Recueilli par Marie Piquemal
Laurence Abeille, députée Europe Ecologie-Les Verts, est furieuse. Sa proposition de loi visant à appliquer enfin le principe de précaution pour les ondes électromagnétiques n'a même pas été débattue dans l’hémicycle ce jeudi soir comme prévu... Le texte a été renvoyé en commission dans la soirée, à l’initiative du groupe PS et du gouvernement. Et ne sera certainement pas à l’ordre du jour de sitôt : le groupe EE-LV dispose d’une seule niche parlementaire par an (une journée où le groupe est maître de l’ordre du jour). «Un déni de démocratie et une nouvelle victoire du lobby des opérateurs de téléphonie mobile», dénonce Laurence Abeille. Elle a répondu à Libération ce jeudi après-midi, avant que le renvoi en commission ne soit voté.
Que s'est-il passé ? Pourquoi votre proposition de loi ne sera-t-elle pas débattue ?
Peu avant midi, mon collaborateur reçoit un coup de fil. Le cabinet de Fleur Pellerin, la ministre de l’Economie numérique, annonce que le texte ne sera pas examiné en séance: le groupe socialiste va déposer une motion de renvoi en commission. Cette motion votée, le débat s’arrête là. Balayé d’un revers de main. Tout le travail parlementaire mené jusqu’ici, en commission notamment, aura été fait pour rien. C’est un déni du travail des députés, c’est scandaleux.
Une mainmise du gouvernement sur le travail parlementaire ?
Absolument, c’est exactement cela. J’ai croisé dans les couloirs des députés socialistes vraiment dépités et déçus... même si bien évidemment, ils appliqueront la consigne et voteront la motion de renvoi.
Je me pose des questions sur la façon de travailler du gouvernement. C’est un refus pur et simple du débat parlementaire. Une telle manière de faire ne s’était pas vue depuis longtemps. Je suis d’autant plus étonnée que mardi encore, le Premier ministre me disait que des amendements seraient certes déposés par le gouvernement mais dans un esprit constructif. Nous étions prêts à débattre.
Quels sont les points essentiels de votre proposition de loi ?
C’était un texte modéré, en deçà de ce que nous, écologistes, nous souhaiterions dans l’absolu. Mais c’était un premier pas, avec des objectifs raisonnables et pas compliqués à atteindre. On proposait des mesures de bon sens comme l’interdiction du wi-fi dans les maternités et les crèches. Ou de préférer autant que possible les connexions filaires dans les écoles, collèges et lycées. Aussi étonnant que ça puisse paraître, rien n’est interdit aujourd’hui.
Surtout, au cœur de notre proposition de loi, il y a ce principe Alara (As Low As Reasonably Achievable), qui veut dire littéralement «aussi bas que possible». Respecter ce principe, appliqué déjà dans le nucléaire, voudrait dire que toute nouvelle antenne devra être implantée de manière à émettre le moins possible. C’est une façon de dire: oui, on assure une couverture du territoire mais on admet que les ondes sont potentiellement nocives pour la santé. C’est là le point de rupture avec la ministre Fleur Pellerin.
La ministre parlait mercredi de «peurs irrationnelles» liées aux ondes, dont, dit-elle, «la dangerosité n’est pas scientifiquement étayée».
Pourtant le risque existe, il est scientifiquement établi. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu en 2011 que les champs électromagnétiques pouvaient être cancérogènes pour l’homme. C’est incroyable de voir l’attitude du gouvernement dans cette affaire alors qu'on découvre aujourd’hui les méfaits de la pilule contraceptive. Hier, c’était le Médiator, le scandale de l’amiante... Je ne comprends pas que l’on puisse tergiverser encore aujourd’hui en matière de risque sanitaire. On est donc incapable d’agir quand il est encore temps ?
La proposition de loi, écartée ce soir, avait été vidée de sa substance en commission des lois...
Oui, c’était le premier coup dur. Des dispositions, mêmes simples, avaient été rejetées. Je pense notamment à l’idée d’installer un outil sur les boîtiers Internet pour désactiver facilement le wi-fi dans les maisons.
Mais après le passage en commission, des amendements avaient été déposés, notamment par le député socialiste François Brottes, auteur d’un rapport en 2011 sur la diminution de l’exposition aux ondes. Il réhabilitait le fameux principe Alara. Nous avions donc des points de convergence avec la majorité. J’espérais l’adoption d’un texte, même a minima.
Ne serait-ce que les débats dans l’hémicycle, cela aurait été une avancée. Le sujet, qui intéresse pourtant les citoyens, n’a jamais été débattu à l’Assemblée. Nous en priver aujourd’hui, c’est incompréhensible et inacceptable.
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Source : http://www.liberation.fr/terre/2013/01/31/ondes-wifi-antennes-on-est-donc-incapable-d-agir-quand-il-est-encore-temps_878343
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Voir également :
- Proposition de loi : encadrement, abaissement des seuils et reconnaissance de l'électro-sensibilité (EHS) : Communiqué de presse du "Groupe écologiste" à l’Assemblée nationale - 17/12/2012