"Free mobile : à Paris, les antennes frappées d’anathème" - Libération - 19/04/2012



Halte aux ondes accusées d’être nocives, et sus à Free Mobile ! La scène s’est passée mardi soir, à la mairie du 14e arrondissement de Paris. Une vingtaine de résidents de l’arrondissement, dont certains sont remontés comme des pendules, invectivent, à tour de rôle, le Maire Pascal Cherki ou Catherine Gabey, l’émissaire envoyée par Free Mobile, présents à la tribune. En cause, l’installation d’une antenne de Free au 64 rue de la Santé. Il s’agit de la seconde réunion de concertation, et elle vire au grand bazar. Dans la salle des mariages de l’hôtel de ville, le divorce entre les « démonteurs » qui veulent la dépose de l’antenne et les « limiteurs », mobilisés sur la baisse des émissions, est consommé. Pour Free, cela signifie la fin des négos : l’allumage de l’antenne ne devrait plus tarder.

L’ire des résidents du micro-périmètre entourant l’antenne se comprend un peu. À l’origine, un avis négatif opposé en août dernier par la mairie d’arrondissement à Free Mobile, qui s’apprête à poser une antenne sur un bâtiment privé. C’est simple : depuis 2009, la mairie d’arrondissement, en pointe sur le combat contre les antennes, a adopté un moratoire gelant toute nouvelle implantation. Et Free en fait les frais.

Sauf que juridiquement, rien n’interdit la pose d’une telle antenne. Le seul impératif qui s’impose à l’opérateur, c’est que le champ d’ondes balancé par cette antenne ne dépasse pas le seul règlementaire de 41 volts à 61 volts par mètre, en fonction des fréquences utilisées — un seuil préconisé par l’OMS et fixé par l’Europe. Ce que précise d’ailleurs d’entrée de jeu, Pascal Cherki : « nous n’avons pas les moyens juridiques de nous opposer à l’antenne. »

Tout devient alors affaire de rapport de force. Et le 29 janvier, Free mobile passe … en force. Il plante son antenne, ou plutôt trois antennes pour couvrir la zone sur 360 degrés. La réaction ne se fait pas attendre : manifestations, création d’un collectif, appel en renfort aux associations militant pour la baisse des seuils (Priartem, Robin des Toits). Et remise en selle du Maire d’arrondissement qui se plaint à Bertrand Delanoë (maire de Paris) et appelle à la concertation.

Ce qui fut fait lors d’une première réunion, le 20 mars dernier. Free fait un pas : il s’engage à faire une simulation des doses émises par les antennes aux adresses fixées par les opposants : l’école, la crèche, l’hôpital Saint-Anne situé dans les parages, et quelques adresses privées soigneusement choisies — le foyer de jeunes travailleurs sur lequel est plantée l’antenne n’en fait pas partie. Robin des Toits salue la démarche : « Free permet une rénovation de la concertation en matière d’implantation d’antennes-relais à Paris. »

Normalement, mardi dernier, Free devait rendre sa copie. Catherine Gabay est venue avec son projecteur et sa présentation PowerPoint. Mais, dans la salle, les plus remontés des opposants n’ont cure des résultats.

Après une heure d’échange houleux, l’assistance accède enfin à l’information. Que disent ses mesures ? Que le pic d’émission, sur la petite centaine de simulations (soit autant d’adresses évaluées), plafonne à 2,34 volt/mètre au 81 rue de la Santé à la hauteur du 10e étage. Onze mesures dépassent 1 v/m. Est-ce excessif ? Absolument pas au regard de la règlementation. Ce n’est pas excessif non plus au regard des engagements qu’ont pris collectivement les opérateurs dans une charte signée il y a neuf ans, soit « contenir à 2 v/m, le niveau moyen d’exposition effective sur 24 heures de la population parisienne dans les lieux de vie ». Ce qui correspond à une valeur pic maximum de 4,66 v/m. Free, dont le pic simulé est à 2,34, serait donc amplement dans les clous.

Sauf que cette charte a volé en éclat à l’automne dernier. La Mairie de Paris n’a pas apprécié le souhait des opérateurs d’en relever les seuils, alors qu’elle veut au contraire, et sous la pression des Verts et des associations, qu’il soit réduit. Pour situer le gouffre entre le souhait des opérateurs calé sur la réalité des émissions, et l’objectif de Priartem ou de Robin des Toits, rappelons que les associations se battent pour un pic (et non une valeur moyenne) à 0,6 volt/m. Huit fois moins que les niveaux jugés acceptables dans la charte de 2003...

Dans ce vide béant, les anti-antennes du 14e se sont engouffrés. En fin de réunion, les irréductibles, soutenus par Nicole Rannou-Le Calvez, exigent le démontage. La médiation du Maire, Pascal Cherki, propose de demander à Free de limiter le champ à 0,6 volts par mètre, et soutenu dans sa démarche par Étienne Cendrier, le porte-parole de Robin des Toits, échoue.

Et ce matin, le feuilleton continue : une quinzaine d’anti-mobiles se sont promenés rue de la Santé en agitant leurs pancartes. Pauline Rocher, la vice présidente du Conseil de quartier présente sur place, soutient le collectif anti-antenne de la rue de la Santé, mais elle se désole que la conciliation ait tourné court : « on aurait aimé que Free accepte le nouveau seuil de 0,6 v/m, et que cela serve de point d’appui pour négocier la nouvelle charte. » C’est loupé.

De son côté, Pascal Cherki s’apprête à écrire à Delanoë et aussi à Xavier Niel, le patron de Free, dans une ultime tentative de conciliation.

Célia Blauel, en charge du dossier à la Maire du 14e et adepte du principe de précaution, ne sait plus très bien jusqu’où cette allergie aux champs des antennes mobiles peut conduire. « Nous avons cinq ou six points de cristallisation sur le 14e. » C’est ici une crèche, là une personne souffrante, plus loin un balcon donnant sur une antenne, et qui se sentent agressés par les émissions. Il y a deux semaines, un opérateur a tenté de poser une antenne rue des Plantes. Sans succès. « Les gens surveillent les toits », dit Célia Blauel. Le climat vire à la parano.

« C’est vrai que cela a un côté un peu injuste que cela tombe sur Free qui est bien obligé de déployer. C’est vrai qu’ils paient pour les autres », conclut l’édile... Xavier Niel appréciera.

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Source : http://www.ecrans.fr/Free-mobile-a-Paris-les-antennes,14532.html

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Voir également :

- Charte Parisienne de la Téléphonie Mobile : rupture entre la Ville de Paris et la Fédération Française des Télécoms (FFT) - Mairie de Paris - 13/10/2011

- "Le XIVe teste trois antennes moins puissantes" - Le Parisien - 01/02/2012

- 'Charte de Paris' du 06/01/2005 ('2v/m en moyenne sur 24h')

- Principe de précaution, troubles du voisinage - le TGI de Grasse condamne SFR à déplacer son antenne (2003 - 2004)

Robin Des Toits
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