Un état des lieux positif pour la 2G et la 3G
Si pour les opérateurs mobiles, installer des antennes est coûteux, cela prend surtout du temps et parfois de longues négociations. Il faut dire que les lieux les plus stratégiques pour les opérateurs sont souvent problématiques du fait d'une forte promiscuité des endroits sensibles et plus généralement avec des habitants. La question des ondes est ainsi sur toutes les lèvres depuis de très longues années. L'une des solutions soumises par les associations et certains partis politiques est de réduire les ondes des antennes, ce qui peut impliquer un réseau de moins bonne qualité à nombre d'antennes égal.
Deux rapports sur le sujet ont ainsi été remis aux ministres français. Le premier rapport porte précisément sur la « diminution de l’exposition aux ondes électromagnétiques émises par les antennes relais de téléphonie mobile », tandis que le second rapport est le fruit « des expériences de nouvelles formes de concertation et d'information locale dans le cadre de l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile ». C'est bien entendu le premier qui nous intéresse particulièrement.
Ce document délivre des données réalisées par le comité opérationnel (COMOP), renommé ensuite en COPIC pour Comité de Pilotage Issu du COMOP. Créé il y a quatre ans, ce comité a notamment été présidé par la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) du Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, ainsi que par l’Agence Nationale des Fréquences (ANFR). Parmi les membres de ce comité, nous retrouvons diverses associations, des opérateurs, des élus, des fabricants, etc.
Que dévoile le rapport précisément ? Seize villes ou quartiers français ont été étudiés ces quatre dernières années, ceci en fonction de leurs caractéristiques (densité, relief, etc.). Un état des lieux a tout d'abord été réalisé afin de mesurer les ondes émises par les antennes-relais 2G et 3G d'Orange, SFR et Bouygues Telecom. Free Mobile n'est pas concerné dès lors que son réseau n'était pas encore déployé lors des premiers tests.
Le bilan de l'état des lieux est le suivant. Ce tableau montre ici que dans la pire des situations, c'est-à-dire dans un environnement « centre ville ancien dense », nous obtenons des niveaux d'exposition maximaux de 30,5 volts par mètre, alors que la réglementation autorise 41 V/m pour les antennes 900 MHz (2G) et même de 62 V/m pour les antennes 2,1 GHz (3G).
L'étude précise que que seuls les points les plus exposés aux antennes-relais ont été analysés, des points dont l'exposition est « sensiblement plus élevée que la moyenne de la zone ». Qui plus est, dans 20 % des cas, soit une fois sur cinq, d'autres sources d'ondes ont surpassé les antennes. Le rapport indique comme exemple les bases de téléphone sans fil DECT, les émetteurs radio FM, les boîtiers Wi-Fi, etc.
L'exposition aux ondes varie bien entendu selon les zones analysées. Ainsi, au sol, les valeurs maximales varient de 1,3 V/m en Rural relief faible à 6,7 V/m en Urbain modern dense. En façade, ces niveaux grimpent rapidement, avec 1,6 V/m en Rural relief faible et surtout 27,7 V/m en Urbain moderne dense. « Quelques façades, proches d’une antenne et dans son faisceau principal, concentrent de manière très localisée les expositions les plus élevées. »
Réduire les ondes sans affaiblir le réseau : c'est possible...
Mais quid d'une baisse des niveaux d'ondes sur la qualité du réseau ? Selon le rapport, « une réduction de l’exposition est possible sans dégradation significative de la couverture ». Néanmoins, atteindre un niveau de 0,6 V/m est bien problématique en cas de nombre égal d'antennes-relais précise le document. En effet, même à 1 V/m, de très fortes détérioration du réseau, de l'ordre de 60 à 80 % à l'intérieur des bâtiments, ont été notées à Paris. Avec 0,6 V/m, cette perte atteint même les 82 % en moyenne.
Pour réduire les niveaux d'ondes des antennes-relais tout en gardant un bon réseau, il n'y a qu'une seule solution selon le document : « le nombre de sites devrait être multiplié par un facteur au minimum égal à trois ». Une conclusion sans surprise, sachant que les débats de ces dernières années pointaient justement du doigt le fait de réduire le nombre d'antennes, ce qui implique une augmentation des ondes pour capter les téléphones des clients. Augmenter le nombre d'antennes entraine donc mécaniquement un besoin en ondes bien moindre.
Bien entendu, multiplier par trois, quatre ou cinq les antennes-relais afin de réduire l'exposition d'ondes à la population entrainera des travaux et des coûts bien plus importants, ce qui n'arrange guère les opérateurs. Ces derniers, pour une raison d'argent, préfèrent logiquement installer peu d'antennes avec un niveau d'ondes maximal. Néanmoins, sachant que chaque antenne sera bien moins « dangereuse » pour la santé, les élus tout comme la population locale accepteront certainement plus aisément leur installation.
