"Défense des droits et antennes-relais : des interférences dans l'air" - Le Point - 17/09/2012

Risques sanitaires, troubles du voisinage... Les problèmes sont nombreux et l'arrivée de la 4G ne va pas faciliter les choses.



Une cartographie des antennes-relais est disponible sur antennesmobiles.fr ou cartoradio.fr. © Bruno Bebert / Sipa
Par Marc Leplongeon

"Les antennes-relais ? C'est la jungle !" Richard Forget, avocat spécialisé dans les affaires de téléphonie mobile, peste contre la législation en vigueur dans le domaine. Un avis que partagent certainement les habitants de la rue Marcadet à Paris, eux qui bataillent contre Orange pour empêcher les techniciens d'installer de nouvelles antennes. Peine perdue : au fil des années, les voies de recours devant la justice s'amenuisent.

L'Agence nationale des fréquences (ANFR) est une des seules autorités publiques à traiter de la question. "Un émetteur ne peut pas entrer en service s'il n'a pas reçu notre autorisation", explique l'agence. Avant de poursuivre : "Nous vérifions que le nouvel émetteur ne va pas perturber les autres. Cela s'appelle la compatibilité électromagnétique. Ensuite, nous contrôlons l'exposition au public qui ne doit pas dépasser un certain seuil."

Le leurre de la santé publique

Le danger des ondes électromagnétiques n'a pas encore été prouvé. Et le problème est bien là. Pour l'instant, la France se contente, depuis 2002, de respecter les recommandations européennes, qui ont fixé un plafond des seuils d'émission des antennes-relais de 61 volts par mètre. Mais la France ne cherche pas à aller plus loin. Françoise Laborde, sénatrice PRG de Haute-Garonne, relevait dans une question à Marisol Touraine en juillet dernier que certains chercheurs réputés avaient déjà tiré "la sonnette d'alarme" en soulignant les "effets aggravants de l'exposition électromagnétique sur des maladies neurodégénératives", ou en notant des risques pour la "santé humaine".

De nombreux pays européens, dont la Belgique ou encore l'Italie, ont pourtant pris des mesures contraignantes dans les "lieux de vie" en interdisant, par exemple, d'implanter des antennes trop près des écoles. La France, elle, n'a pas encore sauté le pas. Et ne semble pas pressée de le franchir. En octobre 2011, le Conseil d'État prive le maire de certains pouvoirs : s'il reste informé des installations radioélectriques sur sa commune, il ne peut plus s'y opposer. Ni au nom du principe de précaution ni au titre de la sécurité ou de la salubrité publique. Une réaction à une annonce de la mairie de Paris, qui avait décidé unilatéralement en octobre 2011 d'arrêter les nouvelles implantations d'antennes. À l'ANFR, on résume simplement les choses : "Les maires n'ont pas autorité à restreindre l'exploitation des antennes-relais."

L'éviction du juge judiciaire

En 2012, le Tribunal des conflits freine de nouveau l'expansion des contentieux sur les antennes-relais. Le juge judiciaire n'aura désormais plus le pouvoir d'ordonner le démontage d'antennes au nom du principe de précaution, pour des raisons de santé publique. Ne reste plus au juge que la possibilité d'indemniser sur la base de troubles au voisinage. "Et la notion ne recouvre pas grand-chose. On va, par exemple, retrouver la gêne visuelle ou encore des problèmes de brouillage. Mais en milieu urbain, difficile de les prouver", explique Sandrine Fiat, avocate grenobloise, spécialiste du droit public et du droit de l'urbanisme.

Pour empêcher l'implantation d'une antenne-relais reste donc le droit administratif. Mais, là encore, les maires ne peuvent pas grand-chose, sinon faire respecter les prescriptions du droit de l'urbanisme. "Il faut s'attaquer aux décisions de mise en travaux. Atteinte à l'environnement ? À proximité de musées ou en pleine nature, c'est possible. Mais en collectivité, c'est autre chose", affirme Sandrine Fiat.

Pourtant, les pratiques des opérateurs sont parfois douteuses. "J'ai été témoin de l'installation d'un pylône de 30 mètres au milieu d'un village de montagne de quatre maisons", s'insurge Richard Forget. "Il arrive souvent qu'un pilier TDF pour la télévision soit déjà installé. TDF va louer son pylône aux opérateurs téléphoniques qui vont venir s'y greffer. Les gens ne s'en aperçoivent pas forcément tout de suite. Et lorsque c'est le cas, on leur répond qu'ils ne peuvent plus agir, le délai de prescription étant terminé", ajoute-t-il. Sandrine Fiat conclut : "Le Tribunal des conflits nous a un peu coincés."

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Source : http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/defense-des-droits-et-antennes-relais-des-interferences-dans-l-air-14-09-2012-1506349_47.php

Robin Des Toits
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