Vendredi 15 octobre au soir, sur la chaîne nationale France 2, l’émission spéciale de « Complément d’Enquête » fête ses dix ans, en rediffusant un certain nombre de reportages et en les faisant commenter par divers incontournables médiatiques. Parvenu à la fin de l’émission, Benoît Duquesne, son présentateur, offre un petit cadeau bonus à ses téléspectateurs : la rediffusion d’un extrait de reportage consacré à l’« électro-hypersensibilité ». Disons-le d’emblée : Acrimed n’a pas vocation à se prononcer sur l’origine des symptômes de ceux qui s’en disent victimes (1). Ce qui est en cause ici, ce sont des pratiques journalistiques : enquête superficielle et biaisée, et surtout désinvolture – cynique ou inconsciente, peu importe – d’un présentateur, qui s’autorise à rire de la souffrance d’autrui et nous invite à faire de même. Ces gens sont tellement « ridicules »…
Après avoir traité et rediffusé toute une série de sujets sérieux, allant des valises de dollars circulant entre nos politiciens à l’euthanasie, Benoît Duquesne propose aux téléspectateurs une petite séquence de rigolade pour conclure l’émission : « Il arrive aussi à Complément d’Enquête, même si on n’est pas une émission très drôle [rires], si je peux me permettre, il arrive qu’on croise des gens qui nous fassent rire, il arrive qu’on croise des gens qui nous fassent rire et qu’on trouve des fois un peu ridicules. Donc un petit regard sur ces personnalités qu’on a croisées, et on va se dire au revoir. » On attend avec impatience ces personnalités au fort pouvoir comique. On ne sera pas déçu.
« Des gens qui nous fassent rire »
Suit alors un extrait de reportage, qui s’ouvre par une rencontre avec deux sœurs vivant en Bourgogne, qui se disent touchées par l’électro-hypersensibilité et souffrir de l’exposition aux champs électromagnétiques artificiels (notamment diffusés par le Wifi, le Wimax, les antennes relais de téléphonie mobile, DECT, etc.). Le sujet porte un titre qui a le mérite d’afficher la couleur : « Folie douce ». On peut trouver plus neutre.
À leur arrivée, l’une des sœurs sort pour maintenir l’équipe de journalistes éloignée de la maison : elle se plaint de douleurs et leur demande s’ils ont sur eux un appareil en état de marche. L’autre sœur pousse soudain un cri. « Un cri de douleur qui durera le temps de couper notre portable et d’apaiser son angoisse », explique la journaliste à qui l’on avait demandé de couper tout appareil.
Après un entretien où les sœurs expliquent leur pathologie et ses symptômes, et quelques images sur le quotidien de ces femmes (couches de tissus métalliques pour s’isoler des ondes, couverture de survie pour travailler sur un ordinateur), on suit une des sœurs au marché. La voix off commente : « Ici, tout le monde la connaît, et apparemment, personne ne la prend pour une folle. » Contrairement, apparemment, aux journalistes qui l’accompagnent. Se plaint-elle de souffrir en désignant quelques personnes qui utilisent leur portable ? La journaliste sait conserver une saine distance critique : « Vous en faites pas trop parce qu’il y a une caméra ? »
Après cet extrait, on retrouve Benoît Duquesne, tout sourire sur le plateau des « 10 ans » de son émission. Va-t-il annoncer une erreur en régie ? Auraient-ils envoyé le mauvais sujet ? Non, c’était bien ça le sujet tordant. Ne laissant aucun doute, Benoît Duquesne conclut : « Voilà pour ces deux personnes, qui nous ont fait sourire, et qui nous ont touchés aussi. On les a trouvées un peu émouvantes dans leur détresse. » On respire.
« Complément d’enquête » ?
Ne manquait-il pas un petit complément d’enquête à leur enquête ? Peut-être figurait-il dans la version complète du reportage que nous n’avons pas pu visionner. Mais l’extrait incite à l’optimisme, et nul doute que les journalistes avaient épluché les sites des associations Robin des toits, Une Terre pour les EHS, Next-Up, ou étudié, pour en rendre compte, les travaux du Professeur Belpomme de l’ARTAC, l’étude européenne REFLEX du Professeur Adlkofer, et tant d’autres documents et rapports qui fourmillent d’informations vérifiables ou contestables, mais documentées.
Quant à toutes les personnes qui partagent la souffrance éprouvée par ces deux sœurs, ne doutons pas que le petit cadeau rigolo de Benoît Duquesne leur a mis du baume au cœur. Entre le gouvernement qui préfère regarder ailleurs et les opérateurs téléphoniques qui nient en bloc, il ne manquait plus que le mépris des médias.
Déterminer si ces personnes souffrent à cause des ondes ou non n’est pas notre propos ici. La question est de savoir si M. Duquesne, après dix ans d’« enquêtes », n’avait rien de mieux à diffuser que cet extrait destiné à se payer la tête de ces femmes en souffrance, devant des millions de téléspectateurs, en guise de cadeau d’anniversaire. Souhaitons que le gâteau des dix ans de « Complément d’Enquête » n’était pas aussi amer que le sentiment de beaucoup suite à la diffusion de cette mauvaise blague.