... mais Robin des Toits pointe du doigt la méthodologie
La très médiatique association Robin des Toits, qui a participé pendant trois ans à ce comité (entre 2009 et 2012) avant de s'auto-suspendre, a annoncé dans un communiqué que « le cahier des charges mis en place pour l'expérimentation de la baisse de puissance n'est pas respecté ». Par conséquent, estime l'association, les résultats du COMOP/COPIC sont « biaisés, sur Grenoble notamment », mais aussi sur d'autres villes.
Pour Robin des Toits, le cahier des charges utilisé a toujours eu pour but de « discréditer la valeur cible de 0,6 V/m pourtant recommandée par le Conseil de l'Europe ». Cela explique ainsi pourquoi l'association, qui milite pour le principe de précaution en matière d'antennes mobiles, s'est auto-suspendue du comité l'an passé. Elle note néanmoins qu'elle reconnait les données sur Paris XIVe.
Le communiqué de l'association étant laconique, nous avons interrogé Etienne Cendrier, le porte-parole de Robin des Toits. Cendrier nous a ainsi précisé qu'en cours de route, le cachier des charges a été modifié. Ainsi, dans un premier temps, ce cahier des charges, purement mathématique et scientifique, indiquait que pour obtenir une qualité de réseau équivalente avec 0,6 V/m, il fallait bien multiplier par trois le nombre d'antennes-relais à Paris XIVe, mais de seulement 1,56 fois à Grenoble. Fin 2012, le cahier des charges a été transformé en rajoutant des critères arbitraires liés aux lieux, ce qui a permis à l'étude de conclure qu'il fallait finalement multiplier par au moins trois le nombre d'antennes-relais à Grenoble afin de sauvegarder un niveau de qualité égal.
Selon Etienne Cendrier, la manipulation a pour objectif de faire croire que la France entière est équivalente au quatorzième arrondissement de Paris, ceci afin de dévoiler une conclusion problématique, à savoir la multiplication par trois du nombre d'antennes-relais sur tout le territoire. Une situation qui par avance semble intenable financièrement pour les opérateurs mobiles.
Si l'association confirme que l'état des lieux de l'étude est correct, tout comme les données portant sur Paris 14e, Robin des Toits s'oppose donc aux données publiées au sujet des autres villes tests, faussées selon elle afin de fournir une conclusion biaisée.
Le problème de la qualité du réseau à l'intérieur des bâtiments
L'association PRIARTEM, Pour une Réglementation des Impantations d'Antennes Relais de Téléphonie Mobile, va d'ailleurs dans le même sens. Elle dénonce un rapport incomplet et surtout le risque d'une lecture caricaturale qui peut être faite. L'association explique notamment deux fausses conclusions que l'on peut tirer de l'étude :
- si on baisse le niveau d’émission des antennes-relais de façon à réduire les expositions à 0,6 V/m, on réduit la qualité de services. Cette réduction de la qualité des services serait inacceptable.
- si, dans ce contexte de baisse des niveaux d’émission, on veut récupérer la qualité de service, il faut multiplier le nombre d’antennes-relais par trois. Ce qui serait trop coûteux.
Pour PRIARTEM, le problème est surtout qu'offrir un excellent service avec 0,6 V/m est possible à l'extérieur, mais très complexe à l'intérieur des bâtiments. Dans cette situation, l'association estime donc que l'on devrait tout simplement utiliser chez soi les lignes filaires, et exploiter les lignes mobiles uniquement à l'extérieur. « Pourquoi donc aurait-on besoin d’avoir partout une excellente réception hertzienne au-delà de deux murs ? » se demande-t-elle.
Sachant par avance qu'elle sera critiquée pour ces propos, car contraire au progrès. Mais l'association estime que « la prise en compte de considérations environnementales et sanitaires non seulement n’est pas un frein au progrès mais peut correspondre à un formidable levier d'innovation et de création de valeurs comme le montre l’important rapport de l’Agence Européenne de l’Environnement ».
Enfin, un point majeur inquiète l'association : la 4G. Cette dernière impliquerait des niveaux d'exposition supérieurs de 50 % en moyenne par rapport aux autres réseaux. La FFT a d'ailleurs précisé sur ce point qu'en réalité, « si tous les émetteurs 2G, 3G et 4G fonctionnaient en même temps à puissance maximale, l’ajout de la 4G conduirait ainsi à des niveaux modélisés d’exposition inférieurs à 0,2 V/m dans 50 % des points, inférieurs à 1,0 V/m dans 90 % des points et inférieurs à 4,1 V/m dans 99 % des points ». Pour PRIARTEM, une évaluation de l'impact sanitaire doit être réalisée le plus rapidement possible. Dans une telle situation, l'association demande d'ailleurs que le principe ALARA, à savoir d'imposer le niveau d'onde le plus bas raisonnablement possible, soit mis en place.
Nil Sanyas
Journaliste, éditorialiste, créateur des LIDD, aime les interviews insolites et les tablettes tactiles. Présent sur Twitter et Google+.
Ondes électromagnétiques : « Il faut appliquer le principe de précaution » - Reporterre - 02/09/2016
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