'Antennes-relais : les études ne franchissent pas nos frontières' - LCI.fr - 14/06/2005



* Selon l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, il n'y a pas de risqué avéré pour la santé lié aux rayonnements des téléphones mobiles.
* Jeanine Le Calvez, présidente de l'association Priartem, dénonce la partialité des experts et leur oppose des études internationales.


Dans un rapport rendu public mardi, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse) indique que les rayonnements des téléphones mobiles et les ondes des stations relais ne constituent pas un risque avéré pour la santé, en l'état actuel des connaissances, mais que des études complémentaires s'imposent (lire l'encadré ci-dessous). Deux associations de défense des riverains d'antennes de téléphonie mobile, Agir pour l'environnement et Priartem, "dénoncent la composition monolithique et partiale du groupe d'experts" de l'Afsse. Explications de Jeanine Le Calvez, présidente de Priartem (Pour une réglementation des implantations d’antennes relais de téléphonie mobile).

tf1.fr : Que pensez-vous de l’avis rendu par les experts de l’Afsse ?

Jeanine Le Calvez : L’Afsse persiste et signe avec, aux commandes, les mêmes experts qui avaient été largement discrédités par la presse pour leur non-indépendance lors de leur premier rapport, publiés en avril 2003. Cela éclaire un peu mieux les critiques du professeur Denis Zmirou qui a démissionné le 19 mai de la direction scientifique de l'Afsse (1). Il s’agit d’un petit noyau d’experts qui manifestement confisquent l’expertise et qui ne sont absolument pas représentatifs de l’état du débat au sein de la communauté scientifique. Or, depuis un an, il y a un certain nombre de résultats d’études officielles qui vont plutôt dans le même sens, à savoir la reconnaissance d’un risque pour la santé, tant pour les riverains d’antennes relais que pour les utilisateurs de téléphones mobiles.

William Stewart, du National Radiological Protection Board britannique (NRPB), a publié deux rapports : en 2000, il disait qu’il fallait faire attention [aux conséquences sanitaires de l’utilisation des téléphones mobiles, NDLR] ; en 2005, il dit que, sans doute, les risques ont été sous-estimés en s’appuyant sur des recherches internationales dont on ne parle pas en France.

tf1.fr : De quelles recherches s’agit-il ?

J. Le C. : Stewart s’appuie sur quatre études. Le TNO, l’équivalent hollandais du CNRS, a étudié les effets d’expositions courtes à des champs de radiation de 0,7 volts par mètre, inférieurs à ceux que subissent les riverains d’antennes relais : certaines personnes exposées ont connu des maux de tête, nausées, difficultés à se concentrer… Une étude de l’Institut suédois de médecine environnementale Karolinska a par ailleurs montré qu’au-delà de dix ans d’utilisation du téléphone mobile, le risque de développer un neurinome de l’acoustique — une tumeur du nerf auditif non cancéreuse mais invalidante — est multiplié par quatre.

Troisième étude citée par Stewart, celle du programme de recherche européen Reflex qui a analysé sur des cellules animales et humaines les effets des champs électromagnétiques à des valeurs inférieures à la réglementation actuelle. Résultat : ces champs électromagnétiques provoquent une altération de l’ADN. Laquelle favorise ensuite le processus de cancérogénèse. Enfin, dernière étude qui, celle-ci, n’est pas officielle : à partir de l’analyse des dossiers médicaux de patients sur une dizaine d’années, des médecins allemands ont noté une augmentation sensible des cas de cancer dans un périmètre de 400 m autour d’une antenne relais. En conséquence de ces quatre études, Stewart recommande d’informer les utilisateurs de mobiles sur les risques qu’ils encourent, de ne pas donner de mobiles aux enfants et de bien choisir les endroits où l’on met les antennes. On pouvait s’attendre à ce que l’Afsse en fasse autant, eh bien non ! Les résultats de ces études ne franchissent pas nos frontières, comme le nuage de Tchernobyl. Je suis ahurie.

tf1.fr : Les experts de l’Afsse attendent beaucoup des résultats d’une étude du Centre international de recherche sur le cancer…

J. Le C. : Nous, nous disons qu’il ne faut pas attendre ! Nous avons tous les éléments pour lancer des campagnes de communication, réglementer l’implantation des antennes relais et engager une enquête épidémiologique sur les effets des antennes relais.


Pas de risque établi mais des précautions

Rien n'est formellement établi quant au risque de passage des rayonnements des téléphones à travers la barrière hémato-encéphalique, pouvant occasionner maux de tête, fatigue et sensation de chaleur, relève le groupe d'experts de l’Afsse. A titre de précaution, il recommande des mesures "de bon sens" : limiter le temps de communication, éviter les zones de mauvaise réception, éloigner l'appareil de la tête, notamment chez les enfants et les jeunes, gros utilisateurs de portables. Les antennes relais n'occasionnent, selon les experts, pas d'effets sanitaires directs. Toutefois, pour répondre à l'inquiétude des populations, dans un contexte de multiplication des stations pour les réseaux de troisième génération, les experts recommandent des études plus précises de dosimétrie. Ils estiment enfin que la publication, attendue à la fin de l'année, de la première étude épidémiologique à grande échelle conduite par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) dans 13 pays, devrait apporter des éléments plus décisifs sur le risque de cancer.

(1) Dans un texte paru dans Le Monde de vendredi, le professeur Zmirou a évoqué des "désaccords profonds et anciens avec sa directrice générale", Michèle Froment-Védrine. Il a critiqué "la stratégie hésitante de la direction de l'Agence", "l'hypertrophie bureaucratique" qui y règnerait et accuse sa direction de "s'ingérer dans la production scientifique en suggérant telle interprétation ou présentation des faits".

---
Source : http://tf1.lci.fr/infos/sciences/2005/0,,3225850,00-antennes-relais-etudes-franchissent-nos-frontieres-.html

Robin Des Toits
Lu 2188 fois
Dans la même rubrique :