'Des experts dénoncent les risques du portable' - Le Figaro - 22/01/2004

La croisade alarmiste de quatre scientifiques français contre le téléphone cellulaire et les antennes-relais



Dangereux ou pas dangereux ? La controverse sur la nocivité ou l'innocuité des portables et des antennes-relais de téléphonie mobile rebondit. Quatre scientifiques, proches des associations de défense des riverains d'émetteurs, publient aujourd'hui un livre blanc intitulé Votre GSM, votre santé, on vous ment!(1) que Le Figaro se l'est procuré. Ses auteurs évoquent les dangers des pylônes et des portables, des insomnies aux céphalées en passant par les troubles cardiaques. Ils réclament l'application du principe de précaution et dénoncent les pressions subies par les scientifiques, orchestrées, selon eux, par les opérateurs.

Depuis plusieurs années, la communauté scientifique s'oppose à coup d'études sur les effets sanitaires des portables et des antennes-relais. Fondés sur une recension d'études internationales, plusieurs rapports (du Pr Zmirou en 2001, des sénateurs Lorrain et Raoul en 2002, de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale en 2003) ont conclu à l'absence de risques, en ce qui concerne le GSM, la génération de portables actuelle.

Aujourd'hui, un livre blanc dénonce la dangerosité de la téléphonie mobile. Il a été rédigé par Pierre Le Ruz, docteur en physiologie, expert auprès des tribunaux, auteur de publications sur les effets biologiques des radiations non ionisantes, Richard Gautier, biologiste, docteur en pharmacie, ancien interne des Hôpitaux de Paris, Daniel Oberhausen, professeur de physique, ancien élève de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Cachan, Roger Santini, docteur ès sciences, enseignant-chercheur dans une école d'ingénieur, membre de la Bioelectromagnetics Society américaine et de l'Union radio-scientifique internationale (Ursi).

Les quatre scientifiques passent en revue les études à l'origine des rapports de 2001, 2002 et 2003, en pointant leurs lacunes et les interprétations, qu'ils estiment infondées. Ils abordent "ce que les rapports officiels français ne disent pas" et évoquent les travaux ignorés, disent-ils, par les experts qui se veulent rassurants.

Le quatuor conclut que le portable et les antennes-relais ne sont pas sans risques pour l'homme."Les faits rapportés dans ce livre blanc sont loin de confirmer la position officielle très optimiste des experts français (rapports 2001, 2002, 2003), à savoir qu'il n'y a pas de danger avéré en l'état actuel des connaissances. La réalité des risques pour la santé résultant de l'exposition aux ondes électromagnétiques de la téléphonie mobile apparaît clairement, particulièrement dans le domaine de l'action des micro-ondes sur le cerveau."

Les auteurs insistent en particulier sur les effets biologiques des champs électromagnétiques sur l'activité cérébrale qui surviennent "à des doses nettement inférieures aux valeurs limites actuelles" : troubles du sommeil et de l'humeur, fatigue, dépression. Ils s'inquiètent aussi des conséquences des mêmes champs sur la barrière hémato-encéphalique (BHE), limite entre le sang et le cerveau, qui filtre des éléments nutritifs indispensables à ce dernier (comme le glucose) et bloque des substances potentiellement nocives pour les cellules nerveuses.

La perméabilisation de la BHE causée par le portable peut provoquer "la formation de micro-oedèmes, l'inflammation de la dure-mère (la plus superficielle et la plus résistante des trois méninges) et donc l'apparition de migraines et de maux de tête. Ces derniers sont d'ailleurs largement retrouvés dans les enquêtes épidémiologiques chez les utilisateurs de portable." La perméabilisation de cette barrière "pourrait être également impliquée dans le développement de certaines tumeurs ou leucémies."

Le rapport met également en cause la téléphonie mobile dans l'augmentation du nombre de maladies neurodégénératives comme celle d'Alzheimer et l'autisme. "Craintes d'autant plus grandes que toutes les émissions de radiofréquences sont concernées (téléphonie mobile GSM ou UMTS, stations de base comprises, réseaux sans fil, WiFi, émetteurs personnels de surveillance des bébés) et pourraient apparaître à partir de 0,6 volt par mètre, voire moins." Il est donc, selon eux, indispensable de diminuer les niveaux d'exposition de la population.

Dans certains cas, la téléphonie mobile ne serait pas étrangère à l'épilepsie : "Si la compréhension de la genèse de l'épilepsie nécessite encore des recherches, les raisons relatives au déclenchement des crises ou favorisant celles-ci sont beaucoup plus nettes. Les champs électromagnétiques, tels ceux de la téléphonie mobile, sont démontrés comme capables de déclencher des crises d'épilepsie."

Leur avertissement est d'autant plus sérieux que l'UMTS, technologie de nouvelle génération, s'apprête à fondre sur la France. Or, selon une étude des ministères des Affaires économiques, de l'Environnement et de la Santé néerlandais présentée à l'automne 2003 (nos éditions du 14 novembre 2003), citée dans le livre blanc, on observe "une modification des temps de réaction et de la mémorisation, une diminution de l'attention visuelle".
Face aux risques potentiels, le livre blanc formule un certain nombre de conseils et de propositions. Il est vivement recommandé de limiter la durée d'une communication à trois minutes et d'attendre quinze minutes entre chaque appel. L'usage du kit mains libres, qui permet d'éloigner le téléphone de la tête, est donc souhaitable. Les jeunes de moins de 16 ans, les femmes enceintes et les porteurs de simulateurs cardiaques devraient utiliser le mobile le moins possible.

Les signataires du livre blanc, qui "élèvent une énergique protestation contre le harcèlement moral et professionnel dont sont victimes certains scientifiques en Europe et aux Etats-Unis", appellent enfin de leurs voeux la création d'une autorité indépendante des groupes de pression.

(1) Collection Résurgence, médecine et environnement.

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Article de Muriel FRAT
Le Figaro, 22/01/2004

Robin Des Toits
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