'L’onde de choc bruxelloise' - Le Soir (Belgique) - 16/01/2009

Trois volts par mètre : c’est désormais la seule norme en vigueur valable en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques. Dans un arrêt rendu ce jeudi, la Cour constitutionnelle a confirmé cette valeur qui doit entrer en vigueur en Région bruxelloise, ce 15 mars.




L’affaire était loin d’être gagnée pour le gouvernement bruxellois. Dans leur recours en annulation de l’ordonnance initiée par la députée Dominique Braeckman (Ecolo), les opérateurs Belgacom, Mobistar et Base, ainsi que le gouvernement fédéral, estimaient que seul l’Etat fédéral pouvait édicter des normes visant in fine la protection de la santé humaine.

La Cour constitutionnelle a balayé ces arguments et juge a contrario que « les Régions sont compétentes pour prévenir et combattre les différentes formes de pollution de l’environnement, et que cette compétence implique celle de prendre des mesures en vue de prévenir et de limiter les risques (…), en ce compris la limitation de l’exposition de l’homme aux risques de ces radiations… ».

La Cour va même plus loin et juge que sur la base de sa compétence résiduelle, « l’autorité fédérale n’est plus compétente pour fixer des normes d’exposition. (…) Le choix du législateur régional (…), par l’application du principe de précaution, relève du pouvoir d’appréciation de ce législateur et ne saurait être rejeté à défaut de normes internationales (…) contraignantes ».

Et la liberté de commerce et d’industrie ? « Elle ne peut être conçue comme une liberté absolue, tranche la Cour. (…) Les parties requérantes ne démontrent pas l’impossibilité technique ou économique de respecter les normes fixées par l’ordonnance… »

Autant dire que la ministre bruxelloise de l’Environnement Evelyne Huytebroeck (Ecolo), exulte : « La Région vient de remporter un combat fondamental pour préserver la qualité de vie de sa population malgré les recours du ministre fédéral de l’époque (NDLR : Rudy Demotte, PS, actuel ministre-président wallon,) et ceux des opérateurs, réagit-elle. En l’absence de consensus scientifique, le principe de précaution préconise la prise de mesure visant à prévenir le risque de dommages irréversibles à l’environnement et à la santé. »

Au cabinet de la ministre fédérale de la Santé Laurette Onkelinx (PS), on préfère s’abstenir de commentaire. Laurette Onkelinx avait clairement fait valoir, fin 2008, qu’elle suivrait la recommandation du Conseil supérieur de la santé, qui a toujours préconisé 3 V/m, alors que la norme fédérale demeure à 20,6 V/m.

Coïncidence, le comité de concertation Etat fédéral - Régions doit se pencher sur la question, ce vendredi. Vu la teneur de l’arrêt, il est peu probable que les réticences du ministre de l’Economie Vincent Van Quickenborne (VLD) vis-à-vis des 3 V/m passent la rampe.

Du côté wallon, le ministre du Développement territorial, André Antoine (CDH), a envoyé aux communes une circulaire en début de semaine, qui impose également les 3 V/m : « L’arrêt de la Cour constitutionnelle est une bonne nouvelle et clôt le dossier, dit le ministre. Si bien que je présenterai avec mon collègue de l’Environnement Benoît Lutgen, un projet de décret visant à confirmer cette norme de 3 V/m. Il sera voté sous cette législature. »

Bémol côté bruxellois, où l’on considère la norme wallonne plus faible. « La circulaire envoyée aux communes est moins restrictive qu’à Bruxelles, souligne la ministre Huytebroeck. Son champ d’application ne concerne ni le passif ni les antennes qui n’ont pas d’impact sur le paysage ou l’urbanisme. Elle concerne l’exposition près de l’antenne visée alors qu’à Bruxelles, les 3 V/m prévaudront en tout lieu… »

Du côté des associations, on salue également l’arrêt tout en constatant que 3 V/m, c’est encore insuffisant si l’on veut tenir compte des conclusions de certains rapports scientifiques !

L’onde de choc bruxelloise n’a pas fini de faire des vagues.


La Cour bétonne le principe de précaution


Commentaire

Limpide, courageux et historique : l’arrêt de la Cour constitutionnelle met fin à des années de velléités politiques dans le dossier des ondes électromagnétiques.

En validant les normes bruxelloises, plus restrictives, tout en dépossédant le pouvoir fédéral de cette compétence, la plus haute autorité chargée de vérifier la légalité des lois vient de consacrer le principe de précaution.

Souvent cité, inscrit dans les lois, mais pas nécessairement appliqué, ce principe est sujet à interprétations variées. Et pour cause : il se base en bonne partie sur la notion d’incertitude. En matière d’ondes, le doute, savamment entretenu par l’industrie, n’est pourtant plus de mise. Quantité d’études scientifiques témoignent des risques potentiels liés à l’exposition à long terme au « smog électromagnétique ». Or, il incombe à ceux qui exercent cette compétence de « protéger les divers éléments de l’environnement de l’homme, en premier lieu afin de préserver sa santé », observe la cour.

Si le champ est désormais libre pour la Flandre et la Wallonie, qui devraient adopter des normes similaires à Bruxelles, la « guerre des ondes » est loin d’être terminée. L’enjeu économique est énorme et il est douteux que l’industrie dépose les armes face aux appels à davantage de sévérité.

Aux tenants d’un principe de précaution absolu, il est dès lors utile de rappeler qu’il ne peut justifier une prise de décision arbitraire. Et que son recours peut prendre la forme d’une décision d’agir. Ou de ne pas agir dans l’urgence…


SCHOUNE,CHRISTOPHE



Robin Des Toits
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