Fanny Cautain (membre de l’association Une Terre pour les EHS) et Olivier Poche
Notes
[1] La page de Wikipedia propose un aperçu équilibré, semble-t-il, d’une question qui est toujours l’objet de controverses scientifiques.
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Source : http://www.acrimed.org/article3720.html">http://www.acrimed.org/article3720.html
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Voir également :
- Avis des médecins généralistes : importante enquête transversale Allemande sur les effets sanitaires des champs électromagnétiques - 18/12/2009
Après avoir traité et rediffusé toute une série de sujets sérieux, allant des valises de dollars circulant entre nos politiciens à l’euthanasie, Benoît Duquesne propose aux téléspectateurs une petite séquence de rigolade pour conclure l’émission : « Il arrive aussi à Complément d’Enquête, même si on n’est pas une émission très drôle [rires], si je peux me permettre, il arrive qu’on croise des gens qui nous fassent rire, il arrive qu’on croise des gens qui nous fassent rire et qu’on trouve des fois un peu ridicules. Donc un petit regard sur ces personnalités qu’on a croisées, et on va se dire au revoir. » On attend avec impatience ces personnalités au fort pouvoir comique. On ne sera pas déçu.
« Des gens qui nous fassent rire »
Suit alors un extrait de reportage, qui s’ouvre par une rencontre avec deux sœurs vivant en Bourgogne, qui se disent touchées par l’électro-hypersensibilité et souffrir de l’exposition aux champs électromagnétiques artificiels (notamment diffusés par le Wifi, le Wimax, les antennes relais de téléphonie mobile, DECT, etc.). Le sujet porte un titre qui a le mérite d’afficher la couleur : « Folie douce ». On peut trouver plus neutre.
À leur arrivée, l’une des sœurs sort pour maintenir l’équipe de journalistes éloignée de la maison : elle se plaint de douleurs et leur demande s’ils ont sur eux un appareil en état de marche. L’autre sœur pousse soudain un cri. « Un cri de douleur qui durera le temps de couper notre portable et d’apaiser son angoisse », explique la journaliste à qui l’on avait demandé de couper tout appareil.
Après un entretien où les sœurs expliquent leur pathologie et ses symptômes, et quelques images sur le quotidien de ces femmes (couches de tissus métalliques pour s’isoler des ondes, couverture de survie pour travailler sur un ordinateur), on suit une des sœurs au marché. La voix off commente : « Ici, tout le monde la connaît, et apparemment, personne ne la prend pour une folle. » Contrairement, apparemment, aux journalistes qui l’accompagnent. Se plaint-elle de souffrir en désignant quelques personnes qui utilisent leur portable ? La journaliste sait conserver une saine distance critique : « Vous en faites pas trop parce qu’il y a une caméra ? »
Après cet extrait, on retrouve Benoît Duquesne, tout sourire sur le plateau des « 10 ans » de son émission. Va-t-il annoncer une erreur en régie ? Auraient-ils envoyé le mauvais sujet ? Non, c’était bien ça le sujet tordant. Ne laissant aucun doute, Benoît Duquesne conclut : « Voilà pour ces deux personnes, qui nous ont fait sourire, et qui nous ont touchés aussi. On les a trouvées un peu émouvantes dans leur détresse. » On respire.
« Complément d’enquête » ?
Ne manquait-il pas un petit complément d’enquête à leur enquête ? Peut-être figurait-il dans la version complète du reportage que nous n’avons pas pu visionner. Mais l’extrait incite à l’optimisme, et nul doute que les journalistes avaient épluché les sites des associations Robin des toits, Une Terre pour les EHS, Next-Up, ou étudié, pour en rendre compte, les travaux du Professeur Belpomme de l’ARTAC, l’étude européenne REFLEX du Professeur Adlkofer, et tant d’autres documents et rapports qui fourmillent d’informations vérifiables ou contestables, mais documentées.
Quant à toutes les personnes qui partagent la souffrance éprouvée par ces deux sœurs, ne doutons pas que le petit cadeau rigolo de Benoît Duquesne leur a mis du baume au cœur. Entre le gouvernement qui préfère regarder ailleurs et les opérateurs téléphoniques qui nient en bloc, il ne manquait plus que le mépris des médias.
Déterminer si ces personnes souffrent à cause des ondes ou non n’est pas notre propos ici. La question est de savoir si M. Duquesne, après dix ans d’« enquêtes », n’avait rien de mieux à diffuser que cet extrait destiné à se payer la tête de ces femmes en souffrance, devant des millions de téléspectateurs, en guise de cadeau d’anniversaire. Souhaitons que le gâteau des dix ans de « Complément d’Enquête » n’était pas aussi amer que le sentiment de beaucoup suite à la diffusion de cette mauvaise blague.
Fanny Cautain (membre de l’association Une Terre pour les EHS) et Olivier Poche
Notes
[1] La page de Wikipedia propose un aperçu équilibré, semble-t-il, d’une question qui est toujours l’objet de controverses scientifiques.
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Source : http://www.acrimed.org/article3720.html">http://www.acrimed.org/article3720.html
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Voir également :
- Avis des médecins généralistes : importante enquête transversale Allemande sur les effets sanitaires des champs électromagnétiques - 18/12/2009