'Critique d'une étude australienne biaisée sur l'incidence du cancer du cerveau liée à l'utilisation du téléphone portable' - Robin des Toits - mai 2016



Une étude fort rassurante (1) vient de paraître en Australie au sujet de l'incidence du cancer du cerveau en lien avec l'utilisation du téléphone portable : les statistiques seraient restées stables en 30 ans.

L'illusion d'une absence de résultats

La première limite, reconnue par l’étude elle-même est qu’il s’agit d’une analyse écologique des tendances, sans données sur l'utilisation individuelle de la téléphonie mobile et les résultats. Ainsi, quand l'étude observe une augmentation significative de l'incidence du cancer du cerveau chez les sujets âgés de plus de 70 ans, il est indiqué que l’augmentation dans ce groupe d'âge a commencé "à partir de 1982" - c'est-à-dire y compris avant l'introduction de téléphones mobiles et sans précision de la date, il est donc impossible de connaître la part exacte de cancers du cerveau survenus avant et après l'introduction de la téléphonie mobile en Australie.

D’autre part, les premiers téléphones portables australiens de 1987 étaient analogiques et non numériques ; il n'y avait donc pas d'utilisation de micro-ondes ni de très basses fréquences (2) avant les années 1990 comme ce fut le cas dans le reste du monde. L'étude gagne encore quelques années en ne précisant pas qu'en 1992, seuls 2% des Australiens étaient équipés d'un téléphone portable (3). Sur cette base, relativement peu d'Australiens ont été exposés aux téléphones portables pour plus d’un tiers de la très grande période examinée, biaisant définitivement l'étude vers un résultat "sans effet".


Les liens de l'auteur de l'étude avec l'industrie

S'il n'y a pas d'information, dans le résumé de l'étude, sur de possibles conflits d'intérêt de l'auteur Simon Chapman, ce dernier semble avoir eu des liens très proches avec l'industrie de la téléphonie mobile. Il est, en effet, l'auteur d'un livre intitulé : Les sauveteurs et les samaritains cellulaires : usage d'urgence des téléphones portables en Australie dont l'Association de Téléphonie Mobile Australienne (AMTA) est co-auteur et éditeur (4).
Il est également l’auteur d'un article financé par l’AMTA, examinant l'impact du téléphone portable en situations d'urgence (5).


L'incidence réelle

L'écho donné à cette étude, comme ce fut le cas de l'étude épidémiologique danoise de 2006 concluant à un effet anti-cancéreux du téléphone portable (6), risque à nouveau de faire croire que l'utilisation de téléphones portables est sans danger et permettre aux enfants de les utiliser. Il ne faudra donc pas manquer de rappeler que l'étude de Lenardt Hardell en 2015 dans Pathophysiology montrait que les risques dus à l'utilisation des téléphones portables (et des téléphones sans-fil DECT) sont plus élevés chez les gens qui ont commencé à les utiliser avant l'âge de 15 ans. (7)

Enfin, pour se faire une idée réelle de l'incidence du cancer liée à l'utilisation de la téléphonie mobile depuis son origine, il faudra privilégier les études prenant en compte l'usage du téléphone portable selon les individus (voir liens connexes), et consulter les statistiques de l'INVS indiquant une recrudescence des cas de cancers du système nerveux central (cerveau et glande parotide) "sans lien connu avec l'environnement" (8).


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Sources :
(1) http://www.cancerepidemiology.net/article/S1877-7821%2816%2930050-9/abstract
(2) http://www.mobilemuster.com.au/media/107666/australia_s_mobile_decade.pdf
(3) http://www.journaldunet.com/web-tech/chiffres-internet/australie/pays-aus
(4) http://www.worldcat.org/title/lifesavers-and-cellular-samaritans-emergency-use-of-cellular-mobile-phones-in-australia/oclc/225258977
(5) http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0001457598000347
(6) http://www.robindestoits.org/Les-biais-de-l-etude-epidemiologique-danoise-de-2006-concluant-a-un-effet-anti-cancereux-du-telephone-portable_a564.html
(7) http://www.pathophysiologyjournal.com/article/S0928-4680%2814%2900064-9/pdf
(8) http://www.robindestoits.org/Cancers-prioritaires-a-surveiller-et-etudier-en-lien-avec-l-environnement-Synthese-de-l-INVS-Juillet-2006_a1424.html

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Liens connexes :

- Augmentation de 50% des tumeurs du cerveau chez les enfants au Royaume-Uni en 10 ans + 40% au Danemark, en Finlande - explosion du phénomène en France - 30/05/2012

- Téléphone portable et cancer du cerveau - Le Journal de l'Institut Curie - Février 2012

- Information hospitalière - Cancer du cerveau : le téléphone portable en cause ? - 25/01/2013

- Accroissement du risque de cancer du cerveau chez les utilisateurs de portables sur plus de 10 ans - Etude suédoise : Hardell et al. - Mars 2007

- ETUDE suèdoise : risque accru de 300% du cancer du cerveau pour les utilisateurs à long terme des téléphones portables et téléphones sans fil - Sept 2013

- Une nouvelle ETUDE (suédoise) confirme un risque accru de gliome associé à l'utilisation des téléphones portables et téléphones sans fil - 01/12/2014

- 'Liens secrets avec l'industrie et conflits d'intérêts dans la recherche sur le cancer' - Hardell et al. - 2006

- 'Utilisation du téléphone mobile et risque de tumeurs bénignes et malignes de la glande parotide - Étude cas-témoin nationale' : Sadetzki et al. - Déc. 2007

- Communiqué de presse du CIRC sur les risques cancérogènes du téléphone portable pour l'homme - 31/05/2011

- CANCER / précisions de l’OMS concernant la classification en “possiblement cancérigène” des radiofréquences - 16/04/2012

- Le CIRC (OMS) publie des justifications dans l'implication des ondes sur le cancer chez l'homme - 19/04/2013

- "Toujours un soupçon de conflits d’intérêts" - Libération - 02/06/2011

Robin Des Toits
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