre le prochain avis de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), prévu pour septembre. Même si l'AFOM se félicite qu'il ait été rappelé que rien ne venait invalider les seuils d'exposition maximum fixés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), seuils auxquels la France se conforme (entre 40 et 60 V/m), force est de constater que les incertitudes demeurent. Le "rapport de restitution" présenté aux participants, mercredi, indiquait que, "s'agissant des antennes-relais, les effets sur la santé ne sont ni démontrables ni récusables avec certitude".
INCERTITUDE SCIENTIFIQUE
Un tel flou ne condamnait-il pas par avance ce Grenelle ? Pas du tout, rétorque le professeur Jean-François Girard, désigné par Roselyne Bachelot pour mener les débats : "L'état de l'art scientifique est en renouvellement permanent. Ce qui me mobilise, dans cet exercice, c'est que la société finisse par accepter l'incertitude scientifique."
Comment et selon quelles modalités ? Parmi les "chantiers" qui devraient s'ouvrir dans la foulée du Grenelle figure l'idée d'instances de concertation, aux niveaux national et local, dans lesquelles l'Etat jouerait un rôle d'arbitre. A l'Association des maires des grandes villes de France, on apprécie ainsi la proposition de mettre en place "des plans d'implantation dans les municipalités, plans qui seraient définis avec les opérateurs".
Un résultat somme toute modeste après un mois et demi de discussions. A moins que l'on ne considère que le principal acquis du Grenelle ne soit le processus lui-même. A l'exception de Robin des toits, très critique sur l'absence de résultats, tous les intervenants se sont félicités que le dialogue ait pu s'établir, ce qui n'était pas gagné d'avance.
Brigitte Perucca
---
Source : http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/05/21/le-grenelle-des-ondes-ne-tranchera-pas-le-debat_1196256_0.html
Une chose est sûre : mettre les "acteurs" - en l'occurrence les défenseurs de l'environnement, les usagers, les syndicats, les élus locaux, les opérateurs de téléphonie mobile et les pouvoirs publics - autour d'une table est peut-être nécessaire, mais ce n'est pas une condition suffisante pour que jaillisse un consensus sur les installations contestées d'antennes-relais. Le débat sur les usages du téléphone portable, qui figurait également au programme, aura finalement été moins sujet à polémique.
Avant même que ne s'achève, lundi 25 mai, en présence de la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, de Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, et de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, le cycle des rencontres engagé le 23 avril sur le thème "Radiofréquences, santé et environnement", la preuve est faite que ce Grenelle-là ne mettra pas fin aux contestations. Celles-ci opposent depuis des mois, devant les tribunaux, les associations de riverains à SFR, Bouygues Telecom ou Orange.
Hasard du calendrier : le jour même de la cinquième rencontre, qui s'est tenue mercredi 20 mai à Paris, Orange était assigné en référé devant le tribunal de Quimper par une habitante de la commune de Loctudy (Finistère), qui lui demande de renoncer à l'implantation d'une antenne-relais à 200 mètres de chez elle. Nyves Allier, qui porte une valve neurologique programmable, "a bon espoir" d'obtenir gain de cause, car, dit-elle, "des études sanitaires de l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité) prouvent que les effets des ondes électromagnétiques sont néfastes pour les personnes dotées d'implants médicaux actifs". La décision du tribunal sera connue le 17 juin.
Et l'association Robin des toits, qui estime n'avoir obtenu satisfaction sur aucune de ses demandes, notamment celle d'un test "grandeur nature" dans des communes ayant donné leur accord pour un taux d'émission maximal de 0,6 volt par mètre (V/m), promet de nouvelles assignations. Si les tribunaux devaient rester le lieu de règlement des conflits entre riverains et opérateurs, le Grenelle des ondes aurait en partie raté son objectif. Pour le président de l'Association française des opérateurs mobiles (AFOM), Jean-Marie Danjou, le souhait de retrouver "une sécurité juridique" afin que ses mandants puissent à nouveau "implanter des antennes dans la sérénité" figurait parmi les objectifs majeurs. Mais l'AFOM était également désireuse que le Grenelle apporte "des réponses aux questions que se posent les gens sur le terrain", ainsi que "des réponses claires sur les questions de santé". Ce qui n'est pas acquis.
Car le terrain sanitaire ne semble pas plus stabilisé que le terrain juridique. Jugeant la situation "intenable", selon le terme employé par Mme Bachelot, le gouvernement n'a pas souhaité attendre le prochain avis de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), prévu pour septembre. Même si l'AFOM se félicite qu'il ait été rappelé que rien ne venait invalider les seuils d'exposition maximum fixés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), seuils auxquels la France se conforme (entre 40 et 60 V/m), force est de constater que les incertitudes demeurent. Le "rapport de restitution" présenté aux participants, mercredi, indiquait que, "s'agissant des antennes-relais, les effets sur la santé ne sont ni démontrables ni récusables avec certitude".
INCERTITUDE SCIENTIFIQUE
Un tel flou ne condamnait-il pas par avance ce Grenelle ? Pas du tout, rétorque le professeur Jean-François Girard, désigné par Roselyne Bachelot pour mener les débats : "L'état de l'art scientifique est en renouvellement permanent. Ce qui me mobilise, dans cet exercice, c'est que la société finisse par accepter l'incertitude scientifique."
Comment et selon quelles modalités ? Parmi les "chantiers" qui devraient s'ouvrir dans la foulée du Grenelle figure l'idée d'instances de concertation, aux niveaux national et local, dans lesquelles l'Etat jouerait un rôle d'arbitre. A l'Association des maires des grandes villes de France, on apprécie ainsi la proposition de mettre en place "des plans d'implantation dans les municipalités, plans qui seraient définis avec les opérateurs".
Un résultat somme toute modeste après un mois et demi de discussions. A moins que l'on ne considère que le principal acquis du Grenelle ne soit le processus lui-même. A l'exception de Robin des toits, très critique sur l'absence de résultats, tous les intervenants se sont félicités que le dialogue ait pu s'établir, ce qui n'était pas gagné d'avance.
Brigitte Perucca
---
Source : http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/05/21/le-grenelle-des-ondes-ne-tranchera-pas-le-debat_1196256_0.html