'Antennes pour portables : des normes qui ne savent pas ce qu'elles voltent' - Le Canard Enchaîné - 02/01/2002



Le 28 novembre dernier, «Le Canard» évoquait les 30 000 antennes relais de téléphonie mobile installées à la va-vite sur le territoire et racontait l' inquiétude des riverains, dont certaines se plaignent de maux divers (migraines, insomnies, etc.). Quinze jours plus tard, le 17 décembre, le secrétaire d'Etat à l'Industrie en personne, Christian Pierret, présente à des journalistes triés sur le volet les résultats de la campagne de mesures des ondes menées par l'ANFR (Agence nationale des fréquences radio).


Bilan officiel : pas de panique, les ondes sont inoffensives car bien au-dessous des normes!

A chaque ligne, le rapport précise non seulement le niveau d'exposition pour chaque fréquence, mais aussi en caractère gras, le rapport à la norme : «34 fois inférieur, 121 fois inférieur, 399 fois inférieur, 2489 fois inférieur.»
Cette litanie est censée calmer ceux qui doutent et les inquiets, et moucher les mécontents. Mais au fait, inférieur à quelle norme ?
Aux limites suggérées par la recommandation européenne, soit un champ électrique de 41 V/m (volts par mètre) pour les fréquences d'Orange et SFR (autour de 900 MHz) et 58 V/m pour Bouygues (environ 1800 MHz).
Seul hic : ces limites sont basées sur les travaux vieux de vingt ans et ne prennent pas en compte les recherches récentes.
D'autres pays, la Russie, la Chine et les pays de l'Est, pourtant peu réputés pour leur sens trop poussé de la sécurité, ont adopté, comme récemment l'Italie et la Suisse, des limites bien plus basses, de 5 ou 6 V/m.
Le rapport au Parlement européen remis en 1999 par le biologiste Gianni Tamino va encore plus loin : il préconise 1 V/m. Quand au professeur Santini, fameux empêcheur de rayonner en rond qui vient de publier deux études sur la santé face aux antennes (dans « La presse médicale » et « Pathologie Biologie »), il penche pour 0.6 V/m.
Encore mieux : la ville de Salzbourg, en Autriche tente actuellement d'imposer 0.1 V/m !
Bref, les normes adoptées par la France sont discutables et discutées. Il sera donc difficile au ministre de convaincre les riverains que leurs maux sont purement et simplement imaginaires, car imputés à des antennes aux normes.

Quand aux mesures elles-mêmes, elles relèvent d'un genre encore plus folklorique.

Exemple, le 61 boulevard Suchet à Paris, un appartement sur deux étages avec terrasse qui est entouré par les antennes des trois opérateurs, plus celles du nouveau système Tetra (pour la police et les pompiers). La propriétaire, pharmacienne de son état, ne décolère plus depuis des mois. Elle est la seule en France à avoir accueilli successivement des mesureurs des quatre réseaux, plus un expert indépendant et enfin l'ANFR. Chacun lui a remis un rapport circonstancié. Or, d'une étude à l'autre, les chiffres valsent car chaque mesureur utilise son propre protocole de mesures ! Par exemple, Veritas, envoyé par Bouygues, trouve entre 1.03 et 9.44 V/m selon les pièces. L'Apave, déléguée par France Telecom, propose des moyennes de 1.55 et 3.43 V/m. Et l'ANFR donne entre 0.12 et 1.67 V/m. Bref, on passe du simple au décuple. Et c'est l'ANFR qui donne les résultats les plus faibles. Voilà qui doit rassurer les riverains.

Professeur Canardeau - Canard Enchaîné, le 02-01-2002

Robin Des Toits
